Plaignant
France Renaud
Mis en cause
Josée Blanchette,
journaliste
Résumé de la plainte
France Renaud porte plainte
contre la journaliste Josée Blanchettepour avoir « accepté un contrat
pour la Ville de Montréal à la Société du Parc des îles dans le cadre d’un
litige en dommages » dans lequel la plaignante était demanderesse. Même si le
texte de la journaliste n’a jamais été publié, Mme Renaud considère cependant
le document comme diffamatoire.
Griefs du plaignant
La plaignante accuse la
journaliste Josée Blanchetted’avoir accepté de servir de témoin expert
dans une cause qui opposait la plaignante et la Société du Parc des îles.
Le procès s’est déroulé en février 2001 et
la partie adverse a utilisé le texte de la journaliste à son détriment et à
celui de son établissement, l’ex-restaurant « Fleur de l’île ». Les propos
contenus dans ce texte sont, selon la plaignante, « erronés, malveillants,
méprisants et humiliants comme s’ils étaient exprès écrits dans un but convenu
», et ce, même si le texte de la journaliste n’a jamais fait l’objet de
publication.
La plaignante joint à sa plainte
le texte de Mme Blanchette, des photos du restaurant, des témoignages
d’employés au travail lors du passage de Mme Blanchette au restaurant, des
lettres de clients et des articles publiés dans
The Gazette et La Presse
de même que le menu du restaurant.
Commentaires du mis en cause
Mme Blanchette s’étonne tout
d’abord que le Conseil de presse ait une quelconque juridiction dans cette
affaire, l’opinion émise n’ayant pas été publiée dans les médias. La plainte
lui apparaît irrecevable. Elle s’interroge également sur le questionnement du
Conseil en regard de l’apparence de conflit d’intérêts professionnel alors que
la plaignante parle de « texte (non publié) diffamatoire ».
La journaliste expose les
circonstances l’ayant amenée à servir de témoin expert et voit mal qui aurait
pu s’acquitter de cette corvée hormis un journaliste de la presse spécialisée.
Pour elle, peu importe si elle livre son expertise pour le bénéfice d’une
personne, d’un tribunal ou de 30,000 lecteurs, on fait toujours appel à ses
connaissances en tant qu’experte dans le domaine.
Mme Blanchette estime enfin que
notre système judiciaire se priverait d’un éclairage indispensable en éliminant
d’emblée tous les journalistes à titre de témoins experts. D’autres membres de
la FPJQ et des plus renommés (elle cite deux noms) ont déjà accepté d’aider la
justice lorsque le besoin s’en est fait sentir. Elle ajoute en terminant
qu’elle a maintenant abandonné le métier de critique gastronomique.
Réplique du plaignant
En guise de réplique, la plaignante apporte d’abord des
précisions au sujet de son restaurant, du passage de la journaliste à sa table
et de sa plainte au Conseil de presse du Québec.
Mme Renaud reprend sommairement
l’historique du projet et une liste des difficultés majeures rencontrées,
réaffirmant au passage qu’elle et son associé ont été des restaurateurs de
classe. Cet historique se termine sur l’avis de non-renouvellement de son bail,
la visite de la journaliste Josée Blanchette et l’expertise de Price Waterhouse
dans le cadre de la poursuite et la fermeture du «Fleur de l’île » en
février 1999.
La plaignante raconte ensuite le
repas de la journaliste, critiquant à son tour sa visite qui n’aurait duré que
35 minutes, relevant ce qu’elle a oublié ou ignoré et répliquant à ses
reproches. Elle termine en indiquant que la journaliste a « expertisé dans
l’exercice de sa profession en frimant un texte sans fondement agrémenté de
fioritures moqueuses. Pour elle il s’agit « d’une affaire de préjugé convenu
entre une journaliste critique et une administration publique » en défaveur
d’un commerce. La participation de la journaliste dans cette affaire et à son
avis d’un triste opportunisme.
Analyse
Même s’il n’y avait pas dans le cas de la présente plainte de diffusion de produit journalistique comme tel, le Conseil de presse du Québec a tenu à se pencher sur la question soumise à son attention par la plaignante pour s’assurer que, dans l’exercice de ses activités, la journaliste mise en cause n’avait pas exercé une activité incompatible avec ses fonctions de journaliste.
Avant de rendre sa décision le Conseil aimerait rappeler trois principes généraux qui guident sa réflexion :
– Même dans les cas où des griefs n’ont pas été exprimés nommément par les plaignants, le Conseil peut, quand il le juge à propos, choisir d’examiner un cas sur des aspects présentant de possibles manquements à l’éthique journalistique.
– Pour qu’il y ait atteinte à la liberté de presse ou au droit du public à l’information, il n’est pas obligatoire qu’il y ait eu publication de ce qu’il est convenu d’appelé du « matériel journalistique ».
– Le Conseil ne traite pas des questions de libelle et de diffamation qui relèvent plutôt de la juridiction des tribunaux civils et criminels.
Ces précisions étant faites, deux questions demeuraient : est-ce qu’il était contraire à l’éthique professionnelle pour la journaliste mise en cause d’agir comme témoin expert dans un dossier? Et s’agissait-il là d’un possible conflit d’intérêts?
Dans son examen – et de manière à répondre à ces deux questions – le Conseil a pris en considération le fait que madame Blanchette n’œuvre plus comme critique gastronomique depuis trois ans pour le compte de médias d’information. Aussi il ne pourrait avoir ici de conflit potentiel d’intérêts que dans la mesure où la journaliste reprendrait, dans le futur, un rôle de critique gastronomique dans la sphère publique ou qu’elle soit appelée à traiter spécifiquement de la Société du Parc des îles.
Le Conseil de presse rejette donc conséquemment la présente plainte, tout en prenant toutefois soin de recommander aux membres de son conseil d’administration la mise sur pied d’un comité ad hoc pour étudier plus en profondeur la question de la compatibilité éthique entre les rôles de journaliste et de témoin expert.
Analyse de la décision
- C22E Travail extérieur incompatible