Plaignant
Ministère de l’Emploi et de la
Solidarité sociale (Paul Gagnon, directeur des communications)
Mis en cause
Pierre-Jean Séguin, journaliste et Le
Groupe TVA ( » J.E. » Nadia Jawhar, rédactrice en chef déléguée)
Résumé de la plainte
M. Paul Gagnon porte plainte contre
un reportage de l’émission » J.E. » diffusée sur les ondes de TVA
le 6 avril 2001 traitant du retour au Québec de deux prestataires de l’aide
sociale qui s’adonnaient au tourisme sexuel en République Dominicaine.
Griefs du plaignant
Le plaignant accuse le journaliste
Pierre-Jean Séguin d’avoir utilisé certains moyens allant à l’encontre de
l’éthique journalistique en enregistrant une conversation téléphonique à l’insu
de M. Marc Lortie, responsable des relations avec les médias au ministère de
l’Emploi et de la Solidarité sociale, et en en diffusant certains extraits
durant le reportage de » J.E. « .
Commentaires du mis en cause
Après avoir fait état des principes
journalistiques d’exactitude, d’honnêteté et d’intégrité qui ont prévalu lors
de la réalisation du reportage de » J.E. » et rappelé
l’utilité du journalisme d’enquête, Mme Jawhar évoque le sujet du reportage en
cause, qui portait sur la possibilité pour des prestataires de l’aide sociale
de séjourner plusieurs mois à l’étranger tout en bénéficiant de leurs
prestations. Alors qu’ils effectuaient du tourisme sexuel en République
Dominicaine, deux prestataires de l’aide sociale avaient touché des prestations
sociales pendant leur séjour à l’étranger.
Mme Jawhar précise que le reportage
de » J.E. » donnait suite à un reportage diffusé sur les ondes de TVA
le 16 mars 2001, au moment où ces prestataires d’aide sociale se trouvaient
en République Dominicaine.
Concernant le grief porté à l’égard
du reportage de » J.E. « , Mme Jawhar en réfère à la jurisprudence du
Conseil de presse qui reconnaît que » les enregistrements clandestins
peuvent constituer une pratique légitime dans le cadre du journalisme de
consommation […] « . Elle se rapporte également à l’article 36(5) du
nouveau Code civil du Québec, qui précise que l’on peut enregistrer la voix de
quelqu’un pour les fins de l’information légitime du public.
Réplique du plaignant
Le plaignant réitère ses
accusations contre l’émission » J.E. » et le journaliste Pierre-Jean
Séguin.
M. Gagnon désapprouve que le
journaliste Pierre-Jean Séguin n’ait pas informé M. Lortie que ses commentaires
lors d’une conversation téléphonique étaient enregistrés. Selon le plaignant,
« lorsque le responsable des relations avec les médias répond qu’il
ne donne pas d’entrevue, cela signifie qu’il ne veut pas que sa voix et ses
commentaires soient diffusés en ondes. Il nous semble que cela va de soi
« . Et de rappeler que M. Lortie avait déjà donné une entrevue à la caméra
lors du premier reportage présenté le 16 mars 2001. En revanche, » pour ce
qui est du second reportage […], nous avons évalué qu’il n’était pas
pertinent de donner une autre entrevue « .
En outre, contrairement à ce
qu’affirme Mme Jawhar, M. Gagnon prétend que l’enregistrement des propos de M.
Lortie ne constituait nullement » une mesure de dernier recours «
pour faire connaître à la population la position du ministère puisque «
M.Séguin aurait très bien pu reprendre lui-même les commentaires de M.
Lortie dans son reportage « .
Analyse
L’attention que les médias et les professionnels de l’information décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter leur
appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Dans le cas précité, le plaignant déplorait l’utilisation faite de certains moyens allant à l’encontre de l’éthique journalistique dans la réalisation du reportage de » J.E. « . Concernant la diffusion d’un enregistrement présumé » clandestin » lors de l’émission » J.E. « , le plaignant se référait à la déontologie du Conseil qui proscrit ce genre de méthode. Dans le cas présent, le Conseil constate que la diffusion sur TVA de certaines bribes de conversation entre M. Lortie et le journaliste Pierre-Jean Séguin se limitait à des propos qui ne portaient nullement atteinte à l’image du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. De plus, quand le responsable des communications d’un organisme s’entretient au téléphone avec un journaliste, il doit normalement s’attendre à ce que la conversation fasse l’objet d’un enregistrement. En règle générale, le Conseil n’en recommande cependant pas moins aux journalistes la plus grande transparence à cet égard.
Le Conseil rappelle que les enregistrements clandestins peuvent constituer une pratique légitime dans le cadre du journalisme de consommation. Toutefois, le Conseil estime ici que les propos de M. Lortie, diffusés à l’antenne, n’étaient pas essentiels au contenu du reportage, apparaissant comme de simples éléments de » scénarisation « .
Cela dit, tant du point de vue de la recherche d’informations que de celui de l’exposition des faits, l’émission » J.E. » et le journaliste Pierre-Jean Séguin se sont conformés, dans l’ensemble, aux exigences de rigueur et d’impartialité de mise dans tous les genres journalistiques, y compris dans le journalisme d’enquête.
Au regard des considérations précédentes, le Conseil de presse rejette la plainte contre l’émission « J.E. » et le journaliste Pierre-Jean Séguin.