Plaignant
Max Mahi
Mis en cause
Abdherrahim Khouibaba, journaliste,
et le Maghreb Observateur
Résumé de la plainte
M. Max Mahi porte plainte contre un
article paru dans le magazine Maghreb Observateur, édition de janvier 2001.
L’article en question publié à la une du journal est signé par Abdherrahim
Khouibaba et est intitulé « Chambre de commerce marocaine au
Canada: Farce ou imposture ».
Griefs du plaignant
Avant d’exposer sa plainte, M. Mahi
précise qu’il est le président de la Chambre de Commerce Canada-Maroc, un
organisme qui avait complètement cessé ses activités jusqu’à ce que des gens
d’affaires s’y intéressent et la relancent en janvier 2001. Le plaignant en est
le président provisoire.
Afin de bien illustrer les propos
dénigrants envers lui et son organisme, le plaignant relève que le journaliste
a désigné son organisme sous le nom de » Chambre de commerce marocaine au
Canada « . De plus, il a dépeint l’ex-président de l’organisme » comme
un escroc, un fraudeur, une imposture « . Ce portrait serait d’autant plus
important pour le plaignant que le mis-en-cause » l’identifie clairement à
cette personne « .
M. Mahi demande ensuite de quel
droit le journaliste a fait enquête sur lui, diffusant de fausses informations,
sans preuve, portant ainsi atteinte à sa réputation et à ses affaires. Pour le
plaignant, il s’agit de demi-vérités, de fausses allégations, de mensonges, de
haine et de propos diffamatoires.
M. Mahi indique que sans code
d’éthique et sans respect pour le métier de journaliste, Abdherrahim Khouibaba
annonce qu’il continuera ses propos diffamatoires et qu’il invite les lecteurs
à le faire avec lui. Cette manœuvre servirait les intérêts de personnes qui
sont associées au journaliste. Pour le plaignant, donc, ce manque de
professionnalisme jette un discrédit sur toute la profession en plus de ternir
la réputation d’honnêtes gens.
Commentaires du mis en cause
Après avoir précisé que le
plaignant ne s’appelle pas Max Mahi mais bien Mohamed Mahi, le journaliste
répond qu’il ne voit pas ce que le plaignant lui reproche.
M. Khouibaba dit n’avoir trouvé
nulle part de mention que le plaignant est réellement associé à M.Bernard
Landry, même si le plaignant prétend que grâce à cette association il a pu
obtenir un montant de 200 millions de dollars pour investir au Maroc. Le
journaliste dit en avoir fait la vérification auprès du bureau de M. Landry. Ce
montant de 200 millions n’existerait que dans la tête de M. Mahi. De même en
est-il de la découverte, par des associés du plaignant, d’un médicament contre
le cancer.
M. Khouibaba ajoute que concernant
une demande de prêt de 30 millions de la Banque Centrale Populaire du Maroc,
une plainte aurait été déposée par le directeur de cette banque auprès de la
police de la communauté urbaine de Montréal pour harcèlement. Le journaliste
n’aurait trouvé nulle part que le plaignant était propriétaire d’une entreprise
de 250 employés.
Le journaliste poursuit la liste
des vérifications qu’il a faites sans succès, notamment celle concernant la présence
de sa femme au C.A. de la chambre de commerce et celle à l’effet que son frère
est le conseiller de S. M. Mohammed VI, roi du Maroc.
M. Khouibaba indique que l’objectif
de son article était de redresser une situation qui était devenue insupportable
pour plusieurs personnes que le plaignant avait harcelées ou à qui il avait
tenté de soutirer de l’argent ou d’autres avantages. Le journaliste considère
que cette plainte est une tentative d’intimidation visant à l’empêcher de
publier le reste de son article. Il mentionne ensuite d’autres tentatives
d’intimidation de la part du plaignant.
Le mis-en-cause termine sa réponse
par des commentaires au sujet de la » soi-disant Chambre de commerce
» et du président fondateur de l’organisme, M. Malka, qui ferait des
affaires douteuses à l’aide de cartes d’affaires de l’organisme.
Réplique du plaignant
M. Mahi déplore que M. Khouibaba
continue à mener une enquête sur lui ainsi que sur son entourage. Il dit
maintenir » son inquiétude face à une telle arrogance puisque malgré une
plainte officielle, le journaliste continue son harcèlement et maintient ses
propos diffamatoires « .
Le plaignant tente de réfuter les
commentaires du journaliste. Il considère que ses affaires menées avec la
Banque Centrale Populaire du Maroc à Montréal sont du domaine privé et que la
confidentialité était de mise. Il demande donc de quel droit le journaliste
s’intéresse à ses affaires. M. Mahi précise que son projet avec cette banque
était de 6 millions et non de 30 millions de dollars canadiens, et qu’il
s’agissait d’un projet de fabrication de circuits imprimés au Maroc.
Le montant mentionné de 200
millions à investir au Maroc aurait dû être de 100 millions de dollars US pour
deux projets. Le journaliste qui fait enquête sur le plaignant serait «
hors propos », publiant de fausses informations qui nuisent à sa
réputation et à celle de son entourage.
M. Mahi continue ses précisons de
rectification, mentionnant que M. Bernard Landry a déjà été son professeur à
l’université mais qu’en aucun temps il n’a été associé au projet. Concernant
des vérifications pour savoir s’il avait été propriétaire d’une entreprise de
250 employés, il demande pourquoi le journaliste a appelé au bureau du Premier
ministre pour savoir cela. Il rétorque qu’il a été actionnaire d’une compagnie
de 125 employés jusqu’en novembre 2000, mais que cela n’est d’aucun intérêt
pour le lecteur. Il affirme pouvoir fournir les preuves de toutes ses
affirmations.
Alors que le journaliste invoque la
volonté de » redresser une situation qui est devenue insupportable pour
plusieurs personnes, le plaignant fait observer que dans le numéro de février
du Maghreb Observateur le journaliste indique qu’il est lui-même à la
tête de la » Chambre de commerce et d’industrie Al Maghreb au Canada
« , un organisme qui n’existerait pas selon Industrie Canada. Il explique
donc l’animosité de M. Abdherrahim Khouibaba par son désir de s’approprier la
Chambre de Commerce Canada-Maroc.
À l’accusation d’avoir harcelé ou
tenté de soutirer de l’argent ou des avantages de différentes instances
marocaines ou africaines, il réfute ces informations en disant qu’il a consulté
Royal Air Maroc et le Consul général pour savoir ce qu’il en était et que ces
gens ne s’associeraient aucunement aux propos du journaliste. En conséquence,
il invite M. Khouibaba à amener les autres entreprises à s’expliquer.
Il ajoute qu’une plainte aurait été
déposée à la police de Rosemère contre le représentant de la Banque Centrale
Populaire du Maroc à Montréal et contre l’ex-directeur général de Afriquia gaz.
Il termine en ajoutant qu’il ne connaît pas le Monsieur Malka dont parle le
journaliste et se demande si le journaliste a vraiment les preuves de
l’escroquerie de 180 000 $ US.
Analyse
Le cas soumis à l’attention du Conseil de presse révèle une opposition vive entre plaignant et mis-en-cause, opposition qui s’est manifestée autant dans la présentation des griefs que dans la défense du journaliste. La présente décision ne vise cependant pas à prendre parti dans un différend entre individus, mais à établir la conformité d’une pratique professionnelle à la déontologie journalistique.
Comme le Conseil de presse l’a déjà énoncé, l’auteur d’un article de magazine jouit d’une latitude assez large pour exprimer son opinion, voire ses critiques, dans la mesure où son texte ne présente pas de faute en regard de l’exactitude des faits, de la rigueur et de l’équilibre des points de vue.
En regard de l’exactitude, l’examen de la plainte révèle que M. Mahi n’a pas fait la démonstration que les informations publiées sur le compte de M. Malka étaient fausses. Ce grief ne peut donc être retenu. En contrepartie, le journaliste n’a pas fait, dans son article, de démonstration évidente d’un lien permettant d’associer les comportements de M. Malka à ceux de M.Mahi, ni que la mise en place de la nouvelle chambre de commerce s’était faite de façon incorrecte ou par des gens malhonnêtes.
Concernant le droit du journaliste de faire enquête sur le plaignant, compte tenu des antécédents attachés – à tort ou à raison – à la réputation de l’ancienne chambre de commerce Maroc-Canada et à celle de son ex-dirigeant, et considérant les présumées plaintes de harcèlement portées contre le plaignant, le journaliste était tout à fait légitimé de faire cette recherche que lui permettait d’ailleurs la liberté professionnelle. Il s’agissait en outre ici d’un sujet d’intérêt public.
Au sujet de diverses déclarations qui auraient été faites par M. Mahi mais dont le journaliste disait ne pas avoir pu établir la véracité, le Conseil estime que devant les versions contradictoires et la faiblesse des démonstrations du plaignant, il devient impossible de trancher sur ces questions et de retenir un grief à cet égard.
En revanche, rien n’indique que le journaliste n’ait effectué de démarche pour recueillir la version du premier intéressé, M. Max Mahi, celui sur qui portait la majorité des allégations de l’article.
Le plaignant avait dénoncé, par ailleurs, le fait qu’un mois après la parution de l’article en cause, le directeur du Maghreb Observateur s’était retrouvé lui aussi à la tête d’une chambre de commerce, mais concurrente; une manœuvre servant l’intérêt des personnes qui lui sont associées.
Le Conseil a maintes fois dénoncé des situations qui prennent l’apparence de conflit d’intérêts. Dans l’exercice de leur fonction, les professionnels de l’information ne doivent pas se faire les publicistes ou les promoteurs des mouvements dans lesquels ils militent même si, dans les faits, ils transmettent l’information d’une façon adéquate et rigoureuse.
Le Conseil considère cependant que, dans le présent cas, nul ne saurait, sans tomber dans le procès d’intention, affirmer hors de tout doute qu’au moment d’écrire l’article, le journaliste savait qu’il allait diriger cette nouvelle chambre de commerce. Au moment de la publication, cette chambre de commerce n’avait pas vu le jour. Techniquement, elle n’existait pas et le conflit d’intérêts n’existait pas non plus.
Le Conseil tient en revanche à préciser qu’un professionnel de l’information ne peut agir à la fois comme journaliste et président d’une chambre de commerce. Or, le mis-en-cause se retrouve aujourd’hui dans une position où il assume des fonctions totalement incompatibles pour un professionnel de l’information.
Au terme de son examen, le Conseil a donc relevé des manquements aux responsabilités professionnelles en regard de deux principaux aspects, soit la rigueur et l’équilibre de l’information. En conséquence, le Conseil de presse ne peut que retenir la plainte contre le journaliste Abdherrahim Khouibaba et à son média, le Maghreb Observateur, sur la base de ces deux éléments de griefs.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C11B Information inexacte
- C15D Manque de vérification
- C15E Fausse nouvelle/information
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C22F Liens personnels
- C22H Détourner la presse de ses fins