Plaignant
Louis D’Amours
Mis en cause
Amanda Jelowicki, journaliste et The
Gazette ( Raymond Brassard, directeur de l’information )
Résumé de la plainte
M. Louis D’Amours, enseignant
d’anglais à l’école secondaire du Sacré-Coeur à Granby, porte plainte contre le
quotidien The Gazette pour avoir publié, en première page de son édition
du 1er septembre 2000, un article intitulé « English
teaching fails / Amount, quality of instruction lacking in French schools
« , qui rapporterait de fausses informations et atteindrait ainsi à sa
réputation.
Griefs du plaignant
1) Tout d’abord, le plaignant
dément avoir demandé de faire l’entretien en français à cause de sa faible
maîtrise de l’anglais. Selon lui, l’entrevue a été effectuée en français,
puisque la journaliste l’avait approché dans cette langue. Il estime que cette
fausse information nuit à sa crédibilité.
2) De la même façon, M. D’Amours
soutient que la journaliste a oublié des éléments concernant les contacts qu’il
aurait eus avec des anglophones. Ainsi, il lui a dit avoir rencontré en
secondaire V, trois étudiants anglophones participant à un programme d’échange.
De plus, il a enseigné durant un été le français à un groupe d’amÉricains. Il
était à l’emploi de l’Université Western à London, Ontario et de plus, il a
suivi un programme d’immersion en langue anglaise conçue spécialement pour les
enseignants de langue seconde.
3) La phrase » My students
think I am a King in English » aurait été sortie de son contexte. Cette
phrase décrivait la façon dont M. D’Amours est perçu par ses étudiants, qui ont
des difficultés d’apprentissage.
4) M. D’Amours ne voulait pas faire
partie d’un article à caractère politique, mais la journaliste lui aurait
assuré qu’il n’en était rien. Le plaignant lui reproche donc de n’avoir pas
dévoilé ses intentions, et soutient qu’il ne se serait jamais laissé
photographier afin d’être ridiculisé en première page. Pour toutes ses raisons,
il aimerait que The Gazette publie un nouvel article contenant les faits
exacts.
Commentaires du mis en cause
Commentaires d’Amanda Jelowicki,
journaliste :
1) La journaliste aurait rencontré
M. D’Amours la première fois en février pour interroger un de ses élèves.
L’enseignant lui aurait demandé à cette époque de faire l’entrevue en français.
Cela aurait étonné la journaliste, qui l’aurait alors contacté pour son article
sur l’enseignement de l’anglais. Durant l’entrevue, il lui aurait demandé une
nouvelle fois de parler français.
2) Mme Jelowicki estime que les
contacts que l’enseignant a eus en secondaire V avec des étudiants anglophones
ne peuvent pas être considérés comme une exposition significative à la langue
anglaise.
3) M. D’Amours aurait admis que son
anglais été faible, mais que ses étudiants savaient tellement peu parler la
langue que son niveau les impressionnait.
4) Pour la journaliste, son article
n’était en aucun cas un débat politique. Son texte s’interrogeait juste sur le
niveau d’anglais des étudiants francophones à leur sortie de l’école. De plus,
M. D’Amours n’était en aucun cas le sujet principal de l’article et il lui
avait été clairement expliqué que sa photographie paraîtrait dans le journal.
Enfin, le plaignant lui aurait
expliqué qu’on l’avait seulement informé en l’embauchant, qu’il aurait aussi à
enseigner l’anglais. Mme Jelowicki affirme enfin qu’il suffit d’une simple
conversation pour se rendre compte que le niveau d’anglais de M. D’Amours est
très faible pour quelqu’un qui enseigne depuis 11 ans.
Commentaires de Raymond Brassard,
directeur de l’information :
M. Brassard rejette toute
accusation de fausse représentation de la part du journal. Il comprend que M.
D’Amours puisse être gêné d’être identifié comme un enseignant qui a du mal à
parler l’anglais, mais affirme qu’il n’y avait aucune intention de le
ridiculiser. Le seul but de l’article étant de faire le » portrait pitoyable
de l’enseignement de l’anglais dans les écoles francophones « .
Réplique du plaignant
1) L’entrevue de février consistait
à interroger un de ses étudiants. Or, M. D’Amours avait décidé avec la mère de
cet élève qu’il serait plus rapide de faire l’entrevue en français. Toutefois,
il affirme avoir effectué d’autres entretiens en anglais pour des médias
canadiens, écossais et irlandais. Il ajoute aussi que l’entrevue du mois d’août
a bien été effectuée en français, mais ce, sans l’avoir lui-même demandé,
contrairement à l’affirmation de la journaliste.
2) Le plaignant critique le
jugement que porte la journaliste sur les contacts qu’il aurait eus avec des
étudiants anglophones et ajoute que celle-ci ne fait aucune mention de son
emploi d’enseignant à l’Université Western ainsi que de son stage d’immersion
anglaise.
3) M. D’Amours n’a jamais admis que
son niveau d’anglais était faible, donnant même une évaluation de ses capacités
à s’exprimer à l’écrit et à l’oral, chose que Mme Jelowicki a semblé avoir
oublié. De la même façon, aucun de ses étudiants bilingues n’a déjà remis ses
compétences en doute. De plus, bien que la journaliste savait qu’il donnait des
cours d’anglais adapté, qui correspond à un 2ème cycle du primaire
et non à un enseignement régulier, elle a continué l’entrevue.
4) Si M. D’Amours avait su le
véritable but de l’entrevue, il ne se serait jamais laissé photographier. Il
regrette non pas ce qu’il a dit à la journaliste, mais d’avoir eu affaire à
» une journaliste manipulatrice et sans scrupule, prête à tout dans le
seul but de faire la une « .
Analyse
Les journalistes doivent situer dans leur contexte les faits et opinions dont ils font état de manière à ce qu’ils soient compréhensibles, sans en exagérer ou en diminuer la portée.
Concernant l’affirmation faite au début de l’article sur le choix de la langue pour l’entrevue, le Conseil ne peut se prononcer sur la véracité de ces faits, étant confronté à deux témoignages contradictoires. Par contre, il apparaît que cette phrase était désobligeante envers l’enseignant, qui avait accepté de bonne foi de témoigner de la situation.
Le plaignant reprochait aussi à Mme Jelowicki de considérer que les contacts, qu’il avait eus avec des étudiants anglophones en secondaire V, ne constituaient pas une exposition significative à la langue. Or, le Conseil a pu remarquer que la journaliste a fait un portrait réducteur de l’enseignant, en ne mentionnant pas non plus les autres éléments de sa formation en anglais, qui eux, s’avéraient utiles pour juger de ses compétences.
De plus, le Conseil ne croit pas que M. D’Amours se serait laissé interroger sciemment, s’il avait su qu’il allait se faire ridiculiser en première page. Cela porte à croire que la journaliste a manqué de transparence à l’égard du plaignant sur sa façon de traiter du sujet; un traitement qui visait plus à illustrer l’article d’un exemple-type que d’obtenir l’avis d’un intéressé sur la question.
Cependant, même si la journaliste n’a pas été claire sur l’orientation qu’elle comptait donner à son article et qu’elle a pu nuire à la crédibilité de l’enseignant en omettant certaines informations, il apparaît que Mme Jelowicki pouvait librement choisir la façon de traiter du sujet, au nom de la liberté d’expression. En effet, l’état de l’enseignement de l’anglais dans les écoles francophones soulève un véritable débat de société.
Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, le Conseil retient la plainte de M. D’Amours contre The Gazette et sa journaliste Mme Amanda Jelowicki, sur la base d’information incomplète et de manque de transparence à l’endroit d’une de ses sources d’information.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12B Information incomplète
- C12D Manque de contexte
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C23D Tromper sur ses intentions