Plaignant
Manon Berthelet
Mis en cause
Christian Latreille, journaliste et Radio-Canada/
RDI (Mychel St-Louis, rédacteur en chef, nouvelles TV)
Résumé de la plainte
Manon Berthelet porte plainte
contre RDI et le journaliste Christian Latreille pour avoir soutenu
«que le fait qu’il n’y ait pas de « référendum éventuel «
avait contribué à l’augmentation de la cote de solvabilité du Québec». Le
journaliste a tenu ces propos sur l’appréciation de la cote de crédit du Québec
par la maison Moody’s sur les ondes de RDI
à 8 h 15, le mercredi 8août 2001.
Griefs du plaignant
La plaignante reproche à M.
Latreille et à la Société Radio-Canada (SRC) d’avoir attribué
erronément la hausse de la cote de crédit du Québec par la firme amÉricaine
Moody’s à la fin de la « menace référendaire». Après avoir cité un
article du quotidien La Presse, Mme Berthelet indique qu’il n’y a qu’à Radio-Canada
qu’on s’est permis cette affirmation. La plaignante trouve inacceptable cette
interprétation de RDI, la considérant comme de la désinformation qui n’a
qu’un but : protéger le Canada en frappant « à tour de bras sur le gouvernement
parce qu’il est souverainiste ». Elle précise à ce moment que sa plainte ne
concerne que M. Latreille et RDI.
Mme Berthelet compare ensuite le
mandat de Radio-Canada à celui de Patrimoine Canada. Il y aurait un
traitement inéquitable fréquent dans la programmation de la SRC, jugée
pro-canadienne. Pour elle, c’est la loi du silence au Québec. Dans sa critique
elle inclut également le réseau LCN et termine en disant ne pas
comprendre « ni le Conseil de presse, ni les journalistes de ne pas s’élever
contre les « recommandations » bien évidentes qu’ils
reçoivent de leurs patrons». La plaignante adresse le même jour une plainte
identique à l’ombudsman de la SRC.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du rédacteur en chef, nouvelles
TV, Mychel St-Louis:
M. St-Louis rappelle l’essentiel
de la plainte : avoir fait référence à l’absence d’un référendum éventuel au
Québec pour expliquer la décision de la maison Moody’s. Et la plaignante a cité
un article de La Presse, sur le même sujet, qui faisait référence à
plusieurs facteurs invoqués par Moody’s pour expliquer sa décision. Selon lui,
la plaignante omet cependant de relever que les facteurs, cités par Moody’s
dans son communiqué et repris par LaPresse, étaient également
mentionnés par RDI et M. Latreille, comme explication du rétablissement
de la cote de crédit.
Pour répondre adéquatement à la
plainte, M. St-Louis choisit de resituer sa réponse dans l’ensemble des
informations données au moment de la présentation de cette nouvelle, à 8 h 09,
le mercredi 8 août. Il reproduit donc le verbatim de l’introduction (amorce)
qui précédait l’extrait sonore de l’économiste en chef de la Banque Laurentienne,
Simon Prévost, de même que cet extrait d’entrevue.
Le rédacteur en chef explique que
la cote en question avait été révisée à la baisse en 1995 et que ce n’est que
maintenant qu’elle est rétablie. En 1995, la firme Moody’s avait invoqué, entre
autres facteurs, l’ensemble du programme politique du gouvernement péquiste de
l’époque, pour justifier la réduction alors imposée à la cote de crédit du
Québec.
Pour M. St-Louis, cette
information était tout à fait justifiée : elle réfère à la satisfaction
exprimée par la ministre des Finances et cite les motifs de la décision de la
firme Moody’s. Et en plus, elle offre un élément de contexte approprié, soit
celui de la question référendaire qui ne semble plus inquiéter la firme
Moody’s. Cette information était également accompagnée du commentaire d’un
analyste qui mettait en perspective l’impact de la décision.
Le rédacteur en chef termine en
estimant que pour le reste, la plaignante fait un procès d’intention à RDI
et à ses artisans et ne juge pas utile de répondre à ces accusations
gratuites.
Commentaires du
journaliste Christian Latreille:
Après avoir précisé qu’il est
journaliste depuis 15 ans et qu’il fait preuve de rigueur tous les jours pour
rendre l’information la plus juste et la plus compréhensible possible, le
journaliste rappelle ce qui a été effectivement dit en ondes et les reproches
de la plaignante.
Le journaliste répond que lors de
cette intervention il a non seulement respecté les faits inclus dans le
communiqué de Moody’s, mais indique également que la mise en contexte, y
compris la question référendaire, s’inspirait aussi de la position de Moody’s
en 1995, année référendaire et aussi dernière année où Moody’s a révisé à la
baisse la cote de crédit du gouvernement québécois. Il lui apparaissait
essentiel de le mentionner pour permettre au public de mieux comprendre la
nouvelle.
M. Latreille inclut copie de
l’article du Globe and Mail (8 août 2001) dans lequel on trouve une
mention à l’effet qu’en 1995 la firme Moody’s avait invoqué, entre autres
facteurs, l’ensemble du programme politique du gouvernement péquiste pour
réduire la cote de crédit du Québec.
Il répond donc que la plaignante
lui prête l’intention d’avoir voulu interpréter l’information alors que son
intervention ne comprenait aucune interprétation et aucun jugement. Il
n’aurait, en fait, que remis simplement les choses dans leur contexte en se
basant sur la position de Moody’s en1995.
Réplique du plaignant
Mme Berthelet indique que la
réponse de M. St-Louis ne la satisfait pas. Elle reprend les explications du
rédacteur en chef qui utilisait l’article du Globe and Mail pour
justifier les propos de son journaliste. Après avoir rappelé les propos de M.
Latreille et ceux du quotidien anglophone, elle en déduit que M. St-Louis et
elle traduisent ou comprennent ces propos différemment.
Pour elle, ce qui est dit dans
l’article du Globe and Mail, c’est que ce n’est pas le référendum ni
même l’éventuelle indépendance du Québec qui ont fait réduire la cote du Québec
en 1995, mais bien la crainte que la poursuite de ce but empêche le
gouvernement de s’attaquer à d’autres cibles primordiales aux yeux de l’agence,
soit réduire sa dette et atteindre le déficit zéro.
Selon la plaignante, des propos
comme « La question référendaire ne semble plus inquiéter Moody’s » ne sont pas
justifiés puisque l’agence ne s’inquiétait pas de ce référendum en tant que
tel. Depuis 1995, on interprète les propos de Moody’s ainsi, de façon à faire
croire que c’est l’idée d’un référendum qui est néfaste au Québec.
Mme Berthelet explique ensuite
les raisons de cette interprétation, chez les journalistes. Elle répond à M.
St-Louis sur la question des procès d’intention et des accusations gratuites
par sept pages d’exemples qui illustrent, selon elle, que la SRC et ses
journalistes ont un parti pris pour le Canada et contre le Québec.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent livrer au public une information complète et conforme aux faits et aux événements.
Après examen de la plainte déposée par madame Berthelet, le Conseil en arrive aux conclusions suivantes : ni dans l’exposé de la plainte, ni dans la longue réplique de la plaignante, non plus que dans les commentaires des mis-en-cause n’avait-on fourni de document illustrant la déclaration exacte et officielle de la firme Moody’s.
Les interprétations des parties ne portaient donc que sur des interprétations d’articles de journaux concurrents et non sur les informations officielles.
Cette seule absence de preuve formelle en regard des faits était en soi suffisante pour conduire au rejet de la plainte.
Par ailleurs, une autre source non citée par les parties, cette fois du quotidien anglophone National Post, vient confirmer la justesse des allégations des mis-en-cause.
En conséquence, il apparaît que le journaliste était tout à fait justifié de parler de crainte associée au référendum québécois, comme l’un des facteurs entrant dans l’évaluation de la firme Moody’s.
Pour l’ensemble de ces raisons et dans les circonstances, leConseil de presse rejette la plainte contre Radio-Canada/RDI et le journaliste Christian Latreille.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits