Plaignant
Normand Lester
Mis en cause
La Presse
(Marcel Desjardins, vice-président et éditeur adjoint)
Résumé de la plainte
Le journaliste Normand Lester porte plainte après que le
quotidien La Presse ait refusé de
publier sa réplique à une lettre de M.Claude Saint-Laurent, directeur
général des programmes, Information télévision (
SRC-RDI), lettre qui a été publiée dans la chronique
Opinions de l’édition du 10 juin 2000.
Cette lettre qui se voulait une mise au point de la
SRC était publiée dans le contexte d’une mésentente entre M. Lester
et son employeur, la Société Radio-Canada,
à propos de la couverture interrompue de l’affaire Robert-Guy Scully et des
émissions « La minute du patrimoine ».
Griefs du plaignant
Le plaignant considère que
La Presse porte atteinte au droit du public à une information juste
et équitable et qu’elle fait preuve de partialité flagrante en privant ses
lecteurs de sa version des faits. Normand Lester souhaite que le Conseil de
presse s’assure que la décision du journal de censurer son droit de réplique
n’est pas entachée d’aucune situation personnelle ou commerciale de conflit
d’intérêts. Le journaliste estime que le quotidien qui a permis à M.
Saint-Laurent de propager des faussetés à son sujet sur un tiers de page se
devait, selon les règles les plus élémentaires de l’équité, de lui donner
l’occasion de répondre.
M. Lester explique que lorsque le 14 juin il a protesté
auprès du journal La Presse,
l’adjoint à l’éditorialiste en chef, Pierre-Paul Gagné, lui a indiqué que son
texte n’était qu’une explication dans le menu détail de sa chicane avec Claude
Saint-Laurent et qu’il n’y avait rien là qui puisse intéresser les lecteurs.
Pourtant, il avait contacté M. Gagné pour l’avertir de son intention de
répondre à l’attaque de M. Saint-Laurent et celui-ci lui avait alors indiqué
l’heure de tombée pour la réception de son texte. Le plaignant fait enfin
remarquer que les deux autres quotidiens qui ont publié la lettre de
M.Saint-Laurent, Le Devoir et
Le Soleil, lui ont accordé un droit de
réplique. Le texte envoyé à La Presse
était le même.
Commentaires du mis en cause
M. Dubuc,
éditorialiste en chef, répond que «
le Conseil de presse reconnaît aux quotidiens le droit de choisir les textes
d’opinions qu’ils publient en fonction de leur politique éditoriale ou de leur
stratégie d’information ». Pour lui, La
Presse dans sa page d’opinions n’a pas à être impartiale. La plainte de
Normand Lester est donc irrecevable. L’éditorialiste en chef ajoute que même si
son journal n’y est pas contraint par les règles qui encadrent l’exercice de la
profession, on s’applique, à La Presse,
à maintenir l’équilibre dans cette page d’opinions et à traiter de façon
équitable ceux et celles qui proposent des textes ou qui sont impliqués dans
des débats publics. À son avis le cas de Normand Lester a été traité
équitablement.
M. Dubuc explique
ensuite que l’équilibre du traitement dans ce qu’il appelle « l’Affaire
Lester» ne porte pas seulement sur l’échange de lettres entre Claude
Saint-Laurent et le plaignant mais sur l’ensemble des textes publiés par
La Presse à ce sujet: dans la
semaine qui a précédé le 12 juin, jour
où Normand Lester a fait parvenir sa réplique, son journal a publié sept textes
portant sur cette histoire. Il en fait la nomenclature en indiquant pour cinq
de ces textes qu’ils sont favorables au plaignant et que les deux autres sont
critiques envers un protagoniste important du débat, Robert-Guy Scully.
Il joint ces textes en annexe à ses
commentaires.
Pour M. Dubuc, le
texte de Claude Saint-Laurent constitue non seulement une réaction aux propos
de Normand Lester, rapportés par la plupart des médias, mais aussi une réplique
aux textes de Nathalie Pétrowski et d’Agnès Gruda. La publication de la lettre
de M. Saint-Laurent le 10 juin venait assurer un équilibre entre la thèse du
plaignant et celle de la direction de Radio-Canada.
Et le fait que d’autres quotidiens aient publié la lettre de M. Lester ne
constitue pas pour lui un argument, compte tenu du contexte différent de
publication dans chacun de ces quotidiens.
L’éditorialiste en
chef ajoute qu’après avoir pris connaissance de la teneur de la réponse de
M.Lester, il a été décidé de ne pas la publier car son point de vue avait
déjà été largement représenté et
l’équilibre du débat était déjà atteint. Enfin, M Dubuc invoque le caractère
différent des deux lettres: celle de Claude Saint-Laurent, tout comme les
textes publiés dans les jours précédents, portait sur un débat de société, la
politique d’information de Radio-Canada
et les pratiques de promotion du gouvernement canadien; celle de Normand Lester
portait presque exclusivement sur le conflit qui l’oppose à
Radio-Canada et les détails de l’affaire
relèvent de la régie interne de Radio-Canada.
M. Dubuc déplore donc que M. Lester ait mal interprété ses échanges avec son
adjoint, Pierre-Paul Gagné; le fait de lui avoir précisé l’heure de tombée pour
un texte à La Presse ne signifiait
pas pour autant un engagement automatique de le publier.
M. Desjardins,
vice-président et éditeur adjoint,
indique qu’il appuie l’argumentation déposée par Alain Dubuc.
Réplique du plaignant
Aucune réplique.
Analyse
La plainte soumise à l’examen du Conseil a été considérée sous deux aspects : le manque d’équité et le manque d’équilibre dont auraient fait preuve les mis-en-cause en refusant la lettre-réponse de M. Lester à celle de M. Saint-Laurent, et la suggestion du plaignant selon laquelle on aurait pu se trouver devant une situation de conflit d’intérêts.
Sur le premier aspect, le Conseil de presse estime que même si l’élégance et la diplomatie se seraient fort bien accommodées de la publication de la réaction de M. Lester, il était néanmoins du droit du quotidien La Presse de ne pas la publier. Et ce, d’autant plus que, comme l’a fait ressortir l’éditorialiste en chef Alain Dubuc, le sujet avait été abondamment couvert par La Presse dans les jours précédents et qu’en ce sens, le point d’équilibre était atteint sinon déjà dépassé. Par conséquent, le Conseil ne peut retenir la plainte sous cet aspect.
En ce qui a trait à la demande du plaignant au Conseil à l’effet de s’assurer que la décision du journal de ne pas lui accorder de droit de réplique n’était pas entachée d’aucune situation personnelle ou commerciale de conflit d’intérêts, le Conseil rappelle qu’il n’est pas dans les usages du tribunal d’honneur de la presse québécoise de faire une telle enquête. Il appartient plutôt au plaignant de faire ses propres recherches et d’en présenter la démonstration aux membres du Conseil qui doivent par la suite en débattre.
En l’absence de preuve, le Conseil estime que nul ne pourrait, sans tomber dans le procès d’intention, conclure à un conflit d’intérêts ayant conduit la direction du journal à refuser la lettre de M. Lester.
En conséquence, le Conseil de presse rejette la plainte de Normand Lester contre le quotidien La Presse.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C12C Absence d’une version des faits
- C22C Intérêts financiers
- C22F Liens personnels