Plaignant
Équipe Bourque – Vision Montréal
Mis en cause
Philippe Schnobb, journaliste, et
Radio-Canada (Jean Pelletier, directeur des nouvelles TV)
Résumé de la plainte
Le parti politique Équipe
Bourque-Vision Montréal porte plainte contre le journaliste Philippe Schnobb et
Radio-Canada suite à la diffusion d’un reportage lors de l’émission
« Montréal ce soir » le 20 mai 1999 à 18 heures. Le
reportage se voulait l’illustration d’une nouvelle affaire de financement illégal
du parti. C’est de cette façon qu’il a été introduit par la journaliste Pascale
Nadeau. Le reportage est une enquête sur une présumée activité de financement
de campagne qui n’aurait pas été déclarée dans les états financiers du parti
politique.
Griefs du plaignant
Les plaignants dénoncent
« l’inexactitude et la fausseté du reportage ». Tout
d’abord, la présentation de Pascale Nadeau serait « fausse,
tendancieuse et sensationnelle ». Quant au reportage proprement dit,
les plaignants contestent plusieurs séquences précises dans leur ordre
d’apparition. Philippe Schnobb sous-entendait que la rencontre du 4 septembre
1998 dans le restaurant de l’avenue du Parc aurait dû apparaître dans les états
financiers du parti. Or, les plaignants affirment que le directeur général des
électionsa statué que cette activité n’était pas une activité officielle
et que par conséquent « elle n’avait pas à être déclarée dans [leurs]
états financiers ». Ensuite, les plaignants ont relevé l’affirmation
du journaliste Philippe Schnobb lorsqu’il « admet lui-même n’avoir
effectué qu’une seule vérification relativement à cet événement ».
Ils considèrent que cela entre en contradiction avec d’autres propos tenus dans
le reportage. Le journaliste commente de la façon suivante les images:
« si on ne trouve aucune trace de l’événement dans le rapport
financier, on ne retrouve rien non plus sur les contributions qui ont été
recueillies, apparemment par chèque ». Enfin, les plaignants
contestent l’affirmation de Philippe Schnobb selon laquelle un électeur aurait
fait un chèque au parti Vision Montréal qui ne l’aurait pas déclaré dans son
rapport annuel. Selon eux, « le chèque n’a jamais existé ou n’a
jamais été remis » et le journaliste « ne pouvait pas ne
pas savoir que ce chèque n’avait pas été encaissé […] puisque, selon ce qu’il
laisse entendre, il a vu ledit chèque ».
Le journaliste Philippe Schnobb
aurait donc présenté des « informations fausses […] qui jettent
injustement du discrédit sur [le parti Vision Montréal] ou laissent à tout le
moins planer un doute [sur celui-ci] ». Il aurait « fait
preuve de négligence en ne récoltant pas toutes les informations qu’il lui
était possible de récolter et en faisant preuve inutilement de
sensationnalisme ».
Commentaires du mis en cause
Jean Pelletier, directeur des
nouvelles télévisées, tient à préciser en tout premier lieu que « ce
reportage est le résultat d’une longue recherche qui a débuté en octobre
1998″. Philippe Schnobb aurait découvert l’existence du repas dont
il est question dès le mois de septembre 1998. Cependant, Il explique que
« ce n’est qu’en mai 1999 que le journaliste met la main sur des
photographies publiées dans un hebdomadaire de la communauté
grecque » et qu’il décide de réaliser une entrevue avec Eddy
Dikranian. Jean Pelletier donne également sa version sur le fait que le
directeur général des élections ait abandonné son enquête. Dikranian aurait
nié, après coup avoir fait une contribution et aurait prétendu que le
journaliste de Radio-Canada ne s’était pas identifié.
En second lieu, Jean Pelletier
attire l’attention sur le fait que « la version officielle de ladite
activité variera 4 fois ». Il cite ces 4 versions. Tout d’abord,
Ilias Kaperonis, le candidat local aurait dit à Philippe Schnobb
qu’ »un groupe d’amis avait décidé d’aller souper à l’improviste et
qu’on avait alors passé le chapeau » (octobre 98). Ensuite, le
directeur général de l’Équipe Bourque Vision-Montréal, André Bourque, lui
« indiquera que c’était une activité privée organisée par le candidat
local » (le 20 mai). Quelques jours plus tard, « le
responsable des communications, Robert Dolbec, expliquera aux journalistes Hugo
Dumas de La Presse et Kathleen Lévesque du Devoir que l’activité
avait été organisée par des marchands de l’avenue du Parc pour sensibiliser les
candidats locaux à la problématique du transport ». Enfin,le
propriétaire du restaurant aurait dit à l’enquêteur du directeur général des
élections « qu’Ilias Kaperonis avait réservé quelques jours avant le
repas pour 30 à 40 personnes ». Kaperonis aurait dit que » le
coût total du repas s’est élevé à 500 dollars [et a été] divisé entre les
convives ».
Pour finir, Jean Pelletier répond
précisément aux trois éléments contestés par les plaignants. D’une part, il
reconnaît qu’ »une activité privée au cours de laquelle des électeurs
décident de faire des contributions est une activité légale ». De
même, il reconnaît que » le parti Équipe Bourque-Vision Montréal n’a pas
organisé officiellement l’activité en question ». En revanche, il soutient
que « la soirée avait toutes les apparences d’une activité de
financement et qu’en conséquence on aurait dû en retrouver des traces dans le
rapport financier » du parti. D’autre part, Jean Pelletier précise
que ce n’est pas lui mais « le directeur général du parti lui-même qui
affirmera que d’autres sommes ont été recueillies ce soir-là sans pour autant
être capable de montrer au journaliste les noms associés à ces contributions
dans le rapport financier ». Enfin, concernant le chèque d’Eddy
Dikranian, Jean Pelletier corrige les propos des plaignants en rappelant que ce
n’est pas Philippe Schnobb qui affirme que M. Dikranian a fait un chèque mais
M. Dikranian lui-même: « en aucun moment, […] le journaliste
n’a prétendu avoir vu le chèque ».
Jean Pelletier termine en
argumentant sur la présentation de Pascale Nadeau: « elle est
juste dans la mesure où elle est corroborée par le reportage qui a
suivi ».
Réplique du plaignant
Les plaignants réitèrent leur
critique en disant: « si le journaliste Philippe Schnobb avait
poussé plus loin sa recherche, il aurait rapidement appris qu’une activité non
organisée officiellement par [le parti], n’avait pas à être déclarée dans son
rapport annuel ». Sur le point de savoir si le chèque aurait dû être
inscrit au rapport financier du parti, voilà l’argument des plaignants:
« les partis politiques ne divulguent le nom d’un donateur et le
montant de sa contribution que si un chèque a été encaissé ». Les
plaignants citent à leur appui la lettre d’une avocate au bureau du directeur
général des élections du Québec. La lettre atteste qu’ils n’ont
« aucun motif de croire que des irrégularités ou des infractions à la
loi ont été commises durant cette réunion [au restaurant] ou
ultérieurement ». « Nous avons conclu [dit-elle] qu’il ne
s’agit pas d’une activité de financement illégal du Parti Équipe Bourque-Vision
Montréal et que les informations à l’effet que des contributions auraient été
recueillies dans le cadre de cette réunion sont erronées ».
Analyse
Les citoyens ont le droit inaltérable d’être pleinement et adéquatement renseignés sur les faits, les gestes et les décisions des responsables de l’administration publique. Il importe qu’un gouvernement s’abstienne de s’ériger en juge suprême de ce qui est ou n’est pas d’intérêt public. Le risque est trop grand qu’il en vienne à confondre l’information d’intérêt public et l’information qu’il a intérêt à faire connaître.
Dans le cas présent, il apparaît que l’enquête du journaliste Philippe Schnobb l’a placé devant des faits suffisamment troublants pour justifier l’attention portée à cette affaire de financement de campagne électorale. En revanche, l’activité dont il est question dans le reportage ayant été reconnue, après coup, comme légale par le directeur général des élections du Québec, force est de constater que Radio-Canada a parlé imprudemment de « financement illégal » dans la présentation du sujet à l’antenne.
Parallèlement, l’analyse établit que l’enquête du journaliste a été menée en respectant la déontologie journalistique; Philippe Schnobb a présenté l’entrevue d’un individu qui déclarait que le repas en question était un « fundraiser » et qu’il avait lui-même fait un chèque. Même si cette personne s’est rétractée par la suite, il n’était pas dénué d’intérêt pour le téléspectateur et le citoyen de connaître l’existence de ce type d’activité.
Pour toutes ces raisons, le Conseil de presse du Québec rejette les griefs portant sur la partialité du journaliste et sur le respect de la réputation du parti Équipe Bourque-Vision Montréal, mais retient en revanche le grief en regard de l’exactitude des faits dans la présentation du reportage de Radio-Canada.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C13A Partialité
- C15D Manque de vérification
- C17G Atteinte à l’image