Plaignant
Carole Lavoie
Mis en cause
Renée Laurin, journaliste, Michel
Gauthier, chef des nouvelles et LeDroit (Pierre Bergeron, président et
éditeur)
Résumé de la plainte
Carole Lavoie porte plainte contre
le journal LeDroit, sa journaliste Renée Laurin, son chef des nouvelles
Michel Gauthier et son éditeur, Pierre Bergeron.
Les articles mis en cause sont les
suivants: » LeDroit appellera les choses par leur
nom » signé par Renée Laurin dans l’édition du samedi 18 septembre
1999, une note de la rédaction signée Michel Gauthier qui accompagne l’article
et l’éditorial de Pierre Bergeron, « cachez cet alphabet! »
parus le lundi 20 septembre.
Le sujet de ces articles est le
même dans les trois cas, il illustre la ligne éditoriale du journal LeDroit
qui consiste à ne plus employer les expressions de « centre
hospitalier », de « centre de soins de longue
durée » etc., mais d’utiliser au contraire les formules qui sont plus
communément usitées dans le langage courant, comme « hôpital »,
« centre d’accueil », « foyer ».
Griefs du plaignant
Selon la plaignante,
« ces textes vont à l’encontre de l’éthique journalistique car ils
refont la réalité, confondent les lecteurs et peuvent même mettre la vie des
gens en danger ».
Elle fait valoir tout d’abord
qu’ »un centre hospitalier a une identité légale qui lui est conférée
en accord avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux ».
De plus, elle insiste sur
l’expression de « nouvelles institutions fusionnées ».
Selon elle, nier le fait que « ces institutions [l’hôpital de Hull et
l’hôpital de Gatineau] ont été fusionnées sur une base légale[…] ne
réglera rien mais confondra encore plus les lecteurs ». Cela
viendrait remettre complètement en question [le] travail »
« desadministrateurs des institutions concernées ».
La plaignante Carole Lavoie va même jusqu’à invoquer la sécurité du
public: « ne pas employer les bonnes appellations peut avoir
des implications gravesdans des circonstances urgentes » dit-elle.
Par ailleurs, elle considère que
cette attitude consiste à se baser « sur la traduction de l’anglais
pour nommer la réalité française » et donc à « réduire le
vocabulaire français ». Concernant la comparaison effectuée par le journal
entre le modèle ontarien et le modèle québécois, la plaignante affirme que ce
n’est pas au journal LeDroit de « remettre en question la
réalité québécoise ». Le travail des institutions se trouve compliqué
par l’attitude du journal car lors « d’une campagne de levée de fonds
ou de recrutement de bénévoles […] la population en général ne saura pas de
quelle institution on parle car son nom ne fera plus l’objet d’une couverture
complète et régulière ».
Pour conclure, la plaignante
revendique le fait que les institutions concernées « ont consulté la
population et ont institué un jury composé de représentants du conseil
d’administration de l’institution et de représentants des médias ».
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Michel Gauthier,
chef des nouvelles du journal LeDroit:
Le directeur des nouvelles justifie
l’attitude du journal comme « un refus de [leur] part, comme
professionnels de la communication et usagers privilégiés de la langue, de
continuer à suivre le chemin tracé par les bureaucrates où les choses doivent
s’écrire en fonction des besoins d’une administration et non plus de ses
usagers ».
Il affirme que leur
« décision indique [leur] désir d’être d’abord au service de [leurs]
lecteurs et de la langue, plutôt qu’à celui des technocrates et des
bureaucrates ».
Commentaires de Pierre Bergeron,
éditeur et président directeur général:
Les commentaires de Pierre Bergeron
vont dans le même sens que les articles mis en cause et la réponse fournie par
le directeur des nouvelles.
Sa position est la suivante, elle
reprend les arguments et le ton de l’éditorial qui fait l’objet de la
plainte: « la décision du quotidien LeDroit d’appeler
les choses par leur nom s’inscrit davantage dans un ardent désir de simplifier
les choses et de mettre un terme à l’enflure sémantique des créatures
bureaucratiques issues de la réforme de la santé. Notre journal croit faire
œuvre utile en tentant de ramener un peu de bon sens dans la façon d’appeler
les choses « .
L’éditeur fait remarquer par
ailleurs qu’ « il a participé au choix du nom d’une de ces
institutions » mais il veut « souligner que les règles du
jeu étaient tellement restrictives que le nom choisi fut le résultat du
compromis traditionnel ».
Réplique du plaignant
Carole Lavoie qualifie de «
méprisante » la réponse des mis-en-cause; « leur opinion
vaut la mienne » dit-elle.
Sur le fond, elle juge que
« »l’institution journalistique « , dans ce cas-ci dépasse
les bornes en s’arrogeant des pouvoirs qui peuvent devenir
dangereux ». Carole Lavoie va jusqu’à dire que « les propos
du journal créeront la confusion la plus complète et mettront la vie des gens
en danger ».
La plaignante demande donc au
Conseil de presse d’ »enjoindre [le journal] de cesser cette campagne
de presse oiseuse et dangereuse pour la sécurité du public et de présenter des
excuses au public ».
Analyse
Mme Carole Lavoie, s’étonne et se plaint du fait que le journal LeDroit a choisi de ne pas utiliser un terme comme « centre hospitalier » ou encore les noms des nouvelles institutions hospitalières fusionnées. Le journal irait à l’encontre de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
L’analyse de la plainte fait apparaître que le journal LeDroit n’a pas agi en trompant le lecteur. Les articles mis en cause avaient pour but d’énoncer et d’expliquer la nouvelle ligne éditoriale. En cela, les journalistes ont fait œuvre de pédagogie et de transparence envers leurs lecteurs. Cependant, ce choix était-il justifiable d’un point de vue déontologique puisque la plaignante fait valoir qu’il nie une réalité légale et complique le travail de communication de ces nouveaux centres hospitaliers?
Concernant le premier aspect de cette plainte, sur la légalité des termes, il apparaît que le journal se justifie par la volonté de se rapprocher du langage ordinaire, pour faciliter la compréhension du lecteur. À une version légaliste, les mis-en-cause opposent donc une version anticonformiste, voire non « politiquement correcte »; ils ne nient pas une réalité mais l’expriment de façon différente que celle choisie par les institutions hospitalières.
Au sujet du travail de communication de ces institutions, le Conseil de presse tient à rappeler qu’il est de la responsabilité des entreprises de presse et des journalistes de se montrer prudents et attentifs aux tentatives de manipulation de l’information pour ne pas devenir à leur insu les courroies de transmission des relationnistes.
Pour toutes ces raisons, la plainte est rejetée; le journal LeDroit ne pouvant être blâmé pour avoir voulu provoquer le débat et rompre avec une forme d’unanimisme dans le but de donner une information de qualité à ses lecteurs.
Analyse de la décision
- C11H Terme/expression impropre
- C15I Propos irresponsable