Plaignant
Communauté Évangélique de Pentecôte
(Albert Mamono, administrateur secrétaire)
Mis en cause
Ladji Ntondo, journaliste et
rédacteur en chef, et Afro Vision (Magazine)
Résumé de la plainte
L’objet de la plainte est un numéro
entier du magazine Afro Vision qui se définit comme Le magazine des
décideurs africains au Canada et de l’espace francophone. L’édition mise en
cause est une édition spéciale publiée en avril 1999 sous la direction du
directeur-rédacteur en chef, Ladji Ntondo.
La plainte provient de la
Communauté Évangélique de Pentecôte, une association dont l’objet est
l’enseignement de la Bible, la pratique du culte chrétien et les œuvres
sociales au bénéfice de ses membres et de la collectivité.
Afro Vision aurait, dans
cette édition, fustigé l’Association de manière confuse et gratuite quant à ses
enseignements, sa gestion et la qualification d’un de ses dirigeants
spirituels.
Griefs du plaignant
L’Association porte plainte contre
le magazine pour :
Avoir
présenté, dans un contexte d’écrits passionnels, aux lecteurs dudit
magazine une foule d’informations traitées sans rigueur professionnelle ni
honnêteté intellectuelle dans des domaines scientifiques et de gestion
ignorés des auteurs, avec une telle légèreté déconcertante et des
inexactitudes grossières que ni les communautés culturelles intéressées ni
le consommateur de l’information n’ont été, en aucune manière, traités
avec considération et respect.
Avoir
outrepassé le devoir et la liberté d’informer pour exploiter à des fins
obscures et sans degré d’intérêt public évident ni rigueur et
discernement, des comportements relevant de la vie privée de certains
membres desdites communautés et, du reste, promptement et rigoureusement sanctionnés,
suivant le régime disciplinaire de l’Église.
Les plaignants reprochent d’abord
au magazine d’avoir, par sensationnalisme, publié un article truffé d’entorses
à la vérité, d’insultes, d’affirmations et de généralisations gratuites, en
leur imputant des responsabilités de façon insidieuse portant ainsi atteinte
aux communautés culturelles et aux dirigeants spirituels appartenant à
l’Association, notamment le pasteur Joseph Kabuya Masanka.
Alors qu’il prétendait contribuer à
l’évaluation et à la consolidation de la vie morale et spirituelle de la
collectivité, le magazine n’aurait jamais approché l’Association pour entendre
son point de vue. Les auteurs, ignorant les principes d’interprétation et le
domaine de la théologie, auraient fait un usage abusif des textes bibliques,
créant des entorses théologiques graves et des hérésies risquant de conduire à
la confusion un public non averti.
De plus, le magazine Afro Vision
accuse des dirigeants spirituels de faire état d’autoproclamation, de confondre
les biens de l’Association avec les biens privés et d’affirmer sans preuve, en
termes diffamatoires, la confusion des deux patrimoines.
Le magazine prêterait enfin à
l’association un discours de discrimination et d’intolérance au détriment de la
collectivité et ferait état d’une scission imaginaire au sein de la communauté.
Les plaignants ajoutent que l’article est définitivement nocif et dénué de tout
objectif informatif, notamment à cause de » l’usage abusif d’une
photographie du pasteur collée à des faits imputés grossièrement à son fils et
des qualificatifs insultants et méprisants à charge des membres des communautés
culturelles participantes « .
Commentaires du mis en cause
Aucun commentaire.
Réplique du plaignant
Aucune réplique.
Analyse
Il y a lieu de préciser dès le départ que la décision du Conseil de presse porte essentiellement sur les questions concernant l’éthique journalistique et ne vise pas à statuer sur des questions relevant de la théologie ou des coutumes et croyances religieuses.
Le traitement d’un événement ou d’un phénomène social particulier relève du jugement rédactionnel des médias et des journalistes, lesquels doivent éviter de cultiver ou d’entretenir des préjugés ou des attitudes discriminatoires. Les médias ne doivent toutefois pas s’empêcher d’aborder des sujets controversés.
Le Conseil de Presse estime que la publication d’un numéro spécial d’un magazine comme l’a fait Afro Vision pouvait faire oeuvre utile, et l’objectif de jeter la lumière sur le fonctionnement de divers mouvements religieux était tout à fait louable et légitime, compte tenu de la dimension publique d’organismes porteurs d’autorité morale. Certaines pratiques rapportées dans cette publication se devaient d’être révélées, dans le meilleur intérêt du grand public. La reconnaissance publique de certains comportements coupables en sont déjà la preuve. Dans cet esprit, le Conseil n’a pas retenu les griefs exprimés par les plaignants en regard de la pondération de l’information.
Une autre constatation générale ressort de cette analyse au chapitre du traitement et de l’exactitude de l’information. Les visions des faits exposés dans le long numéro spécial divergent, sur plusieurs points, de ce qui est dénoncé par les plaignants. Les prises de position se contredisent sans pourtant être démontrées par les parties, par exemple en ce qui concerne l’autoproclamation des dirigeants de mouvements religieux. Il devient donc difficile, voire impossible, d’établir la véracité de tous les faits faisant l’objet de dénonciation dans ce numéro spécial de Afro Vision.
Un autre aspect sur lequel s’est porté l’examen du Conseil concernait le respect de la réputation et des groupes sociaux. À cet égard, la déontologie appliquée au genre journalistique du magazine autorisait un journaliste à faire part de ses perceptions, de sa lecture des faits. La nature du sujet et les enjeux autant sociaux que religieux de la matière abordée en faisaient un terrain propice à la controverse. À cet égard, le Conseil fait observer, en ce qui a trait au pasteur Lezoka, que sa réputation n’a pas été entachée au moment de la publication du magazine, mais bien quand ses actes ont été rendus publics dans son église et ensuite admis par l’intéressé lui-même.
Cependant, le magazine s’interroge sur » les nombreux dérapages du ministère Lesoka qui agresse sexuellement ses fidèles? « . Si le pasteur a entretenu des relations illicites avec certaines de ses fidèles, nulle part n’est-il démontré que cela justifie une telle accusation qui représente une atteinte grave à la réputation. Accusation que le Conseil ne peut que relever comme une faute journalistique et donc retenir le grief.
Enfin, la règle de l’équilibre exigeait qu’au moment où une publication disait vouloir contribuer à l’évaluation et à la consolidation de la vie morale et spirituelle d’une collectivité, cette publication approche les principaux intéressés pour entendre leur point de vue. Le magazine publie de nombreux témoignages et interviews. Cependant, devant les accusations graves que formulait Afro Vision, cette règle de conduite devenait une obligation professionnelle. À nul endroit n’est-il mentionné que les mis-en-cause aient tenté sans succès de le faire.
Le Conseil a également identifié un autre aspect sur lequel la partie » dossier » de ce numéro spécial n’obéit pas aux règles journalistiques habituellement reconnues et en usage au Québec. Celui du mélange des genres.
Alors que la jurisprudence reconnaît aux publications de type magazine une grande latitude, ce « dossier » en dépasse les limites parce qu’il entretient une grande confusion des genres journalistiques. On a pu voir en effet, dans ce « dossier » constituant le cœur de ce numéro spécial, tour à tour dénoncer et vanter les actions de l’Église Bethel, formuler une prière, rapporter des événements, faire des accusations, le tout truffé de renvois à la Bible.
Après étude du dossier, à la lumière des règles journalistiques en usage au Québec et pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil de presse du Québec ne peut que retenir un blâme contre le magazine Afro Vision et son directeur-rédacteur en chef, Ladji Ntondo.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12A Manque d’équilibre
- C12C Absence d’une version des faits
- C13A Partialité
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C15C Information non établie
- C15G Rumeurs/ouï-dire
- C16D Publication d’informations privées
- C17A Diffamation
- C17C Injure
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17E Attaques personnelles
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C18B Généralisation/insistance indue
- C18D Discrimination
- C20A Identification/confusion des genres