Plaignant
Trophée Aïcha des Gazelles (Marie
Mathers, directrice adjointe pour le Canada)
Mis en cause
Nadine Filion, journaliste, et Le
Monde de l’Auto (Marc Lachapelle, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
L’article faisant l’objet de la
plainte a été publié dans le numéro de septembre 1999 du magazine Le Monde
de l’auto, sous la plume de la journaliste Nadine Filion. Le texte traite
du rallye africain » Trophée Aïcha des Gazelles « , une épreuve
s’adressant strictement aux femmes et mettant aux prises une centaine de
concurrentes qui avaient à parcourir en dix jours un parcours hors piste de
près de 2500 kilomètres. Dix-huit Québécoises participaient à l’événement
La journaliste mise en cause
n’aurait pas observé certaines règles journalistiques, notamment en publiant
des informations qui manquaient de rigueur et d’exactitude, ce qui aurait eu
pour effet de ternir la réputation de cette organisation.
Griefs du plaignant
Les plaignants reprochent d’abord
au magazine Le Monde de l’auto et à sa journaliste Nadine Filion d’avoir
publié un texte qui » s’apparente plus au commentaire, voire à l’éditorial
qu’au reportage proprement dit « . Aux dires des plaignants, la journaliste
aurait » fauté gravement en accusant l’organisation de ce rallye de
favoritisme, accusation non fondée ni documentée dans le reportage « . Les
plaignants donnent comme exemple cet extrait de l’article » …un geste que
les organisateurs auraient sûrement préféré garder secret… « .
Les plaignants ajoutent que » les
coûts cités sont tous inexacts » et ils donnent un exemple. De plus, la
journaliste ne se donnerait pas la peine d’expliquer les coûts engendrés par
une participation à ce rallye. Elle n’aurait pas non plus accordé de droit de
réplique à l’organisation et n’aurait que rarement cité ses sources.
En plus de ces griefs, les
plaignants mentionnent que l’information contenue dans certaines légendes
serait de mauvais goût, porterait à confusion et serait à la limite du libelle.
Les plaignants concluent que dans
l’ensemble, la journaliste n’a pas observé les règles de rigueur
journalistique, l’information contenue dans le texte manquant d’exactitude,
d’équilibre et d’exhaustivité.
Commentaires du mis en cause
La journaliste Nadine Filion indique
qu’afin de ne pas entrer dans une guerre de chiffres, elle annexe à sa réponse
une copie des documents officiels remis par l’organisation du Trophée Aïcha des
Gazelles à deux équipages québécois. Ce sont d’ailleurs les documents qu’elle a
utilisés pour effectuer ses calculs en vue du reportage. La journaliste fait
remarquer que les chiffres y sont plus élaborés que dans les documents fournis
par la plaignante.
La journaliste réaffirme que les
participantes québécoises sont unanimes : les véhicules loués au Maroc
n’étaient pas à la hauteur de la situation. Au reproche concernant ses sources
qui seraient rarement citées, elle répond que son texte foisonne de
commentaires et donne des exemples.
À la remarque des plaignants selon
laquelle la journaliste n’a pas pris la peine d’expliquer les raisons motivant
les coûts engendrés par une participation au rallye, la journaliste répond
qu’elle n’est pas en charge des relations publiques pour l’organisation et
qu’elle a entière liberté de choix du sujet de son reportage. Si la
représentante des plaignants souhaitait lire un article où » tout le monde
est beau et gentil « , il lui aurait fallu se payer une publicité ou les
services d’un attaché de presse, ce qu’elle n’était pas. Elle mentionne
d’ailleurs avoir payé ses frais d’avion, de camping et de télécommunications.
Au reproche voulant que tous ses
chiffres soient inexacts, Mme Filion reconnaît qu’un montant peut paraître
inexact, celui de la location du véhicule, parce qu’elle a ajouté les 10 000
francs en caution que les participantes ont dû verser.
En réponse aux accusations du
manque d’exactitude, d’équilibre et d’exhaustivité de l’information, la
journaliste répond par une question. Elle demande aux plaignants pourquoi, dans
ce cas, l’organisation française a décidé que les véhicules 4 x 4 seraient
désormais loués en France, même si les coûts sont plus élevés.
La journaliste termine en faisant
observer que les articles qu’elle a rédigés pour le quotidien La Presse,
lors de la compétition, n’ont fait l’objet d’aucune plainte et » que ces
textes étaient positifs ». La plaignante demande si une journaliste
peut un jour ne pas respecter les principes fondamentaux de l’éthique
journalistique et le lendemain les respecter.
Réplique du plaignant
Réplique de Mme Marie Mathers,
directrice adjointe pour le Canada
Les plaignants précisent qu’ils ne
s’attendaient pas à un travail de relationniste, mais à tout le moins à une
information » balancée « . Ils disent ne pas craindre la critique,
sinon celle basée sur des informations erronées. Ils terminent en jugeant
l’article de mauvais goût et écrit par une journaliste qui a manqué de
professionnalisme en omettant d’interroger les organisateurs, alors qu’elle
était présente au Maroc où il lui était facile d’interroger ceux-ci.
Analyse
Les plaignants reprochent d’abord au magazine Le Monde de l’auto et à sa journaliste Nadine Filion une confusion des genres journalistiques. Dans une décision antérieure, le Conseil de presse a déjà précisé que le contenu des publications de type « magazine » se situe à la frontière de deux genres journalistiques : ceux de la nouvelle et du commentaire.
On peut donc considérer que l’auteur d’un article de magazine jouit d’une latitude assez large pour exprimer son opinion, voire ses critiques, dans la mesure où son article ne présente pas de faute en regard de l’exactitude des faits, de la rigueur et de l’équilibre des points de vue.
Dans le présent cas, l’analyse du Conseil n’a permis d’identifier qu’un seul endroit où l’exactitude pouvait être remise en question, celui qui traite du coût du forfait devant être défrayé par les participantes au rallye. Dans son commentaire, la journaliste explique avoir comptabilisé, en plus du coût de location du véhicule de 6250 $, le montant de la caution de 2 000 $, ce qui faisait passer ces frais à 8200$.
Or, après examen du document intitulé Budget de participation soumis par les plaignants, il apparaît qu’au lieu de comptabiliser la caution, la journaliste aurait pu ajouter au coût de location du véhicule le Forfait carburant et mécanique estimé à 2 500 $, ce qui aurait porté ces prévisions à 8 750 $ par véhicule, pour dix jours de compétition. Un montant qui correspond, à peu de choses près, à celui figurant dans l’article de la mise-en-cause.
En ce qui a trait à la rigueur de l’information, les plaignants invoquent que le passage de l’article dénonçant le favoritisme constitue une accusation non fondée, ni documentée. Sur le sujet, Mme Filion est assez précise dans ses affirmations : le nombre de véhicules retirés, à qui ils ont été attribués, leur décoration. La journaliste ne mentionne pas spécifiquement sa source, un droit que lui reconnaît la déontologie journalistique. Elle pouvait s’en abstenir, par exemple afin de ne pas compromettre des participantes dans l’éventualité d’une inscription ultérieure à la compétition. Dans son reportage, la journaliste mentionne régulièrement des sources et appuie ses dires sur des témoignages.
En regard du droit de réplique ou de la version des plaignants, la mise-en-cause aurait pu éviter à ce chapitre une faute au plan de l’équilibre journalistique. En effet, sur cet aspect, le Conseil ne peut que regretter qu’après avoir dénoncé une situation de « favoritisme « , la journaliste n’ait pas cru bon de permettre aux organisateurs de donner leur version des faits.
Un dernier reproche fait aux mis-en-cause concerne une légende présumément libelleuse, faisant référence à un » filou » qui a été « filouté » par une participante. De l’avis du Conseil, cette mention apparaît conforme aux faits rapportés dans l’article.
Ces explications ayant été exposées, le Conseil de presse ne retient la plainte que sur l’unique grief du manque d’équilibre, contre le magazine Le Monde de l’Auto et sa journaliste Nadine Filion.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C12C Absence d’une version des faits
- C15C Information non établie
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17G Atteinte à l’image
- C20A Identification/confusion des genres