Plaignant
Pierre Dicaire
Mis en cause
Réseau de télévision TQS inc.
(Bernard Guérin, directeur, Affaires juridiques) et Communications Quebecor
inc. (Érik Péladeau, président et chef de la direction)
Résumé de la plainte
M. Dicaire porte plainte contre le Réseau
de télévision TQS inc. et contre Communications Quebecor inc. , la société
qui en détient le contrôle.
Le plaignant dénonce le fait
d’avoir été limogé arbitrairement de son poste d’analyste dans une émission
magazine d’informations sportives et également d’un poste de commentateur dans
une série d’émissions en préparation.
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche aux
mis-en-cause de l’avoir écarté de son poste à la suite d’un commentaire qu’il a
fait le 2 novembre 1998, sur les ondes de TQS dans le cadre de
l’émission » 110 % « , alors qu’il faisait une comparaison entre le pilotage
d’une voiture de formule 1 et le monde des affaires. Aux fins de comparaison,
il aurait fait référence au fondateur de Quebecor, Pierre Péladeau, d’une
manière qui aurait apparemment déplu à la direction de TQS.
Dans les jours qui ont suivi, il a
appris que l’entreprise TéléPhil communication, qui détient le contrat d’une
autre émission en préparation, avait été sommée de trouver un autre
commentateur que le plaignant, sans quoi l’émission serait retirée de
l’horaire.
M. Dicaire rappelle que depuis 1983
il a été considéré par la Société Radio-Canada comme l’un des meilleurs
analystes, toutes disciplines confondues, et qu’en 1992 il a été mis en
nomination dans la catégorie » meilleur animateur – émission ou série
sportive « . Il en conclut que ce ne sont pas ses qualités professionnelles
qui sont en cause. Il mentionne également qu’ayant été contraint à poursuivre
en justice une des sociétés de Quebecor dans une affaire remontant à 1993, il
n’est nullement étonné de son limogeage intempestif.
Le plaignant invite donc le Conseil
à faire enquête sur la sanction injustifiée qui le frappe. Pour lui, cette
décision indique que les actionnaires de contrôle de TQS n’hésitent pas
à s’ingérer de manière arbitraire dans la salle des nouvelles de l’entreprise.
Commentaires du mis en cause
C’est le directeur des affaires
juridiques, Bernard Guérin, qui répond au nom de TQS. Celui-ci nie
catégoriquement toute ingérence de la part des actionnaires de contrôle dans la
salle des nouvelles de TQS. M. Guérin rappelle qu’une condition de
licence promulguée par le CRTC impose » que les services des nouvelles des
stations de TQS restent distincts de ceux du Journal de Montréal
et qu’il y ait une étanchéité complète au point de vue éditorial entre TQS
et toute personne associée de près ou de loin à son actionnaire principal
« .
Le représentant des mis-en-cause
indique que la décision a été prise par la direction des programmes de TQS
pour des raisons éditoriales, relevant des prérogatives fondamentales de tout
radiodiffuseur. Selon M. Guérin, la décision de ne pas retenir les services de
M. Dicaire n’est pas reliée de quelque façon que ce soit à une question
journalistique et encore moins à une question de liberté d’expression. Par
conséquent, les mis-en-cause ne considèrent pas que le Conseil de presse soit
le bon forum pour entendre cette plainte.
Réplique du plaignant
Pour M. Dicaire, comme il s’agit
d’une condition attachée à leur licence d’exploitation, il est normal que les
administrateurs de TQS nient toute forme d’ingérence de la part des
actionnaires de contrôle dans la salle des nouvelles. Il se dit peu surpris de
constater que TQS n’apporte aucun élément à l’appui de sa décision de
l’exclure de ses ondes, attribuant cette omission au fait qu’elle ne saurait
étayer ses motifs sans s’incriminer.
Pour le plaignant, TQS se
limite à soumettre de manière plus que nébuleuse que la décision de l’exclure a
été prise » pour des raisons purement éditoriales « , raisons qu’il
met en doute. Pour lui, il conviendrait que TQS précise les «
raisons éditoriales invoquées « , les objectifs poursuivis et en quoi on
considère qu’il n’est pas apte à les atteindre.
M. Dicaire aimerait également que
soit précisé le processus par lequel cette décision
« éditoriale » aurait été prise et » par qui « .
Pour le plaignant, il lui apparaît suspect que son exclusion ait pu représenter
une telle priorité pour TQS qu’elle l’ait amenée à exiger du producteur
de l’émission à » trouver un autre analyste [que Dicaire] ou alors de voir
l’émission retirée de l’horaire « .
INFORMATION COMPLÉMENTAIRE
Le plaignant fait parvenir au
Conseil de presse copie d’une lettre que l’entreprise TéléPhil, le fournisseur
de services de TQS, a expédiée à son avocate. Cette lettre indique
notamment que M.Dicaire « s’est disqualifié lui-même de
ce contrat devenant persona non grata à l’antenne de TQS aux
dires mêmes du diffuseur, en raison de relations personnelles et d’affaires
problématiques avec les propriétaires de la station (La famille Péladeau)
« ; et plus loin, que » […] TQS a menacé de mettre fin à
toute association avec notre compagnie… « .
Analyse
Le Conseil a considéré la plainte de M. Dicaire sous deux aspects, celui de la limite à la liberté d’expression et celui de l’ingérence éventuelle de la direction dans un média.
L’examen a permis d’établir que le plaignant n’a jamais précisé les propos tenus à l’encontre de M. Péladeau, qui lui auraient valu cette exclusion. Le Conseil n’était pas en mesure d’apprécier la gravité ou non de l’éventuelle faute du plaignant, et partant si la mise à pied avait été faite à la suite d’une faute professionnelle grave ou d’un prétexte.
Le Conseil a pu observer, des documents soumis à son attention, que le plaignant relevait de la direction de la programmation de TQS et que c’est de ce service que serait venu officiellement la décision de sa mise à pied.
Le plaignant impute la décision de son renvoi à la haute direction de Quebecor mais n’a pu en faire la démonstration, sinon par des éléments circonstanciels : coïncidence entre ses propos sur M. Péladeau et ses exclusions dans les jours suivants, absence de motifs spécifiques donnés par la direction, antécédents de nature conflictuelle avec une entreprise du groupe Quebecor.
Même si les éléments relevés par le plaignant peuvent donner à penser que les mis-en-cause ont pu effectivement intervenir dans la programmation comme l’affirme le plaignant, en l’absence de preuves suffisantes, le Conseil ne saurait conclure, sans donner dans le procès d’intention, que les mis-en-cause ont enfreint les règles déontologiques et qu’il ne s’agit pas simplement d’une matière qui relève du droit de gérance.
En conséquence, le Conseil de presse du Québec se doit de rejeter la plainte de M. Pierre Dicaire contre le Réseau de télévision TQS.
Analyse de la décision
- C01B Objection à la prise de position
- C06G Ingérence de la direction du média
- C06I Congédiement d’un journaliste
- C22F Liens personnels
Date de l’appel
5 May 2000
Décision en appel
Après examen, les membres de la
Commission, présidée par M. Michel Roy, ont conclu à l’unanimité de maintenir
intégralement la décision de première instance et de rejeter l’appel.
Griefs pour l’appel
Pierre Dicaire interjette appel à
la décision du Conseil de presse.