Plaignant
Éric Deland, MD
Mis en cause
André Laroche,
journaliste, et La Tribune (Maurice
Cloutier, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
La plainte vise un article paru dans le quotidien
La Tribune de Sherbrooke le 28 avril
2001 et signé par le journaliste André Laroche. L’article relate
l’hospitalisation d’une patiente de 92 ans et laisse entendre qu’elle n’aurait
pas reçu les soins médicaux requis. Le plaignant juge cet article infondé et
prétend que le journaliste ne s’est pas acquitté correctement de son devoir
d’informer ses lecteurs de façon impartiale et équilibrée.
Griefs du plaignant
Au nom des spécialistes en médecine interne du Centre
Hospitalier Universitaire de Sherbrooke (CHUS), le Dr Éric Deland porte plainte
contre le journaliste André Laroche et le quotidien
La Tribune.
Selon le plaignant, la revue du dossier hospitalier de la
patiente permet d’établir que le journaliste a commis plusieurs erreurs et a
manqué de rigueur dans son article. Il dénonce notamment les propos du
journaliste qui, en se basant sur le témoignage du chirurgien-dentiste Pierre
Surprenant, fils de la patiente, affirme que: « sa mère a été transférée
de l’urgence à la médecine interne et cardiologie où elle a été laissée sans
soin. C’est à la suite de pressions qu’elle a pu obtenir une chambre vers 17h00
jeudi soir. Mais ce n’est que 48 heures après son arrivée qu’on lui a
administré les premiers traitements ». De même fustige-t-il l’affirmation selon
laquelle: «une dame de 92 ans aurait été laissée sans médicaments
sur une civière pendant près de 20 heures à l’Hôtel-Dieu… ».
Selon le plaignant, la patiente a séjourné plusieurs heures
à la salle d’urgence, mais elle n’était pas dans un corridor: elle était
dans une salle d’observation. De plus, M. Deland soutient que la patiente a
reçu tous les traitements requis dès les premières heures de son arrivée à la
salle d’urgence. Il prétend également que le Dr John Robb a questionné,
examiné, et rédigé les ordonnances de la plaignante vers minuit, le soir même
de son arrivée à la salle d’urgence.
Au total, le plaignant déplore que M. Laroche « se soit
contenté de reproduire verbatim les
propos tenus par le docteur Surprenant, et qu’il n’ait pas pris le temps
d’obtenir le point de vue des médecins de sa mère, ou de la Direction de
l’hôpital avant de publier son article ».
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. André Laroche, journaliste à La Tribune :
M. André Laroche précise
de prime abord que la version des médecins plaignants, demandée au CHUS pendant
la journée du vendredi 27 avril, a été recueillie le lundi 30 avril et publiée
le mardi 1er mai, en manchette de la page A4 de
La Tribune.
Rappelant par la suite
que les médecins plaignants mettent en avant le dossier hospitalier de la
patiente pour alléguer que le journaliste a manqué de rigueur dans son travail
d’information et qu’ils lui reprochent de se baser sur le seul témoignage du Dr
Surprenant, fils de la patiente. M. Laroche prétend que « l’accusation est sans
fondement car elle repose sur l’accès à des renseignements gardés confidentiels
entre la patiente et le personnel médical. Le journaliste ne peut [donc] que
recueillir les versions des acteurs d’un événement et les reproduire avec le
plus grand souci d’informer adéquatement ses lecteurs ». M. Laroche affirme
avoir transmis aux lecteurs les informations rapportées par le Dr Surprenant en
insistant bien sur le caractère personnel de ce témoignage, et en veut, pour
preuve, l’usage répété du conditionnel et des guillemets.
M. Laroche soutient par
ailleurs qu’il a tenté, en vain, de recueillir la version du CHUS. Dès la fin
de son entrevue avec M. Pierre Surprenant il indique avoir téléphoné au bureau
des communications du Centre hospitalier mais affirme que le directeur du
service était absent. Finalement, la version du CHUS a été rédigée par le
journaliste François Gougeon au début de la semaine suivante et a été publiée
dans l’édition du mardi 1er mai 2001.
Commentaires de M. Maurice Cloutier, rédacteur en chef de La
Tribune :
Concernant l’accusation selon laquelle « la revue du dossier
hospitalier de cette patiente permet d’établir que le journaliste a commis
plusieurs erreurs », M. Cloutier indique que tout médecin se refuse de parler
avec un journaliste d’un cas spécifique, et se fait fort de rappeler la
procédure voulant que l’information aux médias soit transmise par le service
des communications de l’hôpital: « à qui nous avons effectivement demandé
des explications et des commentaires ».
Récusant l’idée d’une « information extrêmement biaisée qui
ne pouvait qu’induire le public en erreur », M. Cloutier affirme enfin que
le journaliste André Laroche a rédigé un
reportage fidèle à la dénonciation formulée par une source manifestant une grande
sincérité et une compétence médicale.
Réplique du plaignant
Le plaignant réitère ses accusations à l’encontre du
qotidien La Tribune et du journaliste
André Laroche.
M. Deland regrette tout d’abord que M. Laroche n’ait pas
joint, le week-end même, l’interniste de garde afin que ce dernier lui donne
une version plus exacte des faits. Rappelant l’allégation de M. Cloutier selon
laquelle le journaliste n’a pu joindre le directeur du service des
communications du Centre hospitalier, le plaignant déplore que celui-ci n’ait
pas alors tenté de joindre le médecin traitant de la patiente, ou son collègue
qui assumait la garde durant le week-end.
Le plaignant indique enfin que la publication du démenti
provenant de la direction du Centre hospitalier dans l’édition du 1er mai 2001
« ne corrige pas la faute professionnelle du journaliste et de son éditeur en
chef ».
Analyse
Les journalistes ont l’obligation de s’assurer de la véracité des faits qu’ils rapportent au terme d’un rigoureux travail de collecte et de vérification des informations. Les médias et les professionnels de l’information ne doivent ni recourir à l’autocensure, ni se laisser guider par leurs préjugés, leurs intérêts personnels ou leurs inimitiés.
Dans le cas précité, le plaignant reprochait au journaliste André Laroche d’avoir manqué de rigueur et d’impartialité dans un article laissant entendre qu’une patiente de 92 ans n’aurait pas reçu les soins médicaux requis lors de son hospitalisation.
Le plaignant reprochait notamment au journaliste de s’être basé sur le seul témoignage du fils de la patiente pour écrire son article.
Dans son analyse, le Conseil a constaté que M. André Laroche a rédigé un reportage fidèle à la dénonciation formulée par le Dr Surprenant et qu’il a pris soin de communiquer au lecteur les propos de M. Surprenant tout en l’informant du caractère personnel de ce témoignage.
Un démenti provenant de la direction du Centre hospitalier a été publié dans les pages de La Tribune le lundi 1er mai 2001. S’il semble que le journal ne puisse pas être suspecté d’un parti pris ou d’une inimitié quelconque, il apparaît cependant que le quotidien aurait dû inciter le journaliste André Laroche à montrer davantage de rigueur dans la collecte de ses informations, en prenant soin de recueillir la version des médecins traitants et de la direction du Centre hospitalier, ce qui aurait présupposer une plus grande disponibilité de sa part le vendredi 28 avril 2001.
Mis à part l’expression de cette unique réserve, le Conseil de presse rejette sur le fond la plainte formulée à l’encontre du quotidien La Tribune et de son journaliste André Laroche.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C13A Partialité
- C15A Manque de rigueur