Plaignant
Christiane Gaudreault
Mis en cause
Linda Bergeron et Cogeco
Télévision (Guy Simard, directeur général)
Résumé de la plainte
Christiane Gaudreault porte plainte
contre la journaliste Linda Bergeron et Cogeco Télévision pour un
reportage diffusé le 8 septembre 1999 vers 18 heures, dans le cadre de
l’émission « Saguenay-Lac-St-Jean ce soir ».
Le reportage porte sur un accident
qui s’est produit la veille dans une carrière désaffectée alors que des jeunes
garçons jouaient « aux épées ». L’un d’entre eux a fait une
chute de 50 pieds et a été sérieusement blessé. Linda Bergeron a réalisé une
entrevue avec l’un des garçons présents, Robin. Celui-ci mentionne le prénom
d’un de ses camarades, Alexis, lorsqu’il raconte ce qui s’est passé. La mère du
petit garçon cité, Mme Gaudreault, porte plainte devant le Conseil de presse.
Griefs du plaignant
Mme Gaudreault porte plainte contre
Cogeco pour avoir divulgué le nom d’un mineur et pour avoir présenté une
information erronée.
Le jeune Robin, 12 ans, n’aurait
pas été témoin du drame selon la plaignante. Le récit de Robin ne serait pas
conforme à la réalité; de plus il désignerait à tort le fils de Mme Gaudreault
comme le responsable de la chute.
La plaignante explique que
« étant donné le contexte, il s’agissait d’un groupe d’amis qui se
trouvaient sur les lieux de l’accident [et] il a été très facile pour les gens
du quartier de reconnaître « le supposé responsable » après la
diffusion du reportage ». Le fils de Mme Gaudreault aurait eu des
ennuis à l’école suite à ce reportage.
La plaignante a eu deux entretiens
téléphoniques avec M. Michel Simard, le directeur des nouvelles, pour lui faire
connaître son mécontentement et l’avertir qu’elle porterait plainte.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Linda Bergeron,
journaliste:
Linda Bergeron explique que le but
du reportage mis en cause était de « rapporter les faits d’une
manière objective, ainsi que d’agir de manière préventive pour éviter que ne se
reproduisent de tels drames ». En tant que journaliste à la station
de CKTV-Télévision Quatre Saisons Saguenay-Lac-St-Jean, elle affirme
« avoir à suivre les « normes et pratiques journalistiques »
de Radio-Canada, auxquelles le Groupe Cogeco (l’employeur) adhère
également ». Dans cet esprit, elle a respecté le principe
suivant: « De temps à autre, un journaliste peut sembler violer
l’intimité d’une personne; cela est justifié uniquement lorsque la vie privée
de cette personne a des répercussions sur sa vie publique ou devient un sujet
légitime d’intérêt public. Il y a plusieurs situations où des personnes ne
peuvent ou ne doivent pas être identifiées. Par identification, on entend
davantage que la simple mention du nom de la personne. Il s’agit également de
l’utilisation de sa photo ou de la divulgation de détails qui pourraient mener
à son identification ».
Par ailleurs, Linda Bergeron se
justifie sur le choix d’une entrevue avec le jeune Thomas Lévesque pour rendre
compte des circonstances de l’accident. Elle s’est d’abord adressée aux parents
du jeune Robin Gagnon qui ont décliné la proposition et lui ont suggéré de
s’adresser à Thomas Lévesque qui se trouvait sur les lieux de l’accident. Elle
fait valoir un autre principe de « Normes et principes
journalistiques » de Radio-Canada: « Lorsqu’il
est impossible de recueillir une version des faits ou une opinion de la
personne la mieux placée pour la donner, le journaliste ou le responsable de
l’émission doit prendre tous les moyens raisonnables pour lui trouver un
substitut adéquat. Si, on n’y parvient pas, on doit le signaler dans l’émission
de façon objective ». Avec ce précepte, Linda Bergeron veut montrer
que « le substitut adéquat au jeune Robin Gagnon pour raconter la
nomenclature des événements était Thomas Lévesque et non Christiane Gaudreault,
absente des lieux lors des événements ». La journaliste estime donc
avoir agi « dans les circonstances, selon les normes et pratiques
journalistiques exigées […] lors de reportages ».
Commentaires de Michel Simard,
directeur de l’information, CKTV / TQS:
Michel Simard rappelle que
« l’objectif [du reportage] n’était pas de rechercher un
coupable » mais de faire « un reportage axé sur le danger
que représente cette falaise pour les jeunes qui s’y aventurent ». Il
fait d’ailleurs remarquer que « la journaliste a répété à cinq (5)
reprises qu’il s’agissait d’un « accident » ».
Au sujet de l’entrevue avec Thomas
Lévesque, il explique qu’il s’agit d’un jeune « adolescent qui
s’exprime bien et malgré le fait qu’il était encore perturbé par l’accident de
la veille[…] ». Le directeur de l’information fait également
remarquer que « Linda Bergeron a complété son reportage en
rencontrant un pompier ainsi que la porte-parole de la Sûreté municipale de
Chicoutimi, Mme Martine Tremblay, qui lui a avoué, en montrant le rapport de
police de la veille, avoir très peu d’information sur ce qui s’était vraiment
passé, mais qu’elle concluait qu’il s’agissait d’un accident
malheureux ».
Enfin, Michel Simard précise que
même si le prénom d’Alexis est mentionné rapidement, Thomas ne prétend pas que
celui-ci se trouve à l’origine du drame. Il ajoute que « […]
l’adolescent, qui a été impliqué dans un événement que le public a un intérêt
légitime de connaître, ne peut se réclamer du respect de son droit à la vie
privée dans de telles circonstances ». De plus il affirme ne pas voir
de « lien entre la diffusion du reportage et les commentaires
échangés entre des écoliers de façon contemporaine aux événements ».
Réplique du plaignant
La plaignante n’a pas répliqué aux
commentaires.
Analyse
À cause de leur caractère pénible tant pour les victimes que pour leurs proches et, souvent, pour le public, les drames humains sont des sujets particulièrement délicats. La liberté de la presse et le droit à l’information seraient cependant compromis si les médias devaient cesser d’informer la population sur ces drames et sur les faits divers.
Le reportage mis en cause dans la présente plainte fait état de la dangerosité d’un site, une ancienne carrière, qui a été le théâtre d’un accident grave. Le jeune Thomas, interrogé par la journaliste Linda Bergeron, présente une version des faits sur les circonstances de l’accident. Mme Gaudreault reproche au reportage d’avoir permis l’identification de son fils Alexis. Pourtant l’analyse de la plainte fait apparaître que le reportage n’avait pas pour but de désigner un coupable ou de faire une démonstration précise de ce qui s’est passé. Dans le contexte, le fait que le prénom du fils de Mme Gaudreault ait été mentionné ne semblait pas poser de problème. Si celui-ci a subi des représailles, c’est probablement que certains jeunes avaient besoin, malgré les faits présentés, de désigner un coupable. Néanmoins, il apparaît qu’il était d’intérêt public de réaliser cette entrevue pour attirer l’attention sur les risques du site. De plus, rien ne permet de remettre en doute la bonne foi de la journaliste dans son entretien avec Thomas Lévesque.
Pour toute ces raisons, le Conseil de presse estime que la journaliste Linda Bergeron n’a pas commis de faute journalistique justifiant un blâme et rejette la plainte contre elle et contre Cogeco Télévision.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C16B Divulgation de l’identité/photo