Plaignant
Michel Vastel,
journaliste
Mis en cause
Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) et Denis Dubé, chef du
Service des relations publiques de la CVMQ
Résumé de la plainte
Michel Vastel porte plainte contre la Commission des valeurs
mobilières du Québec (CVMQ) pour atteinte à la liberté et à l’indépendance des
journalistes, pour atteinte à la liberté de l’information et pour non-respect
de la réputation d’un journaliste. La plainte concerne une intervention de M.
Denis Dubé auprès de la rédaction du quotidien
Le Soleil le 24 mai 2001 pour s’assurer que les faits rapportés par
le journaliste seraient conformes à ceux qu’il lui avait communiqués.
Griefs du plaignant
Michel Vastel porte plainte
contre le chef du Service des relations publiques de la Commission des valeurs
mobilières du Québec. Le journaliste
relate les faits : après avoir fait une recherche sur les circonstances
d’une décision de la CVMQ et ayant besoin d’un complément d’information, il a
été référé au bureau de M. Denis Dubé. Il dit avoir alors obtenu des
informations « sommaires, incomplètes, parfois erronées mais néanmoins utiles
». Le 24 mai 2001, la veille de la publication de sa chronique, il a eu un
dernier contact avec M. Dubé qui s’inquiétait manifestement du contenu de
l’article. M. Vastel rapporte lui avoir répondu « d’attendre sa publication
pour exprimer une opinion et, en cas de désaccord, de soumettre une lettre à
l’éditeur.»
Selon M. Vastel, durant la
soirée, M. Dubé a contacté un de ses collègues, chroniqueur à la section «
Économie » du journal Le Soleil, qui
a alerté le directeur de l’information Michel Samson, lequel suggéra de
suspendre la publication de la chronique
pour la soumettre à des avis légaux. Après arbitrage du responsable des
Bureaux politiques du quotidien, M. Gilbert Lavoie, la chronique paraissait
normalement, avec une modification mineure n’ayant rien à voir avec les
appréhensions de M. Dubé.
Pour le plaignant, il s’agit
d’une tentative de censure ou de contrôle de l’information qui porte atteinte à
sa réputation de chroniqueur sérieux. C’est également une pratique qui porte
atteinte à l’indépendance des journalistes. M. Vastel demande donc au Conseil
de sanctionner le comportement de M. Dubé, ainsi que la Commission des valeurs
mobilières du Québec, au nom de laquelle agissait M. Dubé.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de la présidente de la CVMQ, Carmen
Crépin:
Mme Crépin indique avoir pris
connaissance de la plainte et, en guise de commentaires, fournit une lettre
qu’elle a adressée au président-directeur général et éditeur du
Soleil, Alain Dubuc, ainsi que la
réponse de ce dernier, de même que la copie d’un extrait du quotidien du 4 juin
2001, section B, page 7. Il s’agit de la réponse de Mme Crépin visant à « corriger
certaines informations», à la suite de la chronique de M. Vastel. Après
avoir rappelé la mission et le cadre décisionnel de la Commission, Mme Crépin
relève six irrégularités dans le dossier ayant fait l’objet de l’enquête de la
Commission. Elle répond ensuite à trois inexactitudes de la part du
journaliste. Elle dit aussi ne pas pouvoir commenter une démarche de
vérification imputée à la CVMQ, mais qui aurait été effectuée par la Bourse de
Montréal dans le cadre de ses responsabilités d’autoréglementation.
Mme Crépin termine en répliquant
à l’idée que la CVMQ est incapable de dire ou de prouver que les investisseurs
dans la compagnie Maxima capital
ont subi des dommages. Elle conclut en affirmant que le dossier de Maxima, tout
comme les autres dossiers de la commission
sont traités avec rigueur en gardant à l’esprit l’importance de protéger les
investisseurs et de maintenir leur confiance à l’égard des marchés
financiers.
Commentaires du
chef du Service des relations publiques de la CVMQ, Denis Dubé:
Le mis-en-cause porte d’abord à
l’attention du Conseil certains faits qui, à son avis, « n’ont pas été
considérés par M. Vastel, bien qu’il en fut dûment informé. » M. Dubé reconnaît
ensuite avoir été contacté par le journaliste. Il explique qu’à l’occasion
d’une conversation il a informé M. Vastel que certaines informations qui lui
avaient été communiquées dans le cadre de son enquête s’avéraient inexactes et
qu’il a tenté de dresser un portrait des faits plus conforme à la réalité. Il a
notamment informé M. Vastel que ce n’était pas la CVMQ qui était à l’origine de
la pétition de faillite de Maxima Capital mais bien le Fonds canadien de
protection des épargnants (FCPE).
Il aurait alors été éconduit par
le journaliste qui l’a invité à soumettre les vues de la Commission au «
Courrier des lecteurs ». C’est alors que confronté à cette fin de non recevoir,
il a pris l’initiative de contacter le chroniqueur de la section « Économie »
du quotidien Le Soleil qui l’a référé
à M. Michel Samson à qui il a fait part de sa conversation avec M. Vastel. M.
Dubé précise alors que, contrairement à ce qu’affirme le journaliste, son appel
à M. Samson « n’avait pas pour but de censurer ou de contrôler de l’information
» et qu’il n’a jamais eu « l’intention de demander à M. Vastel, ou encore au
journal Le Soleil, d’épouser les vues
de la Commission ». Bien au contraire, il voulait attirer l’attention de M.
Samson sur le fait que le quotidien s’apprêtait à publier un article contenant
des informations erronées.
Pour M. Dubé, si la liberté d’expression garantit à tout
journaliste de pouvoir porter des jugements, elle ne peut cependant justifier
le pouvoir d’ignorer ou d’altérer les faits. Il termine en citant des extraits
de la lettre (du 4 juin) que Mme Crépin a dû adresser au quotidien afin de
rectifier les propos inexacts et indique que c’est précisément ce genre de
rectificatif qu’il voulait éviter en contactant M. Samson.
Réplique du plaignant
n ce qui concerne Mme Crépin, le
plaignant ne la considère pas en cause dans le dossier. Il rappelle qu’il lui a
répondu en ajoutant un commentaire à sa lettre publiée par
Le Soleil le 4 juin 2001.
En ce qui a trait aux
explications de M. Dubé sur la nature de leurs conversations avant la
publication de sa chronique, le plaignant les qualifie de fausses et de
mensongères.
Michel Vastel relève ensuite
l’admission de M. Dubé d’être intervenu auprès de deux collègues du
Soleil. Même s’il prétend ne pas avoir
eu l’intention de faire censurer ou altérer un article, c’est tout de même ce
que ses patrons ont compris de sa démarche. Il en donne pour preuve en citant
M. Dubé préoccupé de voir Le Soleil
s’apprêter à publier un article contenant des informations erronées. Le
journaliste demande « Comment pouvait-il le savoir? ».
Michel Vastel termine en posant la question : « Est-il
convenable ou admissible que le porte-parole d’un organisme public intervienne
auprès de la direction d’un organisme d’information dans le but, avant sa
publication, de faire modifier, altérer, voire suspendre la publication, d’une
chronique dont il ignore le contenu?».
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entrave ni menace ou représailles. De plus, le choix et le traitement d’un sujet, d’un événement ou d’un secteur d’activités particulier, relèvent de leur jugement rédactionnel. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Le chef du Service des relations publiques de la Commission des valeurs mobilières du Québec n’avait pas vu l’article avant sa publication. Il présumait donc que le journaliste allait publier des informations erronées et tentait de lui éviter ce piège ou de l’empêcher de le faire.
Tout en reconnaissant que le mis-en-cause pouvait être animé des meilleures intentions en intervenant auprès de la direction du quotidien Le Soleil pour tenter de rectifier des informations par avance, le Conseil estime que, ce faisant, il intervenait directement dans un processus de production journalistique en cours. Bien que le CPQ y voit là un danger pour la liberté de presse, il considère que, dans le présent cas, l’intervention de M. Dubé n’a pas eu la portée que lui prête le plaignant.
Par ailleurs, même si cette tentative d’intervention est apparue à M. Vastel comme une atteinte à sa réputation, le Conseil ne partage pas cet avis, considérant l’affaire comme le fruit d’une mésentente entre le plaignant et le principal mis-en-cause.
Par conséquent, le Conseil de presse rejette-t-il la plainte contre la Commission des valeurs mobilières du Québec et son chef de Service des relations publiques M. Denis Dubé.
Analyse de la décision
- C06D Ingérence extérieure dans la rédaction
- C17G Atteinte à l’image