Plaignant
Dr Patrick Veret
Mis en cause
Annie Fernandez, journaliste et Le
Journal de Montréal (Paule Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef)
Résumé de la plainte
Le Dr Patrick Veret porte plainte
contre Le Journal de Montréal et la journaliste Annie Fernandez à propos
de deux articles parus respectivement dans les éditions du 29 et du 30 juillet
2000. La journaliste se serait servi du fait que M. Veret a appartenu à un
ordre templier durant les années 1989 à 1992 ainsi qu’à un mouvement à
caractère ésotérique, l’Énergo Chromo Kinese (ECK), pour diffuser des propos
erronés ou non pertinents, qui porteraient atteinte à la crédibilité du
plaignant en tant que médecin et ainsi qu’à la réputation des produits du
laboratoire NEOM.
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche au Journal
de Montréal d’avoir mis en cause le sérieux du laboratoire pour lequel il
travaille, en faisant l’amalgame de sa vie professionnelle actuelle de médecin
et de chercheur avec sa vie privé passée où, dans les années 1989 à 1992, il a
fait partie d’un ordre templier.
Il s’étonne tout d’abord qu’Annie
Fernandez ait pris au sérieux tout ce qu’avançait une lettre anonyme reçue à
son sujet, sans avoir vérifié au préalable les renseignements. De plus, selon
lui, certaines informations détenues par la journaliste étaient, sans aucun
doute possible, issues de l’ordinateur qui lui avait été volé quelque temps
plus tôt.
La journaliste aurait à plusieurs
reprises avancé, sans preuve à l’appui, que le Dr Veret connaissait messieurs
Jouret et Di Mambro, fondateurs de l’Ordre du Temple Solaire. À ce propos, elle
aurait faussement attribué ces informations à Mme Tavernier, présidente de
l’UNADFI, un centre d’information français sur les mouvements sectaires. M.
Veret reproche aux articles du Journal de Montréal d’avoir diffusé une
autre nouvelle erronée en avançant qu’il était l’un des fondateurs de l’Énergo
Chromo Kinese.
Enfin, le Dr Veret regrette que le
quotidien ait publié un second article sans faire les rectifications qui
s’imposaient, alors que la journaliste et le quotidien possédaient la preuve de
leurs erreurs.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Paule
Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef :
La rédactrice en chef avance que
tous les renseignements et documents transmis par la source anonyme ont été
vérifiés, comme les photos montrant Patrick Veret au cours d’une cérémonie de
l’Énergo Chromo Kinese.
Elle rappelle aussi qu’une étude
produite par l’Assemblée nationale française en 1999 affirme que M. Veret s’est
adonné à des activités sectaires, notamment en fondant le mouvement de l’Énergo
Chromo Kinese. Le rapport soutient qu’après son divorce, ses activités
sectaires ont pris une nouvelle forme sous le couvert de la société NEOM. Il
aurait aussi fait l’objet de plusieurs redressements financiers.
De plus, alors que M. Veret avait
nié avoir pris part à des activités sectaires devant la journaliste, il a
reconnu au téléphone avoir été actif dans l’Énergo Chromo Kinese. Info-Secte à
Montréal et l’UNADFI en France ont, quant à eux, fait parvenir au journal des
documents prouvant les activités sectaires de Patrick Veret. Et contrairement à
ce qu’a affirmé Mme Tavernier plus tard, le Journal de Montréal n’a
jamais écrit que celle-ci avait attesté d’un lien entre le plaignant et
messieurs Jouret et Di Mambro.
Lors d’une rencontre à Blainville,
M. Veret a été informé verbalement de l’existence d’une source anonyme et des
documents que les mis-en-cause avaient reçus. La journaliste ne lui aurait pas
alors donné plus de détails afin de protéger sa source.
Enfin, Annie Fernandez a fait des
recherches auprès de pharmacies et de Santé Canada avant d’apprendre que les
produits NEOM étaient homologués. C’est dans ce cadre qu’elle a interviewé une
certaine Micheline, qui a décidé de lui expliquer la dimension psychologique
des traitements NEOM. M. Veret a prétendu que cette femme n’était pas habilitée
à parler des produits, alors que celle-ci est une préposée de Nutri-Om, un des
distributeurs des produits NEOM au Canada.
Réplique du plaignant
M. Veret reproche aux commentaires
de Mme Beaugrand-Champagne de ne pas répondre à la plainte et notamment au
point concernant des propos diffamatoires. Pour lui, la journaliste aurait
tenté de tromper le lecteur en inventant certains faits de toutes pièces et en
en mélangeant d’autres n’ayant aucun rapport.
Il s’attendait à ce que la
journaliste se rétracte après le premier article, ayant tous les documents en
main qui prouvaient ses erreurs. Or, celle-ci a recommencé ses allusions en
reprenant en otage Mme Tavernier.
Le plaignant reconnaît avoir
appartenu à un ordre templier pour une recherche spirituelle personnelle et ne
critique pas les photos. Seulement son activité n’a duré que de 1989 à 1992. Il
ne comprend donc pas le rapport fait avec le laboratoire, pour lequel il
travaille actuellement et qui commercialise les produits depuis 1985. Il
remarque aussi que la rédactrice en chef s’est contredite dans ses commentaires
en affirmant qu’aucun article n’avait avancé que le Dr Veret connaissait Luc
Jouret ou Di Mambro. Cette affirmation tentait une nouvelle fois de nuire aux
produits.
M. Veret certifie que les produits
NEOM sont issus d’une recherche réalisée à la faculté d’Orsay et qu’ils n’ont
aucune dimension ésotérique. Si la journaliste avait fait l’effort de venir
assister à ses cours sur le sujet ou si elle en avait demandé le programme,
elle aurait constaté son erreur.
Le plaignant affirme que le rapport
de l’Assemblée nationale [française] confond ses occupations avec celles de son
ex-femme, qui a continué ses activités sectaires. Or, il était du devoir de la
journaliste de vérifier ses informations avant de les publier. De plus, Annie
Fernandez était au courant d’une nouvelle société en formation, alors que ce
projet n’existait que sur l’ordinateur volé. Il tient aussi à souligner que,
lorsque la journaliste est venue l’interviewer par surprise, elle n’était pas
intéressée par sa version, puisqu’elle possédait déjà, grâce à sa source, tous
les éléments nécessaires à son article.
Enfin, le Dr Veret précise que NEOM
n’a jamais fait l’objet d’un redressement financier. Il fait remarquer que
l’article diffamatoire du journal n’est pas la première tentative de discrédit
à son égard. En effet, des actions semblables ont déjà été entreprises en
France sous la forme de coups de téléphone anonymes ou même de photomontages envoyés
à ses clients.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent, de façon générale, mentionner la source ou la provenance de leurs informations et prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de leur crédibilité et pour vérifier l’authenticité des renseignements qu’ils en tirent.
Le recours à des sources non identifiées ou « anonymes » est parfois nécessaire et légitime dans certains cas. Les médias et les journalistes doivent cependant le mentionner et s’assurer que ces « sources anonymes » ne sont pas des subterfuges pour manipuler l’opinion publique.
Pour ces raisons, la journaliste devait vérifier ses informations et les identifier comme étant issues d’une source anonyme. De la même façon, elle se devait d’aller chercher la version de M. Veret dès son premier article afin de confronter les différents points de vue.
M. Veret reprochait à Annie Fernandez d’avoir diffusé des informations erronées. À cet égard, l’examen de la plainte révèle que la journaliste s’est appuyée effectivement sur certains faits, mais que ces faits n’ont pas tous résisté à un examen plus poussé.
Par exemple, la journaliste avait affirmé que M. Veret connaissait messieurs Jouret et Di Mambro, en le justifiant par les propos de Mme Tavernier, présidente de l’UNADFI. Or, Mme Tavernier a attesté plus tard, par écrit, qu’elle n’a jamais affirmé cela.
Concernant la création de l’ECK par M. Veret ainsi que la poursuite de ses activités sectaires dans les laboratoires NEOM et les redressements judiciaires subis par ce laboratoire, le Conseil remarque que ces erreurs ne sont pas une invention de la journaliste. Celle-ci a, en effet, repris tels quels ces renseignements contenus dans un rapport officiel de l’Assemblée nationale française que contestait cependant M. Veret depuis longtemps.
Une certaine Micheline avait affirmé en entrevue que les produits NEOM avaient un caractère ésotérique. Cette dame ne travaillait pas pour les laboratoires directement. Si la journaliste pouvait utiliser ce témoignage dans son article, elle ne pouvait en tirer une généralisation.
Or, la journaliste n’apparaît pas avoir interrogé sur ces sujets la première personne concernée, Patrick Veret, et lui avoir présenté ses preuves lorsqu’elle l’a rencontré. Si elle l’avait fait, elle aurait pu apprendre avant la publication de son premier article la contestation qu’il faisait du rapport parlementaire et des réponses reçues, ainsi que de sa dénégation catégorique de ses relations avec Di Mambro et Jouret.
En contrepartie, il est apparu au Conseil qu’Annie Fernandez ne pouvait savoir que certaines de ses informations provenaient du produit d’un vol.
Ayant obtenu par M. Veret après la parution de son premier article la preuve de leurs erreurs, les mis-en-cause se devaient de publier une rectification. Au lieu de cela, la journaliste n’a effectué qu’un montage des passages de la lettre de contestation envoyée par M.Veret avec des commentaires de son cru, et ce, sans faire aucunement état des preuves fournies.
Une règle déontologique veut qu’en ce qui a trait à la nouvelle, au reportage et à l’analyse, les médias et les professionnels de l’information s’en tiennent à rapporter les faits et à les situer dans leur contexte sans les commenter.
Même si Annie Fernandez pouvait rappeler le passé sectaire du DrVeret, la journaliste n’aurait jamais dû le présenter comme un personnage dangereux sans preuve à l’appui. Ainsi, les photos de ses anciennes activités en couverture du journal devenaient sensationnalistes, puisqu’elles associaient systématiquement son passé à son travail actuel, et un passé dont plusieurs informations se sont avérées inexactes. Les deux articles tendaient donc davantage à discréditer le Dr Veret et ses produits, qu’à informer le public d’un possible danger sectaire.
Pour ces raisons, le Conseil retient la plainte du DrPatrick Veret contre le Journal de Montréal et la journaliste Annie Fernandez.
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C11F Titre/présentation de l’information
- C13B Manipulation de l’information
- C13C Manque de distance critique
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C17 Respect des personnes
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17G Atteinte à l’image
- C19A Absence/refus de rectification
- C19B Rectification insatisfaisante
- C23I Violation de la propriété privée