Plaignant
Kevin Erskine-Henry
Mis en cause
Gilles Pétel, journaliste et
rédacteur en chef, et Le Magazine (Martin Barrière, directeur général )
Résumé de la plainte
La plainte concerne un article
signé Gilles Pétel et publié dans l’édition du 30 septembre 1999 de
l’hebdomadaire LeMagazine (Saint-Lambert – Greenfield Park –
Lemoyne), et un entrefilet de quelques lignes le jeudi 21 octobre 1999 dans la
même publication.
Le plaignant considère que le
journaliste, en faisant l’exposé des accusations qui sont déposées contre lui,
l’a fait d’une façon mensongère. Il souhaite que le Conseil de presse examine
également la plainte en regard des pratiques de reportage et de recherche du
journaliste mis en cause.
Griefs du plaignant
M. Erskine-Henry affirme que :
contrairement
à ce que le journaliste a écrit, ce dernier n’a été en contact ni avec le
porte-parole de la police de Greenfield Park, ni avec celui de la Sûreté
du Québec (SQ);
après
avoir obtenu le mandat d’arrêt, il a publié certaines informations qui
sont erronées;
il
n’y a pas eu d’investigation conjointe des deux corps de police puisque le
cas a été transféré à la Sûreté du Québec pour éviter un possible conflit
d’intérêts;
le
policier qui l’a arrêté n’était pas en charge de l’enquête pour la SQ;
le
journaliste n’aurait pas dû accoler à son nom son titre de conseiller
municipal. Les lecteurs pouvaient penser qu’il a été arrêté pour une
raison qui concerne ses responsabilités de conseiller alors qu’il
s’agissait d’une question concernant sa vie privée.
Selon le plaignant, en indiquant
que son procès était fixé au 14 octobre au Palais de justice de Longueuil et
qu’il s’agirait d’un procès avec juge et jury, cela impliquait qu’il s’agissait
d’un cas très grave et qu’ainsi il avait fait l’objet d’une procédure
accélérée. En réalité, aucune date n’avait été fixée pour le procès. Il devait
plutôt comparaître à une simple audience préliminaire, le 14 octobre, et sa
comparution a ensuite été déplacée au 11 novembre à cause d’éléments de preuve
manquants.
M. Erskine-Henry explique que lors
de sa comparution du 2 septembre, il a enregistré un plaidoyer de
non-culpabilité à des accusations de harcèlement (criminal harassement) ce qui
n’a pas été rapporté dans l’article publié plusieurs semaines après sa
comparution. De plus, il n’y a pas de suivi depuis la publication de cet
article, laissant les lecteurs sur une impression de culpabilité.
Comme rédacteur en chef, M. Pétel
aurait également coiffé l’article d’un titre bien en vue dans le journal dans
l’intention de lui causer des tensions alors qu’il était déjà aux prises avec
une situation difficile. En outre, durant l’investigation policière, alors que
la SQ avait demandé que le dossier soit fermé aux médias, M. Pétel aurait
prétendu avoir reçu des informations de source anonyme et il aurait alors
contacté deux personnes, un membre du personnel et un membre du Conseil de
Greenfield Park qui n’étaient pas au courant de l’affaire.
Par ailleurs, M. Erskine-Henry dit
n’avoir jamais été contacté par M. Pétel au sujet de son dossier. Le plaignant
était pourtant dans son bureau pour une autre affaire le jour où le journaliste
a contacté une autre conseillère à son sujet. M. Pétel ne lui a rien demandé
non plus concernant les lettres anonymes. Pourtant, dès le lendemain, il
interrogeait le maire Marc Duclos au sujet de son dossier.
Le plaignant termine en invoquant
que, selon lui, les pratiques journalistiques en vigueur au Canada et au Québec
permettent aux personnes occupant des fonctions du domaine public un certain
degré de vie privée.
En regard, de l’article du 21
octobre 1999, le plaignant explique qu’en voulant faire une mise à jour de son
histoire (update) les mis-en-cause ont disposé ces informations brèves à la fin
d’une nouvelle plus longue traitant d’une affaire de drogues. Le petit
caractère utilisé dans le sous-titre n’indiquait pas clairement que les deux
affaires n’avaient aucun lien entre elles.
Commentaires du mis en cause
M. Pétel considère la plainte comme
non fondée, et remplie de ouï-dire et d’inexactitudes. Il répond ensuite point
par point aux griefs exposés par M. Erskine-Henry :
le
plaignant ferait preuve de paranoïa en prétendant que le journaliste est
de mauvaise foi;
à
cause de son rôle à l’Hôtel de ville, le plaignant est un homme public et
il est normal qu’on l’identifie comme conseiller municipal;
le
suivi d’une nouvelle fait dans un hebdomadaire ne peut se comparer à celui
dans un quotidien;
il
est faux de dire qu’il n’a pas communiqué avec les policiers des deux
corps de police (il explique ses démarches);
lors
de la visite du plaignant dans les bureaux du journal, Le Magazine
n’avait pas encore tous les éléments pour interroger l’accusé ou pour
publier la nouvelle;
l’usage
veut qu’on s’adresse à l’avocat et non à l’accusé dans des telles
circonstances, et l’avocate ne lui a pas mentionné que l’accusé avait
plaidé non coupable;
il
n’y a pas de lien entre les titres de l’article du 21 octobre et la
nouvelle qui concerne le plaignant.
Réplique du plaignant
Le plaignant répond aux
commentaires en affirmant que M. Pétel oublie les éléments principaux de sa
plainte pour ne se centrer que sur certains points particuliers. Il réitère les
griefs de sa plainte et apporte des explications pour réfuter les arguments du
journaliste :
Après
avoir rapporté dans son article que le plaignant avait été arrêté après
une longue investigation, le journaliste a écrit dans son commentaire
qu’on lui a dit que le dossier avait été remis à la SQ pour investigation.
Or, il n’y a pas eu d’investigation conjointe.
Le
journaliste n’a fourni aucune explication concernant la manchette.
Alors
que le journaliste du quotidien The Gazette l’a contacté avant de
publier – et que l’amorce de son article rapportait son plaidoyer de non-culpabilité
– M. Pétel a plutôt contacté son avocate qui a refusé de lui répondre
parce qu’elle percevait un biais et un manque d’objectivité dans ses
questions.
Durant
la période d’investigation, la SQ a demandé de bloquer l’information aux
médias et l’officier responsable du dossier s’est dit désolé que l’affaire
ait été rendue publique.
Dans
les commentaires du journaliste, il n’y a aucune explication sur ses
contacts avec le personnel de la Ville ni sur les questions issues de
l’information anonyme qu’il a reçue.
Le plaignant conclut en expliquant
les torts que la publication de l’article lui a causés ainsi qu’à sa famille.
Analyse
L’attention que décide de porter un organe d’information sur un événement relève de son jugement rédactionnel. Son choix doit en revanche être toujours fonction du degré d’intérêt public de la nouvelle.
Dans le cas présent, il apparaît au Conseil que l’information publiée était d’intérêt public puisqu’elle rendait compte de l’existence d’une enquête visant une personnalité publique, le conseiller Kevin Erskine-Henry.
En vertu du même principe de liberté rédactionnelle, le journaliste avait également le droit d’interroger les personnes dans l’entourage du plaignant sans sa permission ou sans le prévenir.
Les médias et les journalistes doivent faire preuve d’exactitude et faire tous les efforts nécessaires pour s’assurer de la véracité de leur information. Le Conseil de presse estime toutefois que devant le refus de l’avocate du plaignant de lui fournir des informations, le journaliste n’était pas tenu de chercher à obtenir la version du plaignant, son avocate étant sa représentante légale et sa porte-parole dans cette affaire.
En ce qui a trait aux griefs relatifs au titrage des articles, le Conseil n’y a pas décelé d’intention malveillante et d’exposition exagérée, comme le suggérait le plaignant dans le premier texte.
Concernant l’omission du plaidoyer de non-culpabilité enregistré par le plaignant, le Conseil considère que cela constitue une faute non négligeable; cette information aurait dû être mentionnée. Le Conseil a également relevé une confusion entre la date de l’audience préliminaire et celle du procès, erreur réelle mais mineure qui n’a pas la portée que lui attribue le plaignant.
Par ailleurs, le Conseil retient son grief à l’égard de l’article du 21 octobre où, de toute évidence, l’entrefilet sur le cas de M. Erskine-Henry apparaît faire partie de l’article sur l’arrestation de trafiquants de drogue, associant indûment son nom à une affaire criminelle qui n’a rien à voir avec la sienne.
Le Conseil de presse du Québec retient donc deux griefs contre l’hebdomadaire Le Magazine, le premier portant sur l’omission de la mention du plaidoyer de non-culpabilité, le second sur l’association regrettable issue de la mise en page entre le nom de M. Erskine-Henry et une affaire criminelle qui lui est complètement étrangère.
Analyse de la décision
- C02C Accorder un suivi à une affaire
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C15D Manque de vérification
- C16E Mention non pertinente