Plaignant
Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec (Pierre Valois, président et Laurent McCutcheon, vice-président)
Mis en cause
Roger-Luc Chayer et le magazine Le Point, le site Internet Le National et le Conseil de Presse Gai du Québec
Résumé de la plainte
Les deux plaintes visent M. Roger-Luc Chayer et des groupes ou des entreprises au sein desquels celui-ci est impliqué. Les plaintes sont portées par la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec et deux de ses dirigeants. Elles concernent des prises de position des mis-en-cause à l’égard des plaignants, prises de position apparaissant inacceptables à leurs yeux.
Griefs du plaignant
PLAINTE CONTRE LE CONSEIL DE PRESSE GAI DU QUéBEC, LE MAGAZINE LE POINT ET CONTRE ROGER-LUC CHAYER – (Plainte 2001-05-079)
Les plaignants rappellent d’abord certains faits à l’origine de la plainte : La Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec a eu recours à l’organisme « Normes canadiennes de la publicité » pour une plainte sur le caractère discriminatoire d’une publicité; audition a été tenue et décision rendue par cet organisme. « Informé de la démarche, Roger-Luc Chayer, le maître d’Œuvre de l’organisme « Conseil de presse gai du Québec » (CPGQ) a proposé qu’on lui soumette le dossier, ce qui lui fut refusé […] ». Après plusieurs tentatives pour se saisir du dossier, et malgré la réponse ferme des plaignants, le CPGQ s’est prononcé sur la question en prétendant que la Table de concertation avait demandé au CPGQ de donner son avis sur la question.
La Table de concertation refuse d’être associée aux avis du CPGQ qui n’ont pas été sollicités, ce qui constitue le fondement de sa plainte.
La Table de concertation porte également plainte contre M. Chayer et contre le magazine électronique Le National et la revue Le Point pour avoir trompé l’opinion publique en précisant que la Table de concertation avait, sous la signature de son vice-président à l’action politique, Laurent McCutcheon, requis un tel avis. Cette prétention du CPGQ, affirment les plaignants, est fausse.
Après avoir pris connaissance de cette affirmation dans la « décision » rendue publique sur le site Le National, les plaignants disent avoir fait des démarches pour faire retirer cet avis du CPGQ. Plutôt que de retirer les informations, le CPGQ considérait la mise en demeure de la Table de concertation comme une demande d’appel et la rejetait. Suivait une publication de la « décision » sur le site Internet du National. Pour les plaignants, les dommages s’étendent ensuite à la presse écrite, dans le magazine Le Point, dont M. Chayer est rédacteur en chef. Selon eux, le « Conseil de presse gai du Québec » cause préjudice à la Table de concertation en tentant de profiter de la notoriété de la Table pour se donner une image de crédibilité, tout en émettant des avis vides de sens et ce, au détriment des communautés gaie et lesbienne.
Les plaignants demandent au Conseil de presse du Québec « d’examiner la conduite du journaliste Chayer qui se place en conflit d’intérêts et contrevient à toutes les règles d’éthique en étant à la fois juge et partie dans cette affaire, rapportant les faits sur son site Internet et siégeant à son propre « Conseil de presse gai » ». De l’avis des plaignants, il ne s’agit pas d’erreur ou de malentendu, mais de publication sciemment mensongère, de conflits d’intérêts de la part de M. Chayer et d’un manque absolu d’objectivité de la part des autorités concernées.
PLAINTE CONTRE ROGER-LUC CHAYER ET LE SITE INTERNET LE NATIONAL – (Plainte 2001-05-080)
GRIEFS de M. Pierre Valois
M. Valois porte plainte contre le journaliste Roger-Luc Chayer pour publication sur son site Internet, Le National d’articles tendancieux et mensongers. Le plaignant explique les faits : Comme président de la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec, à l’assemblée générale du 26 février 2001, il a invité les personnes concernées à mettre fin à leur campagne de dénigrement contre les organismes communautaires, disant la démotivation qui pouvait ainsi être engendrée. Durant l’assemblée, il avisait aussi les membres qu’il n’entendait pas poser sa candidature pour un troisième mandat à la présidence de l’organisme, en juin 2001.
Selon le plaignant, M. Chayer publia aussitôt sur son site Internet, Le National, un article disant que lors d’une assemblée « empreinte d’émotion » le président actuel de la Table, Pierre Valois, annonçait qu’il « démissionnerait » de ses fonctions dès le mois de juin et « afin d’éviter certaines controverses auxquelles il serait mêlé, il était rendu préférable de quitter ». Autre fausseté grossière : en privé le plaignant aurait dit que la personne à qui était adressé son appel à la retenue était M. Chayer. Après des échanges épistolaires pour obtenir correction des informations, une partie seulement aurait été rectifiée, en même temps que s’ajoutaient d’autres faussetés, portant ainsi atteinte à sa réputation de façon gratuite, fausse et malicieuse.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M Roger-Luc Chayer, secrétaire du CPGQ, au nom de son président :
M. Chayer demande au Conseil de presse du Québec, au nom du président de son organisme, le Conseil de presse gai du Québec, de confirmer que la partie de la plainte 2001-05-079 portant sur le CPGQ est irrecevable et ne nécessitera pas de réplique. Il en demande confirmation écrite.
Commentaires de M. Roger-Luc Chayer, directeur de l’information, Le National et la revue Le Point :
Faisant référence aux deux plaintes (2001-05-079 et 2001-05-080), M. Chayer précise en premier lieu qu’il répond en même temps pour Le National et la revue Le Point, à titre de directeur de l’information des deux publications.
Après donc avoir accusé réception des deux plaintes, M. Chayer indique que le plaignant, Pierre Valois, présent dans ces deux dossiers, fait l’objet d’une enquête policière dans cette affaire et qu’ainsi il ne peut commenter ces deux plaintes.
Les mis-en-cause demandent au Conseil de presse du Québec de ne pas se substituer aux policiers dans cette affaire. M. Chayer indique le « numéro d’événement de la Police ».
Réplique du plaignant
Réaction des président et vice-président de la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Québec, MM. Pierre Valois et Laurent McCutcheon :
Les deux signataires de la réaction se disent heureux de pouvoir informer le Conseil qu’il est faux, comme le prétend M. Chayer, que Pierre Valois fasse l’objet d’une « enquête criminelle ». Après vérification auprès de la policière-enquêteure, [il donne son nom, le numéro du dossier et le numéro de téléphone de la policière] il affirme que le dossier est fermé, sans suite et qu’aucune enquête n’est en cours. Les plaignants signalent que cette plainte a été déposée par M. Chayer lui-même.
Ils annexent à cette réaction copie du rapport de police confirmant le tout.
Douze jours après cette réaction, les plaignants saisissent à nouveau le Conseil de presse du Québec, avec document à l’appui, d’autres affirmations qu’ils considèrent erronées mais publiées encore une fois sur le site Internet, Le National.
Analyse
La première démarche du Conseil de presse du Québec a consisté à établir la recevabilité des plaintes en question. Pour ce faire, ont été considérées tour à tour les quatre personnes et organismes mis en cause : M. Roger-Luc Chayer et Le National, Le Point et le Conseil de presse gai du Québec (CPGQ).
En ce qui a trait à ce dernier mis-en-cause le CPGQ, le Conseil fait observer qu’il ne s’agit pas d’un média et que les reproches qui lui sont adressés relèvent davantage des politiques internes – règles morales ou éthiques de l’organisme – que de l’éthique journalistique et des droits et responsabilités de la presse. Par conséquent, le Conseil de presse du Québec n’a pas considéré recevables pour fins d’examen les reproches qui lui sont adressés et ne s’est pas prononcé sur ces griefs.
Ayant émis récemment un avis public sur le cyberjournalisme, c’est sur la base des principes édictés dans cet avis que le Conseil a statué sur la recevabilité du site Internet, Le National. Après examen, nonobstant le fait que ce site a été inscrit comme média au registre de l’Inspecteur des institutions financières du Québec, et considérant que ce site est celui d’un seul exploitant portant à la fois chapeaux de rédacteur en chef, de publicitaire et de relationniste – quand ce ne seraient que ceux-là – le Conseil a considéré que Le National est en fait le site personnel de M. Roger-Luc Chayer et non un média au sens de l’Avis sur le cyberjournalisme. Cet Avis stipule entre autres qu’une seule et même personne ne peut à la fois Œuvrer à la confection d’articles et à la vente de publicités au sein d’un même média car il s’agit là de fonctions tout à fait incompatibles, mettant en péril l’indépendance nécessaire à l’exercice du journalisme.
Après examen, et en vertu des mêmes principes, le magazine Le Point (version écrite et électronique) a été considéré comme répondant à la définition de « média » et, de même que son rédacteur en chef, a été reconnu conjointement mis en cause et visé par les griefs exprimés. Les griefs des plaignants à l’égard du magazine Le Point ont été regroupés en deux blocs, l’un portant sur les inexactitudes et l’autre sur le conflit d’intérêts.
En ce qui a trait à M. Chayer lui-même, étant partie prenante et conjointe aux décisions concernant le magazine Le Point, les griefs le concernant et reliés au magazine ont été retenus pour examen.
Au terme de l’étude des exposés et des documents fournis, le Conseil a effectivement observé des inexactitudes dans un texte publié par Le Point1/4cedil; inexactitudes d’ailleurs partiellement reconnues par le rédacteur en chef de la publication. Cependant, loin de corriger ces erreurs, le rectificatif qui a suivi revenait à la charge contre un des plaignants. Sur le plan de l’exactitude, le Conseil estime donc qu’il y a lieu de retenir ce grief.
En ce qui a trait au conflit d’intérêts, considérant :
– le fait que M. Roger-Luc Chayer exploite un site Internet personnel (Le National) où il est responsable à la fois de la publicité et de la rédaction;
– le fait que ce site soit couplé à un média, le magazine Le Point, où M. Chayer y exerce la fonction journalistique de rédacteur en chef de la publication;
– le fait que M. Chayer occupe la fonction et signe à titre de Secrétaire du Conseil de presse gai du Québec;
– le fait que l’exercice simultané de toutes ces fonctions le place directement en situation de conflit d’intérêts – apparent ou réel.
Décision
Le Conseil de presse du Québec a conclu à une faute professionnelle majeure de la part de M. Roger-Luc Chayer et retient la plainte, qui s’applique conjointement au média écrit et électronique Le Point pour avoir cautionné un tel état de fait.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C13B Manipulation de l’information
- C22F Liens personnels
- C22H Détourner la presse de ses fins