Plaignant
La Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la
Confédération des syndicats nationaux (CSN), le Mouvement national des
québécoises et québécois (MNQ), la Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec (FTQ), l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) et la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)
Mis en cause
The Suburban
(Jim Duff, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
Trois syndicats (
la Centrale des syndicats du Québec, la
Confédération des syndicats nationaux, la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec ), le Mouvement national des québécoises et québécois,
l’Union des écrivaines et écrivains québécois et la Société Saint-Jean-Baptiste
de Montréal portent plainte contre The
Suburban et son rédacteur en chef Jim Duff
, pour avoir rapporté des propos mensongers et diffamatoires dans
un article intitulé « October 1970: Do you really remember? » paru le 11
octobre 2000.
Griefs du plaignant
Pour l’avocat des
différents organismes Daniel Paquin, The
Suburban aurait tenu des propos erronés, qui atteindraient à leurs
réputations ainsi qu’à celles de leurs membres. L’article mis en cause serait,
en raison des propos tenus et du procédé journalistique utilisé, « un exercice
mensonger et offensant sur les positions des plaignants » quant à l’enlèvement
et à la mort de M. Pierre Laporte. En effet, le journal insinuerait à tort que
les plaignants qualifient de héros des personnes impliquées dans les actions du
FLQ. Daniel Paquin rapporte que la FTQ et la CSN ont vivement condamné le FLQ et
s’en sont dissociées le 18 octobre 1970 par une déclaration publique.
L’attitude du journal est donc inexcusable et porte préjudice aux différents
organismes.
Commentaires du mis en cause
L’article mis en cause
a été publié dans la page « Opinion » du Suburban
et se voulait une réponse aux publicités payées par les plaignants et publiées
dans différents journaux, notamment dans The
Gazette le 6 octobre 2000. Jim Duff,
rédacteur en chef, tient à signaler que politiciens et journalistes ont
tous des interprétations différentes de la crise d’octobre 1970. A ce sujet, il
mentionne le Rapport sur les événements d’octobre 1970 par maître
Jean-François Duchaîne publié par le ministère de la Justice en 1981.
Il critique le fait que
dans leurs publicités, les plaignants aient soutenu que 8 000 soldats canadiens
occupaient le Québec et que cette occupation était sans précédent. Or, il
rappelle que les troupes canadiennes étaient déjà intervenues en 1942 et qu’en
1970, elles l’ont fait à la demande de Robert Bourassa et du maire de Montréal,
Jean Drapeau. De la même façon, la conclusion des différents organismes, comme
quoi le but inavoué de toutes les arrestations était d’atteindre à leur dignité
et à leurs idéaux, ne correspond pas à la thèse soutenue par le gouvernement du
Québec.
Étant donné que les
plaignants ont financé la parution de leur point de vue,
The Suburban a jugé qu’il était d’intérêt public de présenter un
avis divergent. De plus, le journal a offert un droit de réplique à plusieurs
reprises aux plaignants. Jim Duff estime que ces derniers n’ont qu’à
l’utiliser. Enfin, le rédacteur en chef ajoute que nulle part l’article n’a
mentionné une quelconque position des plaignants à l’égard de l’enlèvement et
de la mort de M. Pierre Laporte.
Réplique du plaignant
Pour M. Paquin, l’article du
Suburban ne réfère à aucun moment à la publicité publiée par les
plaignants dans The Gazette le 6
octobre 2000. Il soutient que rien dans la déclaration du 6 octobre ne
permettait de conclure que les plaignants considéraient les membres du FLQ
impliqués dans l’enlèvement et le meurtre de M. Laporte comme des martyrs ou
des héros. En effet, M. Paquin rappelle que ses clients ont vivement condamné
les moyens utilisés par le FLQ lors des événements d’octobre 1970.
Analyse
L’éditorial et le commentaire se distinguent de l’information brute en ce qu’ils constituent des tribunes réservées soit à l’éditeur, soit à l’éditorialiste, soit au commentateur pour qu’ils expriment leurs convictions, leurs tendances et leurs points de vue […]. Comme tous les professionnels de l’information, ils doivent être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur et d’intégrité intellectuelles dans l’évaluation des situations qu’ils commentent.
C’est au nom de ce principe déontologique que le journal pouvait librement publier une opinion différente de celle des plaignants. En revanche, le Conseil ne peut que lui reprocher de n’avoir fait aucune référence précise aux publicités publiées, alors qu’il nommait les différents organismes et s’attaquait à chacune de leurs idées.
De la même façon, il apparaît que The Suburban a largement déformé les faits contenus dans l’opinion des plaignants. Ainsi, en sous-titrant les photos des individus impliqués dans les actions du FLQ d’octobre 1970 avec la phrase : « This page is a rebuttal of the egregious lies and self-serving propaganda sponsored by […] », le journal aurait interprété la critique des plaignants concernant les arrestations arbitraires comme un soutien aux membres du FLQ.
Cette déformation des opinions des plaignants apparaît comme une accusation gratuite de la part du journal, ce qui a pu atteindre à la réputation et à la crédibilité des différents organismes et de leurs membres.
En revanche, The Suburban a proposé à plusieurs reprises d’ouvrir ses pages afin que les plaignants puissent exprimer leurs opinions sur les événements d’octobre 1970. Or, le Conseil regrette que les plaignants n’aient jamais saisi cette occasion, afin de régler leurs différends.
Pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil retient un blâme contre The Suburban pour avoir déformé les faits et ainsi nui à la réputation des plaignants. Toutefois, il invite ces derniers à user du droit de réplique offert par le mis-en-cause, afin de donner leur opinion et de réparer le préjudice causé auprès du lectorat du journal.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C11F Titre/présentation de l’information
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image