Plaignant
Ura Greenbaum
Mis en cause
Debbie Parkes et The Gazette
(Raymond Brassard, directeur de l’information)
Résumé de la plainte
M. Ura Greenbaum porte plainte contre le
quotidien The Gazette pour avoir
publié le 11 juin 2000 une série d’articles et de photographies qui, selon lui,
donneraient un « effet exagéré et sensationnaliste » au long processus
judiciaire entourant la succession de son père et de sa mère.
Griefs du plaignant
1- En 1995, le plaignant a écrit une lettre critiquant madame Parkes et
sa chronique d’alors. Il ne sait pas si cela a un rapport quelconque, mais
quelques mois plus tard, la chronique ne paraissait plus. Monsieur Greenbaum
reproche à la journaliste de ne pas avoir fait état de cet événement, et
d’avoir ainsi essayé de cacher des informations importantes au lecteur.
2- Selon M. Greenbaum, l’héritage de ses parents placé sous
l’administration d’un séquestre judiciaire aurait servi à payer illégalement
des frais à l’étude d’avocats Faskin, Martineau, Dumoulin. Or, monsieur
Goldbloom, le président de The Gazette,
s’avère être un ancien associé de cette étude. Le plaignant pense que cela est
encore une information importante, qui aurait dû être mentionnée dans
l’article.
3- Contrairement aux éléments qu’il avait fournis à la journaliste,
l’article rapporte que deux saisies avant jugement en faveur de M. Greenbaum
furent rejetées par la Cour pendant les procédures judiciaires. Cependant, le
plaignant soutient que l’une de ces saisies a été maintenue et qu’il n’y en a
pas eu de seconde. De plus, lorsqu’il en aurait fait état au rédacteur en chef,
ce dernier aurait affirmé que la journaliste ne parlait pas de la même. Le
plaignant qualifie donc le reportage de tendancieux pour avoir omis de parler
de la saisie réussie, qui était un élément positif en sa faveur.
4- Il accuse le journal de ne pas avoir mentionné des personnes qui
soutenaient son point de vue.
5- M. Greenbaum se plaint de la référence faite à sa sœur Hanna, puisque la
journaliste n’aurait jamais contacté cette dernière.
6- Pour le plaignant, l’importance des frais occasionnés aux héritiers
légitimes de son père et de sa mère n’est en aucun cas de sa faute. En effet,
les deux héritages sont gérés par un curateur public et un séquestre
judiciaire. C’est à ces derniers de répondre de leur gestion. Il soutient aussi
que le journal a volontairement déformé les faits puisque le séquestre
judiciaire est un membre de l’étude Faskin, Martineau, Dumoulin.
7- En associant à son article un autre texte portant sur les procédures
existantes pour éviter que certaines personnes abusent des recours judiciaires,
la journaliste aurait émis l’idée que les recours entrepris par M. Greenbaum
étaient «frivoles et vexatoires ». Or, un mois avant la parution de
l’article, les adversaires du plaignant ont déposé une requête pour rejeter son
appel, mais celle-ci a été rejetée un mois après la parution. Pour toutes ses
raisons, l’article serait partial.
Commentaires du mis en cause
Mme Parkes, journaliste,
a connu le plaignant en 1994, lorsque celui-ci l’a félicité pour un article
traitant de problèmes rencontrés avec le curateur public. Ce dernier l’a alors
mis au courant de ses difficultés personnelles avec le curateur et l’a invitée
à s’intéresser à l’affaire. Après avoir fait des recherches, la journaliste a
constaté l’ampleur du conflit familial de M. Greenbaum et a décidé de ne pas
traiter le sujet à cette époque. Peu après, M. Greenbaum a mis sur pied une
nouvelle association : l’association pour la défense des personnes et de la
propriété placée sous curateur public. Mme Parkes s’est alors intéressée au
fait que le plaignant critique le curateur public pour lui-même sans que les
membres de son association soient au courant de ce qui le motivait.
1- Concernant sa
rubrique de 1995, la journaliste affirme l’avoir interrompue pour cause de
maladie et assure ne pas avoir eu connaissance de la lettre du plaignant.
2- Même si elle avait su
que M. Goldbloom était lié avec l’étude d’avocats, cela n’aurait rien changé
puisque ce dernier n’intervient pas auprès des journalistes dans la rédaction
des articles.
3- La mise-en-cause
reconnaît avoir fait une erreur dans son article, en ayant avancé que la saisie
contre le séquestre, Michael Pesner, avait été effectuée sur le compte qu’il
gérait et non sur son compte personnel. Malgré cela, les deux saisies
mentionnées dans son texte ont bien eu lieu, comme le prouvent les documents
qu’elle joint à ses commentaires.
4- Mme Parkes a bien
évoqué l’utilité de l’association de M. Greenbaum. Elle n’a pas jugé nécessaire
d’interroger ce dernier, car l’issue de l’histoire lui semblait assez
explicite.
5- Elle admet ne pas
avoir contacté Mme Hanna Engel, étant donné que l’histoire parlait de M.
Greenbaum. Tout ce qu’elle a écrit sur Mme Hanna Engel était issu de jugements.
6- La journaliste estime
que le plaignant essaie de nouveau de justifier son attitude, alors que toute
l’histoire a déjà été traitée.
7- L’article complémentaire aurait été écrit après
que Mme Parkes ait analysé la situation et se soit questionnée sur les
mécanismes qui existaient légalement pour éviter ce genre de situation. Son
article portait sur un mécanisme pour éviter l’abus des processus judiciaires
par les citoyens. Son rôle était d’informer le public sur les mécanismes
existants, sans faire aucun commentaire.
Réplique du plaignant
2- M. Greenbaum se dit
surpris que Mme Parkes ne soit pas au courant de la relation entre M. Goldbloom
et l’étude Faskin, Martineau, Dumoulin, étant donné les nombreux articles parus
dans The Gazette à ce sujet. De plus,
il ne comprend pas que le président du quotidien ait laissé deux pages entières
à l’article de Mme Parkes sans l’avoir auparavant approuvé. Ensuite, il affirme
qu’aucun jugement ne l’accuse d’avoir dilapidé les biens de ses parents et cela
étant impossible, puisque ces derniers ne sont pas sous sa responsabilité.
Enfin, M. Greenbaum déplore que les commentaires de MM. Boudreau, Friedman et
Pesner aient été présentés dans l’article comme étant neutres et objectifs,
alors qu’ils sont ses adversaires.
3- Il rappelle qu’une des deux saisies avant
jugement a bien été maintenue et que celle-ci n’avait pas été obtenue
irrégulièrement, comme le prouve le jugement du juge Ryan et l’abandon par le
curateur public de la poursuite. Quant aux preuves concernant les saisies avant
jugement que le journal a fourni, l’une concerne Fella Friedman et non Michael
Pesner, et la seconde concerne M. Pesner, mais dans le cadre d’une saisie en
mains tierces.
4- La journaliste ne s’est jamais intéressée aux
personnes qui auraient pu soutenir le point de vue du plaignant.
5- Les propos rapportés par Mme Parkes sur Mme
Engel étaient issus d’une déclaration gratuite du juge, qui fait actuellement
l’objet d’une révocation devant la Cour d’appel.
7- L’article porterait sur les mécanismes
existants pour réprimer un justiciable qui abuserait du processus. Or, le
facteur commun de la série d’article du 11 juin 2000 serait le plaignant. La
journaliste ne peut donc pas dire qu’elle écrivait son article sans aucun
rapport avec lui. De plus, la veille, le quotidien n’annonçait pas un article
sur un mécanisme particulier, mais bien le cas Greenbaum comme tel. Enfin, le
plaignant regrette que les mis-en-cause n’aient pas répondu aux reproches de
déformation de l’information et d’opinion prématurée. La journaliste n’a pas
fait ressortir la controverse et a ainsi condamné publiquement le plaignant.
Analyse
L’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Ils ne se mesurent pas seulement de façon quantitative, sur la base d’une seule édition ou d’une seule émission non plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne, mais aussi de façon qualitative, tout étant fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public.
Le plaignant reprochait à la journaliste Debbie Parkes de ne pas avoir pris en compte son point de vue. Après analyse, il apparaît au Conseil que la journaliste a fait adéquatement état de la complexité du dossier dans ses différents articles, en en expliquant les tenants et les aboutissants.
Par ailleurs, bien que Mme Parkes ait reconnu que des imprécisions se soient glissées dans ses textes, celles-ci n’ont pas, aux yeux du Conseil, la portée que lui prête le plaignant.
En ce qui a trait à la juxtaposition de l’article sur la famille Greenbaum avec un autre sur les mécanismes contre les recours judiciaires abusifs, le Conseil est d’avis que même si celle-ci était discutable, on ne peut pas pour autant faire un procès d’intention au journal, en lui prêtant une intention malicieuse.
Enfin, le Conseil ne peut, en l’absence de preuves, se prononcer sur les accusations d’erreurs à propos des saisies avant jugement et de conflit d’intérêts.
En conclusion, au-delà d’une réserve sur des imprécisions notées dans les articles de Mme Parkes, le Conseil rejette, sur le fond, la plainte de M. Greenbaum contre la journaliste Debbie Parkes et The Gazette.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12C Absence d’une version des faits
- C13A Partialité
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C22F Liens personnels
Date de l’appel
19 June 2001
Décision en appel
Les membres de la Commission ont conclu à l’unanimité de
maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
M. Ura Greenbaum interjette appel à la décision du Conseil
de presse.