Plaignant
Association des citoyens et
citoyennes du Plateau Mont-Royal (Yves Chartrand)
Mis en cause
Éric Trottier, Michèle Ouimet,
Richard Hétu, journalistes, et La Presse (Marcel Desjardins, vice-président
et éditeur adjoint)
Résumé de la plainte
Au nom de l’Association des
citoyens et citoyennes du Plateau Mont-Royal, M. Yves Chartrand porte plainte
contre La Presse au sujet du traitement accordé à l’affaire Chèvrefils,
soit le projet immobilier de construction de logements et d’agrandissement du
supermarché Métro de l’avenue Laurier.
Griefs du plaignant
Selon M. Chartrand, l’article de M.
Éric Trottier faisant suite au jugement du juge Décarie à propos de l’affaire
Chèvrefils (jeudi 29 mars 2001), l’éditorial de Mme Michèle Ouimet intitulé
« Les ayatollahs du Plateau » (jeudi 5 avril), ainsi que
l’article de M. Richard Hétu du dimanche 15 avril, » ont grandement causé
préjudice à la réputation des personnes impliquées et à l’Association des
citoyens et citoyennes du Plateau Mont-Royal « .
Le plaignant réprouve » la
campagne de dénigrement de la part du journal La Presse » et
précise que » nous n’avons cherché qu’à défendre nos intérêts de résidents
du Plateau qui ont été ou seront lésés par la réalisation de ce projet « .
Il fustige également l’absence de droit de réponse qui témoignerait, d’un
» parti pris unilatéral en faveur de deux acteurs dans cette affaire, soit
la famille Chèvrefils et la Ville de Montréal « . M. Chartrand conclut en
se demandant si les articles » méprisants » des journalistes Éric
Trottier et Richard Hétu ainsi que l’éditorial » déchaîné » de Mme
Ouimet ne reflètent pas les » valeurs dominantes » du journal La
Presse, » appartenant à l’empire de Power Corporation « .
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Michèle Ouimet et
Éric Trottier, journalistes :
En premier lieu, Michèle Ouimet
répond à Yves Chartrand à propos de la plainte adressée contre l’éditorial
» Les ayatollahs du Plateau « . Mme Ouimet fait la nuance entre son
travail de journaliste et les papiers qu’elle avait précédemment écrit sur
l’histoire du métro Chèvrefils, et son éditorial : » à l’éditorial c’est
différent. Nous écrivons des textes d’opinion « . Elle affirme avoir fait
preuve de discernement et d’impartialité : » J’ai souvent dénoncé dans mes
éditoriaux l’insensibilité du maire Bourque en matière d’urbanisme. Mais je
trouvais que dans le dossier Chèvrefils, l’administration Bourque avait fait
ses devoirs et n’avait rien à se reprocher « . Mme Ouimet précise
» qu’en traitant les citoyens d’ayatollahs, je voulais faire ressortir
leur intolérance -voire leur intégrisme- dès qu’il est question de sortir un
marteau ou de construire un bâtiment à Montréal « .
Le journaliste Éric Trottier répond
à M. Yves Chartrand à propos de l’article paru dans La Presse le jeudi
29 mars 2001. M. Trottier explique que s’il s’est » contenté de reprendre
les arguments du juge « , c’est parce qu’il s’agissait d’un jugement et que
la décision d’un tribunal constitue en soi une nouvelle : » Il s’agissait
pour moi de rapporter un jugement, comme on le fait régulièrement dans nos
pages de journaux « .
À l’accusation de partialité
formulée par le plaignant à son encontre, M. Trottier réplique que
« [son] article est équilibré » et » qu’il a exprimé tous
les points de vue, même s’il se consacre surtout au jugement d’un tribunal, ce
qui faisait la nouvelle de ce jour-là « . Après avoir signalé les passages
de l’article dans lesquels il en réfère aux différents protagonistes, le
journaliste soutient » qu’il est donc faux de prétendre, comme le fait M.
Chartrand, » qu’à aucun moment la parole n’a été accordée aux plaignants
dans cette cause pour exprimer leurs points de vue « .
M. Trottier précise enfin «
qu’il serait utile de rappeler que depuis un an, La Presse a consacré
pas moins d’une quinzaine de reportages sur l’agrandissement du Métro
Chèvrefils, dont une dizaine au moins portaient principalement sur les
arguments des… opposants « . À cet égard, Éric Trottier joint à sa
réponse différents articles parus dans La Presse et traitant de
l’affaire Chèvrefils.
Réplique du plaignant
Concernant la réponse d’Éric
Trottier, M. Chartrand reconnaît » qu’il a en effet fait place dans son
article aux réactions des requérants dans la cause en citant les commentaires
de Mme Bednarsky ». Le plaignant déplore néanmoins » son
omission totale des commentaires contenus dans le communiqué de presse qui lui
était acheminé quelques minutes après l’entrevue « .
En ce qui concerne les commentaires
de Mme Ouimet, s’il admet la nuance faite entre le travail de la journaliste et
celui de l’éditorialiste, le plaignant réprouve cependant » l’attitude du
journal qui, à aucun moment dans sa rubrique d’opinion des lecteurs, n’a fait
place aux opinions contraires des résidents et résidentes du quartier […]
« . M. Chartrand dénonce plus précisément « l’attitude du
quotidien La Presse, dans un cas précis comme celui de l’éditorial
» Les ayatollahs du Plateau « , de ne publier les répliques de ses
lecteurs que sur son site Internet, alors que, estimons-nous, ces répliques
auraient dû trouver place dans les pages imprimées du quotidien « .
Analyse
L’attention que les médias et les professionnels de l’information décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Dans le cas précité, le plaignant réprouvait la campagne de dénigrement de la part du journal La Presse, occasionnée selon lui par un traitement partial de l’affaire Chèvrefils. Il déplorait également un manquement à l’égard du droit de réponse du public et regrettait que les répliques des lecteurs faisant suite à l’éditorial intitulé » Les ayatollahs du Plateau » n’apparaissent que sur le site Internet du journal La Presse.
L’analyse a permis au Conseil d’envisager l’ensemble du traitement de l’affaire Chèvrefils par La Presse et rien ne permet de conclure à un parti pris défavorable à la cause de l’Association des citoyens et citoyennes du Plateau Mont-Royal.
En s’appuyant sur les faits et au regard du principe de la liberté de jugement rédactionnel, le Conseil de presse ne retient pas l’allégation de partialité à l’encontre du journal La Presse.
Considérant ce même principe de la liberté de jugement rédactionnel, le Conseil souligne que le choix des publications émanant du public dépend de la politique rédactionnelle des organes d’information et que nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal ou aux ondes des stations de radio et de télévision.
Le Conseil rappelle d’ailleurs que La Presse a consacré plusieurs articles au traitement de l’affaire Chèvrefils et en réfère, à titre d’exemple, au texte de M. Trottier daté du 21 juin 2000, dans lequel il cite abondamment M. Chartrand et lui donne la parole à plusieurs reprises.
À l’aune de ces considérations, le Conseil de presse rejette la plainte contre le journal La Presse et les journalistes Éric Trottier, Michèle Ouimet et Richard Hétu.
Analyse de la décision
- C07C Entrave à la diffusion d’un communiqué
- C13A Partialité