Plaignant
Michel Gaudette
Mis en cause
Le Devoir (Bernard
Descôteaux, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
Le 3 avril 1999, à l’occasion de la
fête de Pâques, Le Devoir publie un éditorial à caractère
religieuxintitulé : » De très bonne heure! « , l’article est
signé par Benoît Lacroix. Le plaignant déplore le manque d’éclectisme du
journal, qui n’accorde pas d’espace rédactionnel aux lecteurs de confessions
autres que catholique. Il dénonce le manque de neutralité du journal.
Griefs du plaignant
En privilégiant la voix des
catholiques, Le Devoir attenterait à la liberté d’expression pour les
minorités religieuses.
Le Devoir aurait refusé
toute communication, écrite ou téléphonique, avec le plaignant, lui opposant un
silence ferme. En guise de conclusion, le plaignant demande au Devoir,
soit d’informer ses lecteurs de sa position éditoriale en matière de religion,
soit d’accorder la même représentativité à tous les groupes religieux.
Commentaires du mis en cause
Selon Bernard Descôteaux, rédacteur
en chef du Devoir, le Conseil de presse a toujours reconnu aux éditeurs
et aux journaux le droit de choisir ce qu’ils publient.
De l’avis de M. Descôteaux, ce que
le plaignant remet en cause, ce n’est pas le point de vue exprimé par le
journaliste, mais le fait qu’il s’exprime. Le mis-en-cause assure que Le
Devoir est un journal respectueux des diverses confessions religieuses, et
que la seule restriction qu’il s’impose est celle de ses moyens.
Mais le mis-en-cause maintient que
l’on ne peut dénier à l’éditeur la prérogative de choisir un sujet d’éditorial
et un auteur. Le journal exercerait cette liberté éditoriale en tenant compte
de ses valeurs et de celles de ses lecteurs.
Réplique du plaignant
Le plaignant reconnaît à l’éditeur
du journal sa prérogative en matière de contenu rédactionnel. Il ne prétend pas
dicter au Devoir quoi publier, et sous quelle signature. Mais il tient à
sensibiliser le journal aux conséquences de ses choix éditoriaux. En
l’occurrence, ce qu’il conteste, c’est que, à l’occasion des grandes fêtes
religieuses comme Noël ou Pâques, Le Devoir ne donne la parole
qu’aux représentants de la religion catholique.
Le plaignant compare cette
situation au domaine politique. Il rappelle qu’un journal doit assurer une couverture
neutre et équilibrée aux différents partis politiques. Il regrette qu’il n’en
soit pas de même pour les groupes religieux. Selon lui, tout ceci s’explique
par le fait que les journaux québécois francophones ne sont en réalité ni
laïcs, ni pluralistes.
Le plaignant se demande pourquoi le
journal boycotte certaines de ses lettres et pourquoi il modifie les titres de
certaines autres.
Il invite les journaux québécois
francophones à s’inspirer des journaux anglophones, comme la Gazette, en
matière de neutralité et de pluralisme.
Analyse
L’attention que les médias décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Dans le présent cas, le plaignant déplore que le journal ne fasse pas preuve de plus d’éclectisme en matière de religion : selon lui, Le Devoir accorde trop d’importance au catholicisme, et trop peu d’espace rédactionnel aux autres religions. Le Conseil ne saurait cependant nier au journal et à son éditeur le droit de déterminer le contenu de ses pages, sans risquer de devenir un censeur de l’information. En outre, il est tout à fait légitime pour Le Devoir de chercher à rejoindre son lectorat, en choisissant de s’intéresser principalement à la religion majoritairement présente chez ce dernier, que ce soit en pratique ou par tradition.
Quant au refus du journal de publier certaines lettres du plaignant, le Conseil rappelle que nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal. Il appartient à l’éditeur de décider de ce qui sera publié et de ce qui ne le sera pas. Rappelons que le quotidien en question a déjà publié des lettres du plaignant. Ce dernier reproche au journal d’en avoir modifié les titres, mais le quotidien était en droit de le faire, pour autant qu’il ne trahissait pas la lettre et l’esprit du texte, ce que le plaignant ne semble pas remettre en question.
Finalement, le Conseil de presse reconnaît au Devoir le droit de disposer de son espace rédactionnel comme il l’entend, que ce soit pour accorder plus d’importance à une religion plutôt qu’à une autre, ou bien encore pour sélectionner les lettres de lecteurs.
Pour toutes ces raisons, le Conseil rejette la plainte de M. Gaudette à l’endroit du Devoir et de son rédacteur en chef, M. Descôteaux.
Analyse de la décision
- C08B Modification des textes
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C12A Manque d’équilibre
Date de l’appel
26 January 2000
Décision en appel
Après examen, les membres de la
Commission, présidée par M. Michel Roy, ont conclu à l’unanimité de maintenir
intégralement la décision de première instance et de rejeter l’appel.
Griefs pour l’appel
Michel Gaudette