Plaignant
La Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)
Mis en cause
Sophie Langlois,
journaliste, et la Société Radio-Canada (Claude
Saint-Laurent, directeur général de l’information télévisée)
Résumé de la plainte
La Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD), un
organisme responsable de la perception, de la gestion et de la redistribution
des droits d’auteur, porte plainte pour une couverture journalistique concernant
le rôle que cette société aurait joué dans le cadre de «l’affaire Cinar
». Selon la SACD, la journaliste Sophie Langlois de la
Société Radio-Canada (SRC)
aurait utilisé son pouvoir afin de prendre position dans un débat par une
couverture des événements totalement inacceptable. Après avoir tenté sans
succès d’obtenir une rétractation, la SACD décide de porter plainte au Conseil
de presse contre la SRC et sa
journaliste.
Griefs du plaignant
Pour la SACD,
les reportages de Mme Langlois sont tendancieux, remplis de sous-entendus,
partiaux, pernicieux et portent gravement préjudice à sa réputation.
La Société des auteurs compositeurs
dramatiques a effectué une démarche auprès de la
Société Radio-Canada pour obtenir rétractation, mais sans succès.
La SADC s’en prend plus spécifiquement à un reportage de Mme Langlois diffusé à
l’émission « LePoint » le 9 mars 2000.
La plaignante
reproche notamment à la SRC et à sa
journaliste le climat général créé autour de cette histoire, climat qui est de
nature à laisser sous-entendre que la SACD aurait, d’une manière ou d’une
autre, floué certains auteurs ou contribué à ce que d’autres l’aient fait.
On retrouve également certaines allégations à l’effet que
les sommes versées à un prête-nom auraient dû être versées à d’autres. Ces
allégations tiendraient également de la mauvaise foi puisque Mme Langlois était
informée que les auteurs véritables avaient cédé leurs droits aux producteurs
et qu’ils avaient été payés en conséquence. La plaignante indique qu’elle joint
à sa plainte copie des différents reportages. À l’appui de sa plainte, la SACD
relève une liste d’une vingtaine d’observations pour démontrer sa thèse.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du directeur des nouvelles
télévisées, Jean Pelletier
La présente plainte
est une copie conforme de la mise en demeure reçue auparavant à la
SRC. Les mis-en-cause transmettent donc
au Conseil copie de la réponse qui avait été adressée à la plaignante à ce
moment. En outre, M. Pelletier signale qu’il trouve étrange que la plaignante
affirme que « l’utilisation d’un prête-nom n’était pas connue à ce moment… »,
alors que le reportage révélait qu’au moins trois auteurs avaient avisé la SACD
de l’existence d’un prête-nom avant que l’affaire CINAR n’éclate en octobre
1999. Si la journaliste n’a pas révélé leurs noms en ondes, c’est pour
respecter son devoir sacré de protection des sources. Une de ces sources a
cependant accepté de sortir de l’ombre après coup. C’est ce qui permettait à la
journaliste d’affirmer que la SACD était au courant de l’existence de
prête-noms bien avant l’automne de 1999.
Le directeur des
nouvelles télévisées s’attarde ensuite à clarifier la qualité du témoignage de
Thomas LaPierre, notamment en ce qui concerne la seconde entrevue. Selon M.
Pelletier, l’auteur a demandé pardon à l’organisme pour le « trouble » que son
témoignage a pu causer mais n’a jamais renié ses propos. Il n’a jamais été
question pour lui de rectifier les faits.
M. Pelletier s’étonne de cette plainte parce que la SACD a
elle-même modifié ses positions après la conférence de presse du 13 mars et
l’assemblée extraordinaire de ses membres à la fin du même mois. Il termine ses
commentaires en affirmant que tous les reportages qui ont suivi l’affaire CINAR
ont été faits dans le respect des règles d’éthique et tous les faits révélés
ont été vérifiés et contre-vérifiés auprès d’au moins trois sources
indépendantes.
Réplique du plaignant
La SACD rappelle que cette plainte a été déposée à la suite
d’une démarche similaire tentée auprès de la
SRC. Sa réponse comportait
alors des inexactitudes et des omissions qui laissaient transparaître une
mauvaise foi évidente, d’où cette plainte au Conseil de presse.
La plaignante tient à revenir sur certains reproches de sa
plainte et à attirer l’attention du Conseil sur deux points, l’un concernant le
rythme d’écriture pour les auteurs et l’autre, concernant le fait que les
sommes perçues par Erica Alexandre l’aient été sur le marché européen. Un autre
exemple suit, portant sur la date d’adhésion de Mme Hélène Charest à la SACD,
exemple qui confirmerait la mauvaise foi de Radio-Canada.
La SACD estime enfin que la réponse de M. Jean Pelletier à
sa plainte contient plusieurs inexactitudes. Elle termine en réaffirmant que la
SACD n’a jamais « changé son fusil d’épaule » comme tente de le faire croire M.
Pelletier.
Analyse
Avant de faire connaître sa décision, le Conseil de presse aimerait préciser que la présente n’a pas pour objet de juger ou de se prononcer sur la conduite de la SACD dans la gestion des droits d’auteurs. L’examen de la plainte ne vise qu’à établir si les mis-en-cause, la journaliste Sophie Langlois et la Société Radio-Canada, ont respecté les règles déontologiques reconnues dans la profession dans leur traitement de l’information.
La plupart des éléments soumis à l’attention du Conseil concernait justement le traitement accordé au sujet qui apparaissait, aux yeux de la plaignante, manquer d’équilibre et souffrir de l’absence d’une version des faits. À partir de cette impression, la SADC en était venue à conclure à une volonté, chez Mme Langlois, de prendre parti et de manipuler l’information au profit des auteurs.
En préparant son émission, l’équipe de la SRC avait fait le choix de donner à son contenu informatif une forme dramatique qui s’apparente à celle utilisée par les auteurs compositeurs dramatiques au cœur de ce dossier. Cette approche dramatique a permis une ouverture d’émission originale où apparaissaient sous la forme d’un générique les principaux « acteurs » en vedette dans le reportage. Cette dramatisation a également imprimé un rythme particulier à l’agencement du contenu, accordant fréquemment la parole aux «acteurs » et beaucoup moins à la narration, créant ainsi parfois une apparence de parti pris.
Une autre manifestation de l’approche dramatique s’est fait sentir sur la technique de montage de l’émission tout entière. Un collage rapide et serré des extraits d’entrevue, des mots et des phrases qui semblaient se répondre, certains mots clés des invités repris par l’interlocuteur suivant, créaient parfois l’impression que celui–ci rétorquait directement au participant précédent. À tel point que la plaignante en a même conclu que les cinq auteurs avaient visionné l’enregistrement du représentant de la SACD avant d’y répondre.
Au terme de l’analyse, le Conseil a constaté qu’en faisant le choix d’utiliser ce procédé dramatique, les mis-en-cause ont opté pour une approche présentant à la fois des forces et des faiblesses. Si elle a le mérite, par exemple, de nous aider à identifier rapidement les principaux acteurs dans un dossier et à conserver un rythme et une vie dans le reportage, cette approche a pour faiblesse d’être approximative à certains moments et de laisser parfois l’impression que la journaliste tend à vouloir prendre parti en faveur d’un camp au détriment de l’autre.
Si cette approche ne saurait être condamnée en vertu du principe de la discrétion rédactionnelle, elle ne saurait non plus devenir un modèle. De fait, elle a été la base de près de la moitié des griefs exprimés.
Après examen de chacun de ces griefs, le Conseil estime que le procédé de dramatisation, à caractère théâtral, utilisé par Radio-Canada n’a pas sa place dans un reportage d’information, parce que celui-ci colorait indûment son contenu, induisant le public à tirer des conclusions toutes faites quant aux responsabilités des parties en cause.
Le même examen minutieux a porté, d’autre part, sur les griefs concernant l’exactitude de l’information tels la déformation des faits, la manipulation de l’information et l’absence d’une version des faits. Au terme de cet exercice, force est de constater que sur le fond, tous les éléments scrutés sont apparus conformes aux faits. Dans les circonstances il est évident que l’exercice du droit de réplique ne devenait plus nécessaire.
Finalement, après examen, bien que le Conseil de presse ne retienne pas la présente plainte sur le fond, il n’en adresse pas moins un blâme à l’endroit de l’émission « Le Point », de la Société Radio-Canada pour l’utilisation d’un procédé de dramatisation contribuant à la confusion des genres, un procédé théâtral qui ne saurait avoir sa place dans un reportage d’affaires publiques.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C12A Manque d’équilibre
- C12C Absence d’une version des faits
- C13B Manipulation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C19A Absence/refus de rectification