Plaignant
Céline Forget
Mis en cause
Jean-Jacques Bédard, journaliste et
L’express d’Outremont (Alain Tittley, rédacteur en chef))
Résumé de la plainte
Céline Forget porte plainte contre L’express
d’Outremont pour avoir réalisé un « traitement partial et
incomplet » de sa « démarche visant à faire respecter un
règlement de zonage municipal ». La plaignante avait déposé
« une requête en Cour supérieure pour faire respecter le zonage
résidentiel d’un local occupé sans permis par une synagogue hassidique « .
Le dépôt de la requête date d’avril 1997 et la publication d’articles sur le
sujet par L’express d’Outremont commence en septembre 1998 et se termine
en août 1999.
Griefs du plaignant
La plaignante a vu une de ses
lettres de lecteurs publiée dans le journal le 9 octobre 1998; elle reconnaît
que les articles du 25 septembre 1998 (signé de Jean-Jacques Bédard), du 18
décembre 1998 (signé par Gaston Larivière) tiennent compte de son opinion.
C’est contre les articles du 14 mai, du 11 juin, et du 24 juin 1999 (signés par
Jean-Jacques Bédard) qu’elle porte plainte.
Céline Forget accuse Jean-Jacques
Bédard et L’express d’Outremont d’avoir « participé à
discréditer publiquement [ses] interventions et [ses] actions ». Sa
plainte s’articule autour de trois points. Tout d’abord, le journal serait
coupable d’avoir publié une lettre de lecteurs sans en vérifier la source;
ensuite, d’avoir omis de mentionner sa position dans des articles touchant au
dossier dans lequel elle était impliquée. Enfin, Céline Forget reproche au
journaliste d’avoir rapporté l’intervention de M. Jack Hartstein au cours d’une
assemblée du conseil municipal. Durant son allocution, Jack Hartstein se serait
montré très virulent à l’endroit de la plaignante sans jamais mentionner son
nom mais d’une façon qui la rendait reconnaissable par tous. La plaignante
conclut en considérant comme « évident que L’express d’Outremont
ne livre pas à ses lecteurs une information juste et plurielle qui est à la
base du respect de la presse et du journalisme ».
La plaignante joint à sa plainte
les documents suivants:
-deux lettres ouvertes:
Une lettre de Céline Forget publiée dans L’express
d’Outremont du 9 octobre 1998;
une lettre de Julienne Légaré publiée dans la même
tribune le 23 octobre 1998;
– les articles suivants de L’express
d’Outremont:
« Une synagogue illégale soulève les passions
et la controverse », le 25 septembre 1998;
« Le ton monte au sujet de la synagogue
illégale » Gaston Larivière, le 18 décembre 1998;
– et les quatre articles mis en
cause, signés Jean-Jacques Bédard:
« La ville d’Outremont se dit prête à
intervenir devant la Cour pour faire déloger la synagogue illégale de l’avenue
Durocher », le 14 mai 1999;
« La congrégation Amour pour Israël
s’apprête-t-elle à quitter le 6010, Durocher? », le 11 juin 1999;
« La congrégation Amour pour Israël
déménagera sur l’avenue Van Horne », le 24 juin 1999;
« Une cinquantaine de citoyens d’origine
juive s’expriment devant le conseil municipal », le 13 août 1999.
Commentaires du mis en cause
Au nom des éditeurs de L’express
d’Outremont et du journaliste Jean-Jacques Bédard, le rédacteur en chef
répond point par point aux reproches émis par la plaignante, celle-ci ayant
souligné tous les passages qu’elle conteste dans les articles.
À propos de la lettre de lecteur
dont la source n’aurait pas été vérifiée, Alain Tittley assure que
« l’adresse complète de l’expéditrice sur l’avenue
Durocher » figurait sur la télécopie que le journal a reçue. C’est au
nom de la politique de confidentialité du journal que l’adresse de la lectrice
n’a pas été révélée.
Concernant l’article du 24 juin
1999, le rédacteur en chef maintient les propos tenus par le journaliste. La
plaignante contestait certains passages où il était dit qu’elle s’était
entendue avec la congrégation Amour pour Israël. Selon Alain Tittley, c’est un
fait que « les parties se sont entendues entre elles le 11 juin avant
l’audition de la requête ». Il fournit la copie du jugement ainsi que
la correspondance de Michel Gagnon, directeur général de la ville avec
Jean-Jacques Bédard. Il précise que « l’acquiescement de la requête
par l’intimée n’a pas permis à la Cour supérieure de rendre un jugement sur le
fond de la cause en question ».
Alain Tittley défend ensuite le
contenu de l’article du 14 mai, titré « La ville d’Outremont se dit
prête à intervenir devant la Cour pour faire déloger la synagogue illégale de
l’avenue Durocher ». Il rappelle le déroulement des échanges entre la
Ville et la plaignante. Le rédacteur en chef fait remarquer qu’ »un
article publié à la même époque par un journal concurrent, Le Point
D’Outremont, rapporte […] la même nouvelle et ce, en divulguant les mêmes
informations », il joint copie de l’article.
À propos de l’article du 11 juin
1999, le rédacteur en chef explique que la rédaction a « présumé que
la plaignante serait heureuse d’apprendre la nouvelle » du
déménagement envisageable de la congrégation. Ceci expliquerait la légende de
la photo jointe à l’article, légende que Céline Forget a soulignée dans sa
plainte: « La citoyenne qui conteste la présence de cette
synagogue à l’angle des avenues Lajoie et Durocher, sera heureuse d’apprendre
que la congrégation se retrouvera peut-être bientôt sur l’avenue Van
Horne ».
Enfin, concernant l’article paru le
13 août 1999, Alain Tittley rappelle que les résumés que les journalistes font
des assemblées publiques du conseil municipal « ne sont pas des
transcriptions intégrales des échanges ». Il fait remarquer aussi que
lorsque la plaignante reproche à l’article d’accorder trop d’espace à
l’intervention de Jack Hartstein, elle omet de « soumettre l’article
au complet » et avance des chiffres inexacts.
Dans l’ensemble, le rédacteur en
chef de L’express d’Outremont estime que l’analyse que Céline Forget
fait de leur éthique est irrecevable: « Mme Forget a
l’impression, pour des raisons qui m’échappent [dit-il], que nous sommes partie
prenante dans l’affaire qui l’oppose à la communauté juive ». Alain
Tittley mentionne enfin que Céline Forget n’a pas toujours retourné les appels
du journaliste mis en cause, qui, « à défaut de pouvoir reproduire
son point de vue, […] a toujours vérifié les faits ».
Réplique du plaignant
Céline Forget reprend une à une ses
accusations contre L’express d’Outremont et Jean-Jacques Bédard. Elle
estime que ceux-ci devraient fournir « la copie non altérée du fax
reçu de Mme Légaré au Conseil de presse » pour vérifier si l’adresse
y figurait. Par ailleurs, elle rejette l’affirmation du rédacteur en chef qui
parle de « l’affaire qui l’oppose à la communauté juive ».
Elle considère que la façon dont il présente cela, montre que
« l’objectivité de M. Tittley dans cette « affaire » semble
[…] compromise ». La plaignante dément également ne pas avoir
retourné certains appels du journaliste Jean-Jacques Bédard. Elle précise que
« le moment où L’express a cessé de [l’] appeler coïncide avec
le début d’une tentative d’implication de la ville dans les procédures légales
qu’[elle] avait déjà entreprises en Cour supérieure ».
Concernant l’article du 14 mai 1999,
elle nie ne pas avoir répondu à certaines lettres de la Ville d’Outremont. Elle
regrette de ne pas avoir été appelée avant la publication de cet article. Elle
considère que si le journaliste avait vraiment essayé de la rejoindre sans
succès, il aurait dû en faire mention dans l’article. Elle affirme que
« le journal a volontairement brimé [son] droit de réplique face aux
affirmations avancées par le maire ». Par ailleurs, la plaignante
oppose à cette attitude celle du journal Le Point d’Outremont, cité par
les mis-en-cause, qui aurait inclus dans son article son point de vue.
Au sujet de l’article du 24 juin
1999, Mme Forget conteste les affirmations du journaliste. Elle dit ne pas
avoir eu à s’entendre « avec la congrégation fautive »;
« acquiescer à un jugement, [dit-elle], signifie accepter les
conclusions de la requête avant le plaidoyer ».
Enfin, la plaignante revient sur
l’article du 13 août 1999. Elle affirme que « M. Bédard a préféré
mettre en évidence […] un discours sans intérêt pour le lecteur puisque
l’interlocuteur n’ose pas nommer la personne qu’il accuse et donc [que] ses
allégations sont fort probablement non véridiques et qu’il risquerait des
poursuites pour diffamations ». Elle avance même que « ce
discours ne servait qu’à assouvir une vengeance personnelle et [que] L’express
d’Outremont en a été le complice ».
Analyse
Le choix et le traitement des informations relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes, lesquels doivent livrer une information conforme aux faits et aux événements. Le choix et l’importance du sujet ou de l’événement, de même que la façon de le traiter, sont des décisions qui relèvent de leur jugement rédactionnel et qui leur appartiennent en propre.
La plaignante reprochait aux mis-en-cause un traitement partial ainsi que des omissions dans le traitement journalistique de sa démarche pour faire respecter le règlement municipal de zonage dans sa municipalité.
L’examen des éléments soumis par les parties à l’attention du Conseil ne révèle aucun manquement significatif à l’éthique journalistique de la part des mis-en-cause.
L’analyse du dossier n’a pas permis de conclure, comme le dénonçait la plaignante, que la politique suivie par L’express d’Outremont dans son traitement des lettres des lecteurs outrepassait les principes professionnels reconnus.
Par ailleurs, le journal a offert une visibilité importante au point de vue de la plaignante, sans le déformer, tout au cours de l’affaire et l’éditeur a publié sa lettre dans la tribune des lecteurs.
Par conséquent, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mme Céline Forget contre L’express d’Outremont et le journaliste Jean-Jacques Bédard.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C08D Identification des textes
- C11B Information inexacte
- C12 Équilibre de l’information
- C13 Impartialité de l’information