Plaignant
Alfonso Gagliano
Mis en cause
Richard Desmarais, président-éditeur,
et Allô Police
Résumé de la plainte
La plainte
vise des associations, des conclusions et des propos tendancieux du journaliste
Richard Desmarais de l’hebdomadaire Allô Police à l’égard de M. Alfonso
Gagliano. Les articles contestés ont été publiés dans trois pages de l’édition
du 10 août et dans deux pages de l’édition du 17août 2001 de cet
hebdomadaire. Les articles en question et les associations tendancieuses qu’ils
comportent seraient diffamatoires à l’égard du plaignant.
Griefs du plaignant
Les articles contestés prenaient pour base un
livre, de parution récente, intitulé Les liens du sang, livre qui
raconte l’histoire et le déclin d’une famille associée à la mafia. Le
journaliste rapporte que dans ce livre on trouve la mention du nom de M.
Gagliano.
Le
plaignant expose ses griefs pour chacun des articles dénoncés:
Article du 10 août 2001
– M.Desmarais interprète les
faits relatés dans le livre de façon malveillante et tendancieuse, démontrant
ainsi qu’il a délibérément voulu « faire la une du journal» en colorant
les faits qui y sont décrits. De plus, le journaliste donne à ce livre le
surnom de « La nouvelle bible sur la mafia au Canada». Or le fait de
mentionner que ce livre comprend trois pages sur M. Gagliano, et l’association
faite entre son image photographique et son nom, en caractère gras, portent le
lecteur à croire que le plaignant serait personnellement impliqué dans des
relations avec « la mafia au Canada ». Ces manquements ne peuvent qu’avoir été
faits pour des motifs mercantiles, malveillants et tendancieux.
Pour le plaignant, les obligations
professionnelles des médias et des journalistes commandent une interprétation
objective des faits que le journaliste avance. Dans le présent cas, média
et journaliste se sont manifestement
contentés d’interpréter les faits et les informations de façon tendancieuse et
subjective, poussant le lecteur à croire que le plaignant serait
personnellement associé et impliqué avec la mafia canado-italienne. L’article
irait même jusqu’à lui attribuer expressément des « liens plutôt étroits » et
certaines relations « questionnables » avec les membres de la mafia. Ces mots
insinuent que M. Gagliano aurait eu des rapports et des relations douteuses et
illégales avec des « figures connues »
de la mafia canado-italienne. Le
journaliste tente ainsi de l’associer de façon gratuite aux grandes familles de
la mafia canado-italienne.
Article du 17 août 2001
– Dans cet article
, on associe de nouveau l’image
photographique et le nom du plaignant avec le contenu d’un article sur la mafia
canado-italienne qui ne vise aucunement M.Gagliano. Il s’agit encore une
fois d’une association malveillante, gratuite et hautement préjudiciable en
même temps que contraire aux règles de déontologie journalistique. M. Gagliano
est député depuis 17 ans. Les articles publiés par le journal Allô
Police lui causent un tort irréparable et un énorme préjudice en ce qu’ils
portent atteinte à sa réputation, à son honneur et à son intégrité. Le
plaignant et sa famille se voient ainsi éclaboussés alors que tous les faits
relatés dans les articles ont déjà été traités et vérifiés avant son accession
au Cabinet fédéral.
Le
plaignant constate que les préjugés à l’égard de la communauté canado-italienne
sont difficiles à éradiquer et il déplore que le journal colporte de telles
affirmations à son égard, qui n’ont pour but que de lui nuire. De plus, il
s’explique mal comment Allô Police n’entend pas offrir de rétractation
ou de rectificatif raisonnable comme l’a fait le quotidien La Presse le
1er mars 2001. À leur mise en demeure, qui est pourtant requise par
la Loi sur la Presse et par les règles élémentaires du droit, les
mis-en-cause du journal Allô Police avaient plutôt répondu que ce geste
de M. Gagliano se voulait une «menace » à la liberté de presse.
Commentaires du mis en cause
M. Desmarais répond que puisque le
plaignant se réserve le droit d’intenter une poursuite judiciaire contre les
mis-en-cause, il estime que le Conseil de presse ne devrait pas recevoir la
plainte. Il faut comprendre que devant une telle éventualité de poursuite, les
mis-en-cause doivent réserver leurs arguments de défense pour le tribunal. M.
Desmarais suggère donc au Conseil de rejeter la plainte ou de reporter son
étude après l’expiration des délais juridiques.
Cependant,
si le Conseil de presse décidait tout de même d’étudier le cas, il demande de
considérer, en guise de réponse, les articles publiés sur le même sujet dans
l’édition du 31 août 2001 de Allô Police qu’il a annexés.
Réplique du plaignant
Le
plaignant demande au Conseil de presse de procéder à l’étude de sa plainte dans
les délais prévus et rappelle les motifs de cette plainte. Il ajoute que le
journaliste a délibérément dissimulé à
ses lecteurs la mention que « Gagliano fut lavé de tout soupçon par la GRC »,
comme cela apparaît dans le livre. Pour le plaignant, il s’agit d’un des faits
les plus significatifs des trois pages pointées par le journaliste. Pourtant,
celui-ci a choisi délibérément de ne pas rapporter ce fait.
Le
plaignant reprend ensuite l’argument de M. Desmarais voulant que la mise en
demeure reçue des plaignants constituait une « menace » à la liberté de presse
et répond alors que le journaliste savait qu’une telle procédure était exigée
par la « Loi sur la presse » pour exercer ses droits. Ce qui illustrerait, une
fois de plus, l’attitude malveillante des mis-en-cause à l’égard de M.
Gagliano.
Analyse
Avant de communiquer les motifs sur lesquels repose sa décision, le Conseil de presse aimerait rappeler que l’ensemble des contenus des articles contestés prenait assise sur le livre de parution récente, Les liens du sang, livre qui raconte l’histoire et le déclin d’une famille associée à la mafia. Il convient donc de préciser que ce n’est pas le journal Allô Police qui le premier a juxtaposé le nom de M.Gagliano à celui de certains membres de la mafia, mais le livre qui sert de source au journaliste et qui est le sujet de l’article.
Après examen, le Conseil affirme ne pas partager l’avis du plaignant à l’effet que média et journaliste se sont contentés d’interpréter les faits de façon malveillante, tendancieuse et subjective. De même n’y a-t-il pas vu cette « coloration des faits » invoquée par le plaignant. Dans l’examen de la transcription de l’entrevue de M.Gagliano à l’émission Maisonneuve à l’écoute, le Conseil a noté que le plaignant reconnaissait que «tous les gens de Siculiana qui se retrouvent à Montréal se connaissent ». Par conséquent, quand l’article de M. Desmarais attribue au plaignant des «liens plutôt étroits» avec les membres de la mafia, le Conseil n’y a vu aucune insinuation de rapports et de relations douteuses et illégales avec des « figures connues» de la mafia, mais une proximité réelle et conforme aux faits.
De même en est-il de l’utilisation du mot « questionnable » dans la phrase « la nature de ses rapports avec certains d’entre eux demeure cependant questionnable». Si la GRC a, pour sa part déjà tranché, il n’était pas pour autant interdit à un journaliste et chroniqueur judiciaire de s’interroger sur ces questions. D’autant plus qu’avant de qualifier les relations anciennes de M.Gagliano de « questionnables », le journaliste avait pris soin de préciser : «Bien entendu, toutes ces révélations ne font pas d’Alphonso Gagliano un membre de la grande famille de la mafia italienne ».
En regard des reproches concernant des préjugés à l’égard de la communauté canado-italienne pour expliquer que le journaliste associe le plaignant à la mafia, le Conseil rappelle que ce n’est pas le journaliste mais le livre qui induit ces rapprochements. Le journaliste n’a fait que rapporter les éléments. M. Gagliano est d’origine sicilienne et ceci constitue un fait. Il a côtoyé des personnes originaires de Siculiana, son village natal, et des membres de la grande famille montrée du doigt dans le livre. Le journaliste n’invente rien; il rapporte la réalité.
En revanche, le Conseil a constaté que le journaliste n’a pas rapporté la mention que «Gagliano fut lavé de tout soupçon par la GRC », alors que le livre le mentionnait. S’il n’était pas tenu de le faire en vertu du principe de liberté rédactionnelle, l es principes d’équilibre et d’exhaustivité de l’information l’auraient exigé. Après avoir mentionné que le plaignant avait côtoyé des membres de la mafia, l’équité commandait au moins au journaliste de mentionner que M. Gagliano n’a jamais été trouvé coupable de quoi que ce soit.
Certains éléments infirment cependant la portée de cette omission. Par exemple, cette mention dans le premier article à l’effet que toutes ces révélations ne faisaient pas de M. Gagliano un membre de la mafia; de même que le fait que le journal Allô Police ait donné à M. Gagliano, avant même la parution du premier article, l’opportunité de faire ses commentaires, opportunité qu’il a déclinée.
C’est pour cette même raison que le Conseil n’a pas retenu les griefs concernant la demande de rectification. Le Conseil a considéré que le plaignant avait eu l’occasion de répondre aux questions du journaliste et de donner sa version des faits. De plus, les mis-en-cause ont pris soin de publier l’intégrale d’une entrevue sur le même sujet, effectuée par un journaliste réputé pour sa rigueur, sur les ondes de la Société Radio-Canada.
Par conséquent, au-delà de la réserve déjà exprimée concernant le grief sur l’exhaustivité de l’information, le Conseil de presse rejette la plainte contre le journaliste Richard Desmarais et l’hebdomadaire Allô Police.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15H Insinuations
- C17A Diffamation
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C19A Absence/refus de rectification