Plaignant
Les Centres jeunesse de Montréal et M. Yves Sylvain, directeur de la protection de la jeunesse
Mis en cause
Rémi Nadeau et Robert Bertrand, journalistes et Le Journal de Montréal (Paule Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef) et Catherine Solyom, et Paul Cherry, journalistes et The Gazette (Raymond Brassard, directeur de l’information)
Résumé de la plainte
Les deux premiers articles faisant l’objet de la plainte ont été publiés dans les éditions du 2 et 3 août 2000 du quotidien Le Journal de Montréal. Ces articles traitent de la mort suspecte d’un adolescent montréalais en Colombie-Britannique.
Les Centres jeunesse de Montréal portent plainte en invoquant que ce quotidien a contrevenu aux dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse qui prévoient que tout renseignement permettant d’identifier un enfant ou ses parents sont confidentiels et ne peuvent être divulgués par quiconque.
Les Centres jeunesse de Montréal portent également plainte contre deux articles parus dans le journal The Gazette en date du 3 août 2000, faisant état de la découverte de l’adolescent.
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche aux quotidiens Le Journal de Montréal et The Gazette d’avoir identifié la victime et sa mère en les nommant.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Paule Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef du Journal de Montréal :
Mme Beaugrand-Champagne soutient que la publication de l’identité de cet adolescent était non seulement justifiée pour informer la population de son décès, mais aussi requise en raison de la recherche d’informations sur ce crime.
Elle affirme que les autres médias ayant traité de cette même affaire l’ont aussi identifié. Elle joint deux copies des articles parus dans La Presse et le Kamloops Daily News.
La mise-en-cause termine en rappelant que le Conseil de presse n’est pas un tribunal chargé de l’application de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Commentaires de M. Raymond Brassard, directeur de l’information au journal The Gazette :
M. Brassard écrit que les articles étaient pleinement justifiés. Il nous fait part de son étonnement face à la plainte, par les commentaires suivants :
« Je suis étonné que face à une incompétence flagrante de la part des services ontariens de la protection de la jeunesse – action qui a indirectement causé la mort d’un adolescent – l’attention se porte sur le média qui a tenté d’expliquer pourquoi et comment Vivien Morzuch s’était trouvé en Colombie-Britannique ce jour-là.
C’est un cauchemar bureaucratique – un jeune homme a été assassiné et les services de la protection de la jeunesse ont failli à leur tâche – il est temps de faire la lumière au bon endroit dans toute cette histoire ».
Réplique du plaignant
Le plaignant explique que les journalistes avaient, avant de publier les articles, communiqué avec Les Centres jeunesse de Montréal, et qu’une personne les aurait informé qu’il était impossible de leur communiquer quelques informations que ce soit compte tenu de la Loi. Il déplore le fait que le Journal de Montréal ainsi que leurs journalistes aient quand même identifié le nom de l’enfant ainsi que d’autres informations le concernant.
Le plaignant précise qu’il ne veut pas s’acharner sur les journalistes ni sur les quotidiens, mais vise plutôt la protection de l’anonymat d’un adolescent assujetti à la Loi sur la protection de la jeunesse et à son respect.
Il rappelle que cette plainte est un appel à la solidarité autour des enfants victimes d’actes criminels, car ce sont eux et non Les Centres jeunesse qui sont touchés dans leur intégrité par cette nouvelle.
Analyse
Le Conseil de presse tient à rappeler que l’examen des plaintes soumises à son attention ne visait pas à déterminer si les mis-en-cause avaient commis quelque faute en regard de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de toute autre prescription relevant des tribunaux, mais de trancher dans les questions relevant de l’éthique journalistique.
Qu’elles soient publiques ou non, les personnes ont le droit fondamental à la protection de leur vie privée et de leur intimité. Si des événements relevant de leur vie privée peuvent, dans des circonstances particulières, contenir certains éléments d’intérêt public, la presse peut en rendre compte, mais avec prudence et discernement.
Dans son analyse, le Conseil de presse a tenu compte du fait que l’adolescent en cause est décédé, et des circonstances pour les moins nébuleuses de cette mort. Or, comment pourrait-il y avoir, dans ce cas, atteinte éventuelle à l’intégrité de la victime quand celle-ci est décédée? Toute possibilité de réhabilitation et de réinsertion sociale de l’adolescent avaient cessé d’exister. Au surplus, reconnaissons que ce n’est qu’en faisant appel aux médias et en dévoilant l’identité du jeune homme que les corps policiers pouvaient espérer obtenir de l’information pertinente sur la nature et l’auteur de ce crime.
En publiant l’identité de l’adolescent, non seulement les mis-en-cause ne se plaçaient-ils pas en faute, mais ils accomplissaient leur devoir professionnel qui est de communiquer ces informations d’intérêt public.
Décision
Il apparaît donc au Conseil de presse autant difficile qu’illusoire de retenir la plainte dans ce contexte. Conséquemment, les plaintes des Centres Jeunesse de Montréal contre le Journal de Montréal et The Gazette sont rejetées.
Analyse de la décision
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C16D Publication d’informations privées