Plaignant
Dr Hélène Marquis
Mis en cause
Maude Goyer, journaliste, et Le
Journal de Montréal (Paule Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef)
Résumé de la plainte
Le docteur Hélène Marquis porte plainte
contre Maude Goyer et Le Journal de Montréal pour la publication d’un
article le samedi 27 mars 1999, intitulé « La mort à la Cité de la
Santé, la vie à l’hôpital Sacré-Cœur ». L’article relate les
accusations d’une patiente, Diane Roy qui affirme que le docteur Marquis lui a
présenté un mauvais diagnostic concernant sa tumeur, lui laissant croire, à
tort, qu’elle allait rapidement mourir.
Griefs du plaignant
Le Dr Hélène Marquis estime que
l’article en question est « mal documenté », «
erroné ». Elle conteste les propos de la journaliste et la façon dont
elle a enquêté. La journaliste n’aurait pas « vérifié ses sources
« ; elle avance notamment que « Maude Goyer n’a pas pris les
mesures appropriées pour [la] rejoindre ». « Cet article de
presse [dit-elle]restera à jamais associé à ma carrière ».
Par ailleurs, la plaignante dément
l’article sur le fond. Elle nie les propos que Diane Roy lui attribue. Elle
prétend également qu’une journaliste de la rédaction du Journal de Montréal,
Michelle Coudé-Lord, aurait reconnu « qu’il s’agit d’un article
faible ». Par conséquent, le Dr Hélène Marquis estime que le journal
aurait dû réaliser un second article sur l’affaire afin de publier sa version
des faits. Elle juge insuffisante la parution d’ »entrefilet […] dans
le courrier des lecteurs ».
Enfin, la plaignante considère que Le
Journal de Montréal aurait dû mieux encadrer le travail de Maude Goyer
qu’elle qualifie de « journaliste débutante ».
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Paule
Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef et de Maude Goyer:
Pour leur défense, les mis-en-cause
relatent en détail le déroulement de l’enquête les ayant conduits à publier
l’article. La journaliste aurait véritablement tenté de joindre la plaignante à
plusieurs reprises le vendredi 26 mars. C’est d’abord le service des
communications qui a refusé de faire des commentaires sur le cas en raison de
« la confidentialité du dossier médical des patients ». La
journaliste s’est vue proposer de faire une demande écrite, avec l’accord de la
patiente, au docteur Albin Perrier, directeur des services professionnels;
cependant, cela impliquait d’attendre le lundi suivant. Enfin, après de
nouvelles tentatives auprès du service des communications, Maude Goyer tente de
joindre le Dr Marquis en passant directement par l’hôpital, mais on lui répond
que le téléavertisseur du docteur ne peut être utilisé que pour des urgences
médicales. Par ailleurs, la journaliste a réussi à laisser un message au
docteur de l’autre hôpital impliqué, l’hôpital Sacré-Cœur. Le docteur répond
par l’intermédiaire d’une relationniste qu’il se souvient très bien du cas,
« il confirme la date et le fait que la tumeur [de Diane Roy] était
en effet bel et bien opérable » comme le rapportait Maude Goyer dans
son article.
Pour ces raisons, les mis-en-cause
considèrent que c’est l’hôpital qui n’a pas voulu coopérer avec le
journal: « c’est comme si l’hôpital avait tout fait pour que
notre journaliste ne puisse pas […] parler [au docteur] ».
Les mis-en-cause évoquent également
une rencontre qui a eu lieu le 13 avril entre Jean Garneau, directeur des
communications de la Cité de la Santé, le docteur Perrier, directeur des
services professionnels, le docteur Marquis, un adjoint au directeur de
l’information et deux journalistes, Michelle Coudé-Lord et Maude Goyer. Jean
Garneau aurait reconnu que l’hôpital n’a pas joué son rôle en ne joignant pas
le docteur. Au cours de la même rencontre, la plaignante aurait refusé que le
journal réalise un autre article sur la base d’une entrevue.
Enfin, les mis-en-cause joignent
une lettre de la journaliste Michelle Coudé-Lord dans laquelle elle nie les
propos que la plaignante lui a attribués. Qui plus est, ils soulignent que
Maude Goyer « travaille [au Journal de Montréal] depuis près
de deux ans et qu’elle était auparavant à La Voix de l’Est »
et ne peut donc être considérée comme une journaliste débutante.
Réplique du plaignant
La réplique du docteur Marquis
s’articule autour de trois points: tout d’abord, elle affirme que la
journaliste ment lorsqu’elle prétend avoir essayé de la rejoindre le 26 mars
1999 puisqu’elle était présente ce jour-là. Elle joint pour preuve
« la facturation transmise à la Régie de l’assurance-maladie à cette
date ». À cet argument, elle ajoute qu’il n’y avait pas d’urgence
« à publier ces faits remontant déjà à six semaines et dont la
connaissance par le public ne change[ait] rien à cette histoire ni à celle de
la société ». Elle fait remarquer également qu’elle n’a
« jamais été le médecin traitant de cette patiente ».
Ensuite, elle argumente sur le
manque de compétences de Maude Goyer pour traiter d’affaires médicales. La
journaliste parle notamment de deux diagnostics alors qu’il n’y en a eu qu’un,
le sien, à savoir une tumeur cérébrale. En tant que médecin-ophtalmologiste,
elle n’est pas concernée par « le traitement et l’évolution des
tumeurs cérébrales ».
Enfin, le docteur Marquis soutient
que la rencontre du 13 avril faisait suite à son désir d’exprimer sa version
des faits dans un nouvel article. Michelle Coudé-Lord l’aurait « interviewée
longuement ainsi que le docteur Perrier » et lui aurait ensuite
affirmé que « l’article était faible mais [qu’]elle ne voulait pas
écrire sur le sujet ». La plaignante conclut en expliquant que si
elle a « mentionné que les journalistes doivent être vigilants envers
les gens qui viennent les voir pour se plaindre par la voie des journaux, c’est
que dans une telle circonstance la présentation que fait le patient de son
histoire médicale est souvent incomplète, volontairement ou involontairement ».
Analyse
La plainte opposant le Dr Hélène Marquis au Journal de Montréal met à la fois en lumière l’importance et la difficulté d’accéder à un système de santé public transparent.
Qu’un média d’information permette à des patients de raconter leurs mauvaises expériences avec le milieu médical, cela constitue en soi un objectif légitime, autant que conforme à l’intérêt public.
Cela dit, le problème d’éthique que pose la présente plainte est de déterminer si la journaliste Maude Goyer a mené une enquête exhaustive permettant de donner un éclairage complet sur une affaire aussi délicate. Or, l’analyse du dossier par le Conseil fait apparaître que Le Journal de Montréal a agi avec précipitation, un vendredi soir, dans un dossier qui ne présentait pas d’urgence et dont la publication aurait pu attendre au lundi.
Malgré les tentatives répétées du journal pour joindre la plaignante, l’absence de la version du Dr Marquis dans l’article en cause reste déplorable puisque sa réputation professionnelle se trouve entachée d’une suspicion que la publication de sa lettre dans le courrier des lecteurs ne permet pas de corriger totalement. Seul un second article du Journal de Montréal aurait pu permettre au médecin visé de donner sa version intégrale des faits dans cette affaire.
Le Conseil de presse ne peut passer sous silence, par ailleurs, le rôle qu’a joué la direction de la Cité de la Santé de Laval dans ce dossier, car, en ne collaborant pas avec la journaliste, elle a rendu difficile la recherche de la vérité pour Le Journal de Montréal.
Aussi, pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil de presse retient la présente plainte contre le quotidien, sur la base du grief ayant trait à l’exhaustivité de l’information.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C12C Absence d’une version des faits
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C15E Fausse nouvelle/information
- C17G Atteinte à l’image
- C19B Rectification insatisfaisante
Date de l’appel
31 August 2000
Décision en appel
Les membres de la Commission,
présidée par M. Michel Roy, ont conclu à l’unanimité, à la lumière de
l’information dont ils disposent dans ce dossier, de maintenir la décision
rendue en première instance. La Commission d’appel a jugé insatisfaisant le texte
publié sous la rubrique « Vous l’avez dit « , en ce qu’il ne permet pas
à la plaignante, le Dr Hélène Marquis, de donner sa version intégrale des
faits. Le court texte publié ne constitue pas, aux yeux du Conseil, un second
article permettant de présenter aux lecteurs du Journal de Montréal un
éclairage complet sur l’affaire en cause. Par conséquent, conformément aux
règles de procédure, nous rejetons l’appel.
Griefs pour l’appel
Paule Beaugrand-Champagne interjette
appel à la décision du Conseil de presse.