Plaignant
Jean Simoneau
Mis en cause
Radio-Canada (Jean
Pelletier, directeur des nouvelles TV)
Résumé de la plainte
Jean Simoneau porte plainte contre
le service des nouvelles de Radio-Canada pour la diffusion, le jeudi 22
juillet 1999, d’un reportage de Michel Cormier rapportant des accusations de
pédophilie contre Marc Lachance.
Griefs du plaignant
Jean Simoneau reproche au service
des nouvelles de Radio-Canada « son manque d’éthique
professionnelle ». Radio-Canada ne pouvait pas, selon lui,
porter des accusations graves de pédophilie contre Marc Lachance puisque
« tout ce qui existe [contre lui] est encore de l’ordre des
soupçons ». Il s’insurge contre le fait qu’un individu puisse être
accusé « quand la police n’a pas terminé son enquête ». Le
plaignant proteste également contre l’usage du terme
« réseau » de pédophilie. Selon lui, c’est un emploi abusif
car pour tout réseau, il y aurait seulement deux personnes mises en cause de
deux organismes dont les liens ne sont pas avérés. Jean Simoneau conclut en
accusant Radio-Canada de mener des « chasses aux
sorcières ».
Commentaires du mis en cause
Jean Pelletier, directeur des
nouvelles télévisées, tient à préciser que Radio-Canada n’a
« porté aucune accusation contre M. Marc Lachance mais [a] bien
rapporté des accusations faites contre lui en Australie par 15 jeunes garçons
de la troupe qu’il avait déjà dirigée en Éthiopie ». La rédaction
s’est appuyée sur les révélations du quotidien anglais The Guardian « qui
rapportait que M. Marc Lachance aurait fait partie d’un réseau de pédophiles
qui aurait infiltré l’agence humanitaire Terre des Hommes, de Lausanne, en
Suisse ». Jean Pelletier fait également remarquer que
« plusieurs organismes humanitaires […] ont publiquement réagi [à ces
accusations] »; cela apporte une légitimité supplémentaire à la
décision de Radio-Canada de réaliser un reportage sur le sujet. Enfin,
le directeur des nouvelles fait remarquer que le journaliste « dit en
toutes lettres dans son reportage que la police éthiopienne poursuivait son
enquête et qu’aucune accusation n’avait encore été portée ». Outre
les propos tenus, le reportage rapporte « les déclarations de
l’enquêteur du Yard, M. Norman Trew qui affirme que les agences humanitaires
étaient devenues des cibles de choix pour les pédophiles ».
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a pas répliqué aux
commentaires.
Analyse
Le cas soumis au Conseil de presse porte sur la pertinence de relater les accusations pesant sur un individu avant que la police ait terminé son enquête. La seule raison qui peut conduire les journalistes à rapporter des accusations, est celle de l’intérêt public. Les médias doivent distinguer celui-ci de la curiosité du public.
Dans la plainte qui met en cause Radio-Canada, il apparaît que le journaliste Michel Cormier a basé son reportage sur des sources fiables qu’il a normalement citées (comme l’enquêteur du Yard à Londres, M. Norman Trew). Le journaliste a pris soin de ne pas endosser les accusations contre M. Marc Lachance mais s’est contenté d’en faire état. De plus, la justification même du sujet s’inscrivait dans un contexte très large: une inquiétude des enquêteurs concernant l’infiltration de réseaux pédophiles dans les organismes à vocation humanitaire.
Le Conseil de presse considère donc que le journaliste Michel Cormier a pris les précautions nécessaires entourant un sujet délicat et avait des sources suffisamment fiables pour relater les accusations portées contre Marc Lachance. Son cas a été englobé dans l’évocation d’un phénomène inquiétant. Si le plaignant y voit une chasse aux sorcières, il ne peut pas l’attribuer à la rédaction de Radio-Canada qui s’est contentée de rapporter les propos d’autorités compétentes. De plus l’intérêt public du sujet apparaît manifeste, compte tenu de la gravité des accusations, et le traiter relevait donc de la liberté rédactionnelle du média.
Pour ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte à l’endroit de Radio-Canada.
Analyse de la décision
- C17A Diffamation
- C17H Procès par les médias