Plaignant
Accessum Inc.
Mis en cause
André Beauvais,
journaliste et Le Journal de Montréal
(Paule Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef)
Résumé de la plainte
La société Accessum Inc. porte plainte contre le journaliste André
Beauvais et le quotidien Le Journal de
Montréal pour avoir formulé des « allégations contraires à la vérité » et
avoir ainsi atteint à la crédibilité de la société, dans plusieurs articles
parus le 15 mai 2000 en pages 1, 4 et 5.
Griefs du plaignant
Madame Nicolle
Forget, présidente du conseil d’administration de Accessum Inc. reproche au
journaliste et à son employeur d’avoir superposé des allégations contraires à
la vérité aux photos des dirigeants et ainsi d’avoir porté atteinte à ces
personnes et aux organismes qu’ils représentent. Elle conteste de fausses
informations véhiculées par les articles parus le 15 mai :
Stationnement de
Montréal n’est pas un gâchis. Le partenariat public-privé a rapporté beaucoup
d’argent à la Ville. Le journaliste mis en cause, M. André Beauvais, avait même
souligné ce point dans un article daté du 5 avril.
Stationnement de
Montréal et Accessum Inc. n’ont pas été mis sous tutelle. La Ville a juste créé
un guichet unique à la demande d’Accessum Inc. La Chambre de commerce et
Accessum Inc. restent propriétaires et gestionnaires de Stationnement de
Montréal, comme l’a clairement dit la présidente du comité exécutif, madame
Noushig Eloyan, dans son communiqué de presse. Le fait que
le Journal de Montréal affirme le contraire a causé préjudice à la
société.
En 1999, madame
Forget affirme que ce sont 10,8 millions qui ont été versés à la ville de
Montréal par Accessum Inc. et non 1,5 million comme l’affirme le journaliste.
Or, M. Beauvais avait une fois de plus écrit cela dans son premier article du 5
avril. Madame Forget joint le rapport annuel 1999 d’Accessum Inc. et de ses
compagnies affiliées pour vérification.
Elle soutient aussi
qu’elle ne s’est jamais engagée à travailler bénévolement en tant que
présidente du conseil d’administration d’Accessum Inc., mais que les honoraires
qu’elle touche sont conformes à l’entente entre la Ville, la Chambre de commerce
et Accessum Inc. De plus, cela a été confirmé par le conseil d’administration
de l’organisme, composé des différents partenaires.
En ce qui concerne
la faillite de Parcoflex, la Chambre de commerce n’a pas
perdu400000 $ et Accessum Inc. aurait même versé près d’un
million supplémentaire à la ville de Montréal. De plus, tout cela a été
expliqué publiquement. Le journaliste n’a fait que des commentaires malicieux
sans apporter d’éclairage nouveau sur cette faillite.
Par surcroît, 19
autres médias se sont fiés aux nouvelles du journaliste et ont ainsi repris de
fausses informations. Cela a beaucoup nui à la réputation d’Accessum Inc.
Madame Forget reproche donc au journal et à son employé un manque de
professionnalisme pour avoir publié, parfois sciemment, des informations
mensongères.
Commentaires du mis en cause
Paule Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef
et André Beauvais, journaliste, tiennent à relever la prétention de la
plaignante en ce qui concerne les allégations contraires à la vérité.
En effet, toutes les informations qu’ils
auraient transmises seraient issues du rapport du vérificateur de la ville de
Montréal. Si le journaliste a affirmé dans son article du 5 avril que
Stationnement de Montréal n’était pas un gâchis, c’est parce qu’il ne faisait que
rapporter, sans les commenter, les propos de madame Forget lors d’une
conférence de presse. Il a juste relevé au passage que madame Forget semblait
être payée et l’a noté dans son article même si cela n’avait pas été
transmis dans le communiqué. Mais il n’est pas allé plus loin dans ses
accusations avant d’avoir vérifié ses informations auprès de la Ville.
Le terme
«tutelle» signifie qu’il existe un « contrôle exercé par une
autorité administrative ». En s’accrochant à cette signification, la présidente
d’Accessum Inc. joue avec les mots. Pour soutenir sa plainte, madame Forget
demande au Conseil de presse de tenir compte du communiqué de presse de madame
Eloyan. Or, ce dernier est un communiqué de presse politique; au surplus
certains paragraphes confirment plus les affirmations du journal que les dires
de madame Forget. De la même façon, le 16 mai, le président du comité exécutif
n’a fait que confirmer le fait que la Ville était insatisfaite des redevances
versées pas Stationnement de Montréal.
Les redevances
découlant de l’entente avec la Chambre de commerce sont bien de 1,5 million
pour 1999. Les 80 % restants des 10,8 millions de bénéfices sont considérés
comme des paiements de taxes, de loyers et de permis à la Ville selon l’entente
de 1995.
Selon l’entente signée
par madame Forget, le commandité renonce à tout honoraire.
En ce qui concerne la
faillite de Parcoflex, M. Beauvais considère que la plaignante émet un avis. Le
journaliste n’a pas fait de commentaires malicieux, il s’est juste contenté de
rapporter les faits.
Le fait que
l’information ait été reprise par les autres médias signifie tout simplement
que M. Beauvais est crédible en ce qui a trait aux affaires municipales. Il
semble évident aux mis-en-cause que la plupart des médias ont vérifié les
informations avant de les reprendre. Enfin, le journaliste et son employeur
rejettent l’accusation de manque de professionnalisme, puisque le vérificateur
de la ville de Montréal a relevé dans son rapport les mêmes faits.
Réplique du plaignant
Le rapport du
vérificateur de la ville de Montréal paru le 15 mai confirme peut-être
l’article de M. Beauvais. Cependant, jamais dans son rapport le vérificateur
n’a mentionné une mise en tutelle ou un embarras financier poussant à un
emprunt. En effet, en 1998 et malgré la faillite de Parcoflex, Stationnement de
Montréal a été en mesure de verser à la ville de Montréal près d’un million de
dollars de plus que l’année précédente. La garantie d’emprunt dont il est
question dans le texte n’a aucun rapport avec Parcoflex, puisqu’il s’agit d’un
emprunt garanti par la Ville depuis l’entente de 1995, qui venait à échéance en
mai 2000. Cela était clairement inscrit dans le rapport du vérificateur, le
journaliste l’a donc mal lu.
Dans son article du 4
avril, M. Beauvais se défend d’avoir juste rapporté les faits sans jugement de
valeur. Or, pour la plaignante, il semblerait que certains faits connus aient
été délibérément omis. De plus, le 15 mai, le journaliste a plus tenté de faire
du sensationnalisme que la description objective des faits.
La plaignante revient
sur la rigueur de M. Beauvais en expliquant que pour se défendre le journaliste
parle de la conférence de presse du 4 avril, alors que madame Forget affirme
qu’il n’y a pas eu de conférence de presse, mais qu’il s’agissait d’un
communiqué accompagné du rapport annuel d’Accessum Inc. et de ses compagnies
affiliées.
La plaignante déplore
ensuite la mauvaise foi des mis-en-cause concernant la signification donnée au
mot « tutelle », car il lui semble clair que le titre laisse croire que la
Ville a repris en main Stationnement de Montréal et aurait retiré ses pouvoirs
à Accessum Inc. : ce qui est faux. Le problème est que même leurs fournisseurs
y ont cru. Un journaliste qui couvre le domaine municipal depuis si longtemps
aurait dû se douter de la signification qui allait être donnée dans ce contexte
au mot « tutelle ».
Le journaliste ne base
sa défense que sur la remise en cause de la crédibilité de madame Eloyan, la
vice-présidente du comité exécutif.
Le journaliste a
clairement expliqué les faits dans les commentaires qu’il a fourni au Conseil
de Presse et dans son article du 5 avril. Toutefois, dans son article du 15
mai, il confond les termes « revenus » et « redevances ». Cette erreur semble
être pour la plaignante le choix délibéré d’une « formule manipulatrice pour
donner des airs de scoop à son article».
Concernant ses
honoraires, la plaignante a bien signé le renoncement aux honoraires pour le
commandité, non pas en tant que personne physique, mais en tant que personne
morale. Cela a été clairement expliqué au journaliste, qui l’a bien rapporté
dans son article du 5 avril et le vérificateur le confirme dans son rapport.
Alors que le
journaliste affirme avoir bien rapporté les faits, la plaignante souligne que
le titre accolé à la photo des dirigeants laisse à penser qu’il y a eu fraude.
Or, suite à une question concernant une fraude dans le projet Parcoflex, le
vérificateur de la Ville avait lui-même démenti cette allégation.
Si l’article de M.
Beauvais a été de nombreuses fois repris à cause de sa crédibilité dans le
milieu, ce dernier est d’autant plus condamnable d’avoir laissé faire, car il
s’agit alors de manipulation de l’information.
Enfin, madame Forget conclut
en affirmant avoir pris assez de temps pour expliquer au journaliste la
situation et regrette que M. Beauvais et son employeur préfèrent le
sensationnalisme à la véritable information.
Analyse
La liberté de la presse et le droit à l’information serait gravement compromis si, dans leur façon d’illustrer les événements, les médias et les journalistes devaient donner à ces derniers un sens qu’ils n’ont pas ou encore cacher images, commentaires et sons qui font partie intégrante de l’information, même si, ce faisant, les médias heurtent la sensibilité des personnes en cause et du public.
L’un des articles en cause de monsieur André Beauvais intitulé « Le fiasco Parcoflex a brassé les intérêts de plusieurs… » correspondait à des faits rapportés par le vérificateur de la Ville, même s’il atteignait par là la susceptibilité de la société en question.
La plaignante, madame Nicolle Forget, contestait aussi plusieurs informations dans les articles du journaliste. Après analyse, le Conseil a relevé que seul l’article concernant les sommes reversées à la ville de Montréal ne présentait pas l’intégralité des faits aux lecteurs.
En ce qui concerne l’utilisation des mots « tutelle » et « gâchis » dans les titres de deux autres articles, il apparaît que le journaliste pouvait librement les employer, puisque ces termes décrivaient bien la situation ainsi que les sentiments du conseil municipal.
Le Conseil n’a pas non plus retenu comme une inexactitude l’affirmation selon laquelle madame Forget s’était engagée à travailler bénévolement en tant que présidente du Conseil d’administration de Accessum Inc.
La déontologie journalistique tend à rappeler que les journaux sont responsables de ce qu’ils publient. Or, le fait que 19 autres médias aient repris les informations de monsieur Beauvais sans les avoir préalablement vérifiées, relève de la responsabilité de ces derniers et non de celle du journaliste du Journal de Montréal.
Par contre, les informations incomplètes propres à l’un des trois articles incriminés tendent à accentuer l’aspect nébuleux de l’affaire plutôt que de permettre d’en saisir tous les aspects; donc à faire du sensationnalisme plutôt qu’à informer correctement le lecteur.
En contrepartie, rien ne permet de conclure que ce texte aurait nui à la crédibilité d’Accessum Inc. et de ses compagnies affiliées. En effet, les autres articles parus le 15 mai 2000 sont plus à même d’entacher la réputation de la société que l’article incomplet.
Par conséquent, le Conseil de presse retient partiellement la plainte de la société Accessum Inc., en ce qui à trait à une information incomplète et à caractère sensationnaliste.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C11F Titre/présentation de l’information
- C11H Terme/expression impropre
- C13B Manipulation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17G Atteinte à l’image