Plaignant
Hôpital Notre-Dame de la Merci (Odette Courtemanche, présidente du
Conseil d’administration)
Mis en cause
Patrick Lagacé,
journaliste, et Le Journal de Montréal,
(Bernard Brisset, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
En tant que
présidente du Conseil d’administration de l’Hôpital Notre-Dame de la Merci, Mme
Odette Courtemanche porte plainte contre un article du journaliste Patrick
Lagacé, paru dans Le Journal de Montréal
du mardi 22 mai 2001 sous le titre « Sali par l’hôpital, un bénévole retrouve
sa réputation ». Il s’agit d’un reportage au sujet d’une poursuite en
diffamation où Michel Bouffard, directeur général de l’Hôpital Notre-Dame de la
Merci, et l’Hôpital, ont été condamnés par la Cour à payer la somme de 12
000,00 $ en dommages et intérêts à Michel Gervais. La condamnation intervient
après que Michel Bouffard ait déclaré à la télévision que Michel Gervais était
un « impulsif compulsif »
et qu’il avait été l’objet de plusieurs
plaintes.
Griefs du plaignant
Au nom de
l’Hôpital, Mme Courtemanche se plaint que l’article est mensonger et qu’il a
pour but de détruire la réputation de Michel Bouffard, directeur général de
l’Hôpital. À l’égard du titre, l’Hôpital prétend qu’il n’est soutenu ni par le
libellé du jugement du juge Barbe, ni par les pièces versées au dossier de la
Cour et encore moins par le témoignage des témoins entendus lors du procès.
Mme
Courtemanche réprouve également que le directeur de l’Hôpital, mis en cause par
l’article du journaliste Patrick Lagacé n’ait eu ni le temps ni l’occasion de présenter
son point de vue; le journaliste l’ayant appelé « à la dernière minute, la
veille de la publication, lundi, le 21 mai 2001, jour de la fête de Dollard,
une journée fériée dans les établissements de santé et de services sociaux du
Québec comme partout ailleurs au Québec ». Selon la plaignante, « La façon dont
le journaliste prétend s’être acquitté de son devoir constitue une atteinte à
l’impartialité et la rigueur de l’information et un manquement à la cueillette
rigoureuse de l’information. Elle constitue également une négation du droit de
réplique, fondamental en démocratie ».
Commentaires du mis en cause
M. Bernard Brisset répond point par point aux griefs
exprimés par la plaignante.
En ce qui a trait à la rigueur et
à l’exactitude de l’information, M. Brisset
conteste l’idée que le contenu et le titre de l’article en cause, «
Poursuivi pour ses propos tenus à la télé, le patron de l’Hôpital inventait des
plaintes » auraient pour seul but de détruire la réputation de Michel Bouffard
et constitueraient des accusations gratuites et infondées.
Contrairement aux affirmations de
la plaignante, Bernard Brisset soutient que le titre reflète très bien les
conclusions du juge Barbe quant aux plaintes que Michel Bouffard prétendait
avoir reçues à l’égard de Michel Gervais. Et de s’appuyer sur le jugement du
juge Barbe : « Or, la preuve établit qu’il n’y avait aucune plainte écrite,
mais que, de fait, le défendeur avait reçu quatre plaintes de personnes qu’il
ne voulait pas identifier (…). La Cour n’a pas l’intention d’accorder plus de
crédibilité à ces « racontars » que le défendeur n’en a accordée lui-même… ».
Concernant les accusations de
partialité et de négation du droit de réplique formulées à l’encontre du
journaliste Patrick Lagacé, l’Hôpital est d’avis que « si Michel Bouffard avait
pu parler au journaliste Lagacé, il l’aurait mis en garde en niant avoir «
inventé des plaintes « . À ce titre, Bernard Brisset précise que «
l’objectif du texte du journaliste Lagacé n’était pas de refaire le procès dans
cette affaire ». M. Brisset conclut en rappelant le jugement de la Cour : le
défendeur Michel Bouffard a été fautif d’avoir prétendu qu’il y avait beaucoup
de plaintes contre Michel Gervais.
Réplique du plaignant
Mme Courtemanche réitère ses
accusations à l’encontre du journaliste Patrick Lagacé.
En ce qui a trait à l’exactitude
de l’information rapportée, elle maintient que l’allégation du journaliste
Patrick Lagacé n’est soutenue ni par le
libellé du jugement, ni par les nombreuses pièces versées au jugement de la Cour
et encore moins par le témoignage des témoins entendus lors du procès
: « En effet, dire, comme le fait le juge
Barbe, qu’il n’existait aucune plainte écrite, tout en référant à l’existence
de plaintes verbales, ne signifie en rien que ce dernier est d’avis que
monsieur Michel Bouffard a » inventé » des plaintes. Cela ne signifie
pas pour autant qu’il pense que monsieur Bouffard en a inventées… D’ailleurs
le juge Barbe se garde bien de tirer une telle conclusion (…) ».
Concernant le droit de réplique,
la plaignante reprend ses accusations à l’encontre du journaliste Lagacé : «
Pourquoi avoir accordé à monsieur Gervais ce que l’on a refusé à l’autre
partie, notamment en lui téléphonant un après-midi de jour férié, quelques
heures avant la date de publication? ». Mme Courtemanche persiste à dire «
qu’il s’agit là d’un grave manque d’éthique professionnelle tant de la part du
journaliste Lagacé que de son employeur
Le Journal de Montréal ».
Au total, la plaignante conclut que
« l’article de monsieur Lagacé constitue une présentation inexacte, partiale,
non rigoureuse et non exhaustive de l’information » et souhaite « obtenir du
journaliste Lagacé qu’il les traite avec équité et impartialité en leur
demandant, comme il l’a fait avec l’autre partie, de commenter son article
avant sa publication ».
Analyse
Le Conseil de presse rappelle que la rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes constitue la garantie d’une information de qualité. Elle est donc synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité et de respect des personnes et des événements.
Ainsi, dans le cas d’affaires juridiques rendues publiques, les médias ont le devoir de les rapporter le plus fidèlement possible, pour ne pas attenter à l’honneur des accusés.
Dans le présent cas, l’examen et la comparaison de l’article incriminé avec les documents légaux obtenus pour l’analyse de la plainte ont permis de conclure que si la majorité des éléments portés à l’attention du Conseil de presse reflétaient bien le jugement rendu par le juge Barbe, certains constituaient néanmoins un manquement déontologique.
Une partie des griefs formulés par Mme Odette Courtemanche portait sur la rigueur et l’exactitude de l’information publiée dans l’article du Journal de Montréal.
La plaignante dénonçait notamment le titre de l’article mis en cause « Poursuivi pour ses propos tenus à la télé, le patron de l’Hôpital inventait des plaintes » et jugeait infondés certains propos du journaliste Lagacé « Ces fameuses « plaintes » dont Bouffard a parlé sur les ondes de Télé-Québec étaient imaginaires ». Après analyse, le Conseil de presse a jugé excessifs les termes employés par le journaliste Patrick Lagacé, des termes et des conclusions qui n’apparaissent nullement dans le jugement de la Cour. Le Conseil est donc d’avis que l’auteur de l’article a outrepassé les principes éthiques de rigueur et d’exactitude de l’information.
En conséquence, le Conseil ne peut qu’accueillir la plainte à l’encontre du Journal de Montréal et du journaliste Patrick Lagacé.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12C Absence d’une version des faits
- C13A Partialité
- C15D Manque de vérification
- C17A Diffamation