Plaignant
Association des Policières et Policiers de la région sherbrookoise
Mis en cause
Bertrand Gosselin et CHLT-AM (Michel Lorrain, directeur de l’information)
Résumé de la plainte
L’Association des Policières et Policiers du Québec porte plainte contre la station de radio CHLT-AM pour avoir diffusé des propos mensongers qui, faute de vérification, auraient atteint à leur réputation.
Griefs du plaignant
Réjean Roulx, président de l’Association des Policières et Policiers de la région sherbrookoise critique Bertrand Gosselin pour les propos qu’il aurait tenus à plusieurs reprises sur les ondes de CHLT-AM entre le 21 et le 23 août 2000. Il joint à ce titre les deux mises en demeure envoyées par son avocat à M. Gosselin et à la station de radio. Ces mises en demeure reprochent à la station de radio d’avoir diffusé des informations non-fondées sur le comportement inapproprié du policier Daniel Savard devant un bar de Sherbrooke, ainsi qu’au volant de sa voiture. De la même façon, CHLT-AM aurait dénaturé les faits sur un accident antérieur ayant impliqué M. Savard, en avançant qu’il aurait bu et que les policiers appelés sur les lieux auraient fait preuve d’indulgence envers leur collègue. Ces erreurs commises faute de vérification n’auraient pas été rectifiées malgré un appel des membres de l’Association. La diffusion de ces informations, sous-entendant de la partialité et un manque d’intégrité de la part des plaignants, aurait nui à leur réputation.
Commentaires du mis en cause
Me Fontaine, avocat de la station CHLT-AM, constate que les reproches des plaignants sont très généraux et qu’ils ne font que se rapporter à leurs mises en demeure du 25 août 2000. Il joint en argument la réponse qu’il a adressée à l’avocat des plaignants, ainsi que divers articles locaux rapportant les événements. Tous ces éléments permettent de constater que tous les faits ont été vérifiés et sont facilement vérifiables. Ainsi, dans ses commentaires, le porte-parole de la direction du service de police de la région sherbrookoise, M. Marc Bérubé, aurait selon eux affirmé le fait que les tests d’alcoolémie de M. Savard étaient positifs et qu’une enquête était menée par la Sûreté du Québec, justifiant ainsi que M. Savard était en état d’ébriété lors de l’accident. De la même façon, un témoin oculaire affirme avoir vu le policier au volant de sa voiture. Enfin, M. Zatusky qui a eu précédemment un accident avec M. Savard a, quant à lui, témoigné des circonstances de cet accident et du comportement des policiers. Il ajoute que jamais M. Savard n’a été nommé en ondes, dans les bulletins de nouvelles. Pour lui, tous les faits rapportés étaient d’intérêt public étant donné que le mis-en-cause est policier.
Réplique du plaignant
Pour les plaignants, les mis-en-cause ont effectué un travail journalistique incorrect en ne vérifiant pas leurs informations. Ainsi, seul M. Gosselin a été en mesure d’associer le nom du policier à un accident antérieur. Cela montre clairement que la source du journaliste cherche à nuire à M. Savard en manipulant M. Gosselin. Ils reprochent aussi au journaliste de ne pas avoir vérifié les circonstances de l’accident auprès de l’Association ou du Service de la police de la région sherbrookoise. De plus, le témoignage de M. Zatusky sur un accident antérieur est peu crédible, puisque ce dernier affirme avoir été informé par sa compagnie d’assurances du fait que l’autre automobiliste était policier.Or,cette information invraisemblable aurait dû être vérifiée auprès de l’assureur. De la même façon, bien que M. Savard fasse l’objet d’une enquête, aucune accusation n’a été portée contre lui jusqu’à aujourd’hui. Le journaliste aurait dû faire attention afin de ne pas causer injustement préjudice à M. Savard et aux policiers de la région sherbrookoise. Enfin, le policier sherbrookois aurait clairement été nommé en ondes lors de l’émission « Face à Face » sans que l’animateur ne le reproche à l’auditeur en cause. Or, ceci aurait eu des conséquences négatives accolées aux fausses informations diffusées sur lui peu avant.
Analyse
La nouvelle, le reportage et l’analyse sont destinés à informer le public, c’est-à-dire, à lui rappeler et à lui expliquer les faits en les situant dans leur contexte pour lui permettre de se faire, en toute connaissance de cause, une opinion sur les événements et l’actualité. C’est au nom de cette règle déontologique que CHLT-AM pouvait librement traiter de l’interpellation de M. Savard ainsi que d’un accident antérieur, afin de situer le contexte. Toutefois, la station aurait dû utiliser le conditionnel dans tous ses bulletins, sans exception, étant donné que le policier n’avait pas encore été formellement accusé et qu’une enquête était en cours. De la même façon, le comportement des policiers et de M. Savard lors d’un accident antérieur aurait aussi dû être évoqué au conditionnel, puisqu’il avait été rapporté par l’autre automobiliste et manquait donc d’objectivité. Ces informations enlevaient, en effet, la présomption d’innocence du policier en laissant sous-entendre une récidive ainsi qu’un laxisme de la part des policiers sherbrookois. En ce qui a trait au fait que l’identité de M. Savard ait été dévoilée et mentionnée à plusieurs reprises au cours de la tribune téléphonique «Face à face », il apparaît au Conseil que le média pouvait le faire en toute légitimité compte tenu qu’il s’agissait là d’une personne sous enquête occupant une charge publique. Pour ces raisons, le Conseil de presse rejette sur le fond la plainte de l’Association des Policières et Policiers de la région sherbrookoise contre la station de radio CHLT-AM, mais rappelle en revanche au radiodiffuseur l’importance de l’utilisation du conditionnel dans le traitement d’une enquête en cours.
Analyse de la décision
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C17G Atteinte à l’image
- C17H Procès par les médias