Plaignant
David Salusbury
Mis en cause
Katherine Wilton, journaliste, et The Gazette (M.
Raymond Brassard, directeur de l’information)
Résumé de la plainte
M. David Salusbury porte plainte contre The Gazette
et contre sa journaliste Katherine Wilton, estimant que les mis-en-cause ont
commis des fautes à l’égard de l’éthique journalistique sous quatre aspects :
ne pas l’avoir consulté avant publication, avoir commis des inexactitudes en
rapportant un jugement de la Cour; avoir écrit des inexactitudes et des
faussetés et avoir enfreint les règles à l’égard de l’anonymat.
Griefs du plaignant
M. Salusbury ne comprend pas pourquoi cet article a été
écrit sans qu’il ait été consulté. Selon lui, un journaliste qui traite d’un
sujet de cette nature est tenu de consulter les deux » parties « . Or
Mme Wilton n’a consulté que son avocate et la directrice de l’école de sa
fille, Mme Hebert. Même s’il était en vacances, il n’a reçu aucune note ou ni
aucun message téléphonique de la journaliste. Le plaignant demande s’il y avait
une telle urgence et si la journaliste n’aurait pas pu attendre cinq jours pour
obtenir des informations justes (valuable input). M. Salusbury a laissé à son
retour un message à la journaliste, mais elle était apparemment en congé de
maternité.
Le plaignant reproche également à la journaliste des
inexactitudes quand elle a rapporté le jugement de la Cour. Il relève ainsi
plusieurs éléments qui lui donnent à penser qu’elle n’a pas lu ce jugement. Plusieurs
des assertions seraient fausses et la journaliste aurait omis de mentionner
plusieurs points constituant des précédents importants en matière juridique.
De plus, Mme Wilton aurait manqué à son devoir en rapportant
certaines informations qui avaient pour effet de porter atteinte au principe du
respect de l’anonymat. Enfin, la journaliste n’aurait pas contrevérifié les
commentaires de la directrice de l’école, Mme Hebert.
À la suite de cet article, sa famille aurait eu à vivre des
stress et des torts irréparables, d’autant plus que deux autres médias en ont
repris les contenus erronés et amplifié les erreurs commises dans l’article de The
Gazette.
Commentaires du mis en cause
M. Kappler répond aux arguments de M. Salusbury point par
point.
D’abord, selon lui, parler à un avocat équivaut, en
pratique, à parler à son client. De plus, étant donné l’heure de tombée et
sachant le plaignant hors de la ville, la journaliste ne lui a pas laissé de
message et n’en voyait pas le besoin puisqu’elle avait parlé à son avocat.
Selon le mis-en-cause, M. Salusbury insiste beaucoup sur le
fait que le mot » expelled » n’apparaît pas dans certains documents.
Mais il est évident que » mettre fin à un contrat » (termination of
contract) a eu pour effet que la jeune fille quitte l’école, ce qui signifie
son expulsion. Il s’agit donc d’une distinction qui ne fait aucune différence.
Il n’y a pas de tradition dans la presse (press tradition) à
l’effet de préserver l’anonymat des parties. Il s’agissait d’une matière
judiciaire qui est traditionnellement un sujet de nature publique dans notre
société.
Le plaignant reprochait également qu’il n’y a pas eu de
confirmation par les mis-en-cause des doléances de la directrice. The
Gazette a attribué certaines assertions à la directrice et personne ne
conteste qu’elle les ait faites. Pour en vérifier l’exactitude, les
mis-en-cause ont communiqué avec l’avocate de M. Salusbury.
Enfin, il est possible que d’autres médias aient fait
d’autres affirmations, suppositions ou déductions qui dépassent ce que The
Gazette a rapporté. De telles prises de position ne peuvent évidemment
relever de la responsabilité des mis-en-cause.
Réplique du plaignant
Pour le plaignant, M. Kappler a esquivé toutes les allégations
sérieuses qu’il formulait dans sa plainte et il trouve sa réponse tout à fait
inadéquate. Le retard à y répondre indique le peu de respect qu’il porte au
plaignant et aux procédures du Conseil de presse.
Ce qui le surprend davantage, c’est quand M. Kappler affirme
qu’il ne voulait pas déranger Mme Wilton alors qu’elle était en congé de
maternité. Ceci est à la fois étonnant et révélateur d’un double standard et
d’une totale insensibilité à l’égard de gens qui se sont ainsi sentis blessés,
une petite fille de dix ans et les membres de sa famille. M. Kappler cherche à
défendre un article inexact et fallacieux et » protéger » par dessus
tout son employée contre tout dérangement.
Analyse
Comme l’évoquait avec pertinence M. Salusbury, la règle déontologique de l’équilibre impose aux journalistes et aux médias de donner, lors d’une opposition ou d’une controverse, la version des parties en cause. Or, l’examen de la plainte révèle que dans le présent cas, deux parties se sont opposées devant les tribunaux : l’école et sa directrice, représentées par leurs procureurs, et les parents, représentés par leur avocate. Ainsi, force est de constater que même si la journaliste n’a pas interrogé toutes les personnes impliquées dans le dossier, elle a consulté les deux » parties » en considérant, comme c’est pratique courante dans le métier, la procureure du plaignant habilitée à parler en son nom. Le Conseil de presse estime donc que la journaliste a ainsi respecté les règles de l’art en usage lors de sa collecte des informations.
Le plaignant reprochait également à la journaliste des inexactitudes et des assertions fausses en rapportant le jugement de la Cour. La déontologie reconnaît aux médias et aux journalistes la liberté de traiter d’un sujet ou d’une situation en privilégiant un angle particulier. Les informations qu’ils choisissent de rapporter dans ce cadre font nécessairement l’objet de choix, lesquels doivent être faits en fonction du degré d’intérêt public, dans le respect des personnes et avec le souci de transmettre une information juste et équilibrée. En conséquence, le plaignant ne pouvait s’attendre à ce que, dans les circonstances, la journaliste reproduise intégralement le libellé du jugement.
De plus, après examen du texte du jugement, le Conseil observe que les mots « expelled » et » expulsion « contestés par M.Salusbury apparaissent bien dans le document de la Cour. Le Conseil a considéré que l’utilisation de l’expression » ordered to readmit a student » n’était pas abusive et correspondait tout à fait au sens de la démarche légale qui, en forçant l’école à respecter le contrat, visait en pratique à réintégrer la jeune fille à l’intérieur de l’institution dont elle venait d’être exclue. Quand au titre de l’article, le Conseil a estimé que malgré sa forme lapidaire, il respectait les règles en traduisant l’essentiel de l’article.
Concernant l’omission de plusieurs points constituant des précédents importants en matière juridique, le Conseil estime que les principes relatifs au libre exercice du journalisme permettaient à Mme Wilton de sélectionner les éléments retenus, même s’ils ne rencontraient pas les souhaits du plaignant.
M. Salusbury reprochait également à la journaliste de ne pas avoir contrevérifié les commentaires de la directrice de l’école, Mme Hebert, et d’avoir ainsi rapporté des informations qui sont fausses. Pour le Conseil, même si ces propos apparaissent pour le plaignant loin de la vérité, ce sont tout de même ceux de l’autre partie qui avait également le droit de donner « sa » version des faits. De plus, la journaliste ne présente pas cette information comme un fait incontestable, mais elle a pris soin d’indiquer qu’ils s’agissait des propos de la directrice.
Le Conseil s’est ensuite penché sur les griefs au sujet de la préservation de l’anonymat. Il a conclu que même si la mention des cinq éléments identifiés par M. Salusbury auraient pu permettre à un investigateur déterminé d’arriver à identifier la jeune fille, cette mention n’avait pas pour effet de stigmatiser son image et les détails sont, au contraire, neutres ou avantageux à son endroit. Par conséquent nul ne peut conclure à une contradiction avec l’esprit de la règle de l’anonymat qui vise à protéger un mineur de ce qui pourrait compromettre sa réinsertion sociale.
Enfin, le plaignant déplorait qu’à la suite de cet article, sa famille avait eu à vivre des stress et des torts irréparables, d’autant plus que deux autres médias avaient repris les contenus erronés en amplifiant les erreurs commises dans l’article de The Gazette.
Le Conseil fait observer que si M. Salusbury et sa famille ont eu à subir des inconvénients, ce n’est pas au premier chef parce que le quotidien a décidé de publier la nouvelle, mais d’abord parce que le plaignant a choisi d’avoir recours à la justice qui incidemment est publique. En outre, le plaignant ne peut imputer à The Gazette des manquements à la déontologie qui auraient été commis par d’autres médias.
Aussi, compte tenu de l’ensemble de ces considérations, le Conseil de presse rejette-il la plainte de M. David Salusbury contre la journaliste Katherine Wilton et le quotidien The Gazette.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11B Information inexacte
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C12C Absence d’une version des faits
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C17D Discréditer/ridiculiser
Date de l’appel
25 January 2002
Décision en appel
Les membres de la Commission ont conclu à l’unanimité de
maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
M. David Salusbury interjette appel à la décision du Conseil
de presse.