Plaignant
J. J. Luc Monday
Mis en cause
Robert Desrosiers, animateur, et Corporation
de Télédiffusion Brandon (Gilles Comeau, président)
Résumé de la plainte
J. J. Luc Monday porte plainte
contre Robert Desrosiers, animateur de l’émission « Affaires
publiques » sur CTB-TV et Corporation de Télédiffusion
Brandon pour une émission diffusée seize fois par semaine durant plusieurs
semaines au cours des mois de mars et avril 1999.
Robert Desrosiers est à la fois
animateur bénévole de cette émission et maire de Ville St-Gabriel. Le plaignant
Luc Monday est le président du Regroupement des Résidents Riverains du Lac
Maskinongé (les 3-R). Il s’est opposé à la délivrance d’un permis à l’hôtel Le
Manoir du Lac par la Régie des Alcools des Courses et des Jeux (RACJ). Au cours
des négociations, au mois de décembre 1998, M. Monday a fait une proposition
par écrit. Le propriétaire de Manoir du Lac a transmis cette proposition à M.
Desrosiers. Celui-ci en a fait le sujet de l’une de ses émissions, diffusée à
de très nombreuses reprises, au cours de laquelle il s’en prend directement à
M. Monday en critiquant violemment son attitude et en lisant en ondes le texte
de la proposition. Le 24 mars, l’émission cesse d’être diffusée suite à une
mise en demeure de M. Monday. Le 29, la diffusion reprend avec un message de M.
Desrosiers qui, s’expliquant sur l’interruption, commente à nouveau le
comportement de M. Monday en parlant de sa vie personnelle.
Griefs du plaignant
Sa plainte s’articule autour de
trois reproches. D’une part, il attire l’attention sur le fait que la prise de
position du maire peut porter ombrage aux négociations en cours auxquelles il
participe; les audiences à la RACJ étant à caractère privé, il juge anormal que
M. Desrosiers ait rendu publique la proposition. D’autre part, il considère
« outrageant » le fait que l’animateur n’ait pas cherché à
obtenir sa version des faits, réalisant un « traitement partiel et
partial du sujet ». Enfin, il s’insurge contre l’attitude de M.
Desrosiers eu égard à sa position de premier magistrat de la ville qui, en
dépit de l’impartialité dont il devrait faire preuve, s’est mêlé
« d’un différend de voisins ».
Commentaires du mis en cause
Robert Desrosiers, l’animateur,
revient, dans ses commentaires, sur le conflit qui oppose Le Manoir du Lac à J.
J. Monday. Selon lui, le document dont il est question dans l’émission lui a
« ouvert les yeux sur la cause de la fermeture des hôtels »
à Ville St-Gabriel. Pour qualifier le comportement de M. Monday, il parle de
« persécution » à l’endroit des propriétaires du Manoir du
Lac.
Concernant son respect de la
déontologie journalistique, il affirme avoir « vérifié l’authenticité
de [ses] allégations ». Il s’exprime à la fois en tant que maire et
en tant qu’animateur et justifie ses propos de la façon suivante:
« j’ai fait cette nouvelle pour mes citoyens ».
Son argumentation repose aussi sur
la notoriété dont jouirait son émission auprès du public. Le concept serait de
« renseigner la population du grand Brandon sur tout ce qui se passe
d’ordinaire ou d’extraordinaire ». Il joint également à ses
commentaires un article de journal (L’écho) qui reprend les propos tenus
au cours de son émission.
Réplique du plaignant
J. J. Luc Monday pointe du doigt
les commentaires de Robert Desrosiers en signalant que celui-ci ne prétend à
aucun moment avoir eu l’intention de rechercher la version opposée à celle
qu’il présente dans ses émissions. Selon lui, « les explications de
M. Desrosiers sont dans le prolongement des façons de faire [qu’il a]
dénoncées ».
Le plaignant réagit aussi à la
parution d’un article reprenant les propos de M. Desrosiers. Cela ajoute, à son
avis, « une nouvelle coloration péjorative à toute
l’affaire ».
Analyse
Les émissions qui appartiennent à la fois à la catégorie des programmes d’affaires publiques et de service à la communauté sont astreintes aux mêmes exigences de rigueur et de qualité que tout autre émission d’information. Dans le cas soumis à l’attention du Conseil de presse, l’animateur et maire de la ville de St-Gabriel, Robert Desrosiers, prétend faire une « émission d’information ». Son statut de maire le place dans une situation de conflit d’intérêts. Il ne peut à la fois être juge et partie. L’émission pourrait être un bulletin municipal, identifiable comme tel mais sans prétention journalistique.
M. Monday a mis en évidence, par le biais de sa plainte, un cas d’incompatibilité des deux fonctions. Robert Desrosiers s’est exprimé en tant que maire au sujet d’un différend entre deux personnes au sein de la municipalité. Le rôle du Conseil n’est pas de se prononcer sur le fond du conflit mais de considérer le travail de l’animateur du point de vue de la déontologie journalistique eu égard à ses ambitions.
Le Conseil de presse estime qu’il a détourné la presse de ses fins en présentant un traitement partial et déséquilibré d’un dossier. Il a sérieusement mis en cause M. Monday dans une émission diffusée à de très nombreuses reprises sans jamais chercher à obtenir sa version des faits. M. Desrosiers a ainsi discrédité M. Monday en portant atteinte à sa réputation.
Pour toutes ces raisons, le Conseil tient à blâmer sévèrement M. Desrosiers et remet en cause le principe et l’existence de son émission.
Le Conseil de presse invite la Corporation de Télédiffusion Brandon à redéfinir cette émission, soit en une émission identifiée clairement comme tribune du maire Desrosiers, soit en une véritable émission d’affaires publiques présentée par un animateur empreint d’objectivité.
Analyse de la décision
- C12 Équilibre de l’information
- C13 Impartialité de l’information
- C14 Pondération de l’information
- C17 Respect des personnes
- C22 Conflit d’intérêts