Plaignant
Parti Québécois
(Marie Malavoy, première vice-présidente)
Mis en cause
The Suburban (Jim Duff, redacteur en chef)
Résumé de la plainte
En tant que
première vice-présidente du Parti Québécois, Mme Marie Malavoy porte plainte
contre The Suburban au sujet d’une caricature
publiée dans l’édition du 27 juin 2001. Selon la plaignante, la caricature en
question sous-entend clairement que le Parti Québécois est une formation
politique à caractère raciste, xénophobe et fasciste.
Griefs du plaignant
La
caricature mise en cause représente le logo du Parti Québécois. La queue de la
lettre Q est représentée par une figure encapuchonnée tendant à rappeler le Klu
Klux Klan et l’Inquisition espagnole.
La plaignante
estime qu’un tel dessin est non seulement préjudiciable à l’égard du Parti
Québécois, mais également à l’endroit de ses milliers de membres. Choquée par
cette caricature diffamatrice et calomnieuse, la plaignante soutient par
ailleurs que la rédaction du Suburban
a fait preuve de négligence quant aux excuses promises par M. Jim Duff à
l’endroit du Parti Québécois.
Commentaires du mis en cause
M. Jim Duff
précise de prime abord que la caricature en cause a été publiée dans la page
éditoriale du Suburban et qu’elle est
à ce titre un dessin d’opinion. M. Duff indique ensuite qu’il ne partage pas
nécessairement les opinions du caricaturiste Napoléon Bonaparte mais que la
position éditoriale de ce dernier a toujours été appréciée par la rédaction du
Suburban.
M. Duff
rappelle qu’après l’affaire Michaud, de nombreux journalistes et d’anciens
cadres du Parti Québécois ont évoqué la nécessité pour le PQ de se débarrasser
de ses éléments les plus réactionnaires et xénophobes afin d’élargir son aura.
Il indique également que la caricature a été inspirée par les commentaires de
Mme Louise Harel à l’Assemblée nationale, qui en évoquant le débat sur les
fusions municipales faisait allusion à la « mentalité colonialiste » de
Westmount.
M. Duff
affirme qu’en tant que membre de la communauté noire de Montréal, M. Bonaparte
a une perception du PQ qui diffère très certainement de celle de la plaignante.
Le message qu’il transmet par le biais de sa caricature reflète donc ses
propres inquiétudes quant au racisme et à la xénophobie qui persistent,
selon lui, chez certains membres du Parti
Québécois.
Le
rédacteur en chef soutient que le Suburban
a toujours reconnu le PQ comme une entité politique légitime plébiscitée
par un large pourcentage de la population, pourcentage comprenant un nombre
important d’immigrants nouvellement arrivés dans la province. Selon lui, la
caricature de M. Bonaparte ne remet nullement en cause cette légitimité.
M. Duff
indique enfin que le Suburban a
offert aux détracteurs du dessin la possibilité d’exprimer leur désaccord sous
la forme d’un courrier des lecteurs et déplore que la plaignante n’ait pas jugé
bon d’utiliser ce droit de réponse. À titre d’exemple, il joint à ses
commentaires la lettre d’un lecteur outré par la caricature de M. Bonaparte. Il
rattache également à son texte un éditorial paru dans les pages du
Suburban, et qui ne manifestait aucun
parti pris à l’encontre du parti Québécois.
Réplique du plaignant
La
plaignante maintient que la caricature de M. Bonaparte dénigre les idéaux, les
sympathisants et les militants du Parti Québécois.
Concernant
les commentaires de M. Jim Duff arguant que la caricature « ne nous porte pas
préjudice puisque aucun texte calomnieux n’y apparaît », Mme Malavoy rappelle
le principe même de la caricature qui est d’évoquer une idée par le biais d’une
image: « à preuve le fait que Bonaparte n’ait eu nul besoin d’inscrire
les termes Parti Québécois afin que la population en reconnaisse le
symbole». Elle affirme que les logos sont de puissants outils communicationnels
et que calomnier un logo équivaut à dénigrer l’ensemble de ce qu’il sous-tend.
Elle
précise aussi que l’habit du Klu Klux Klan est un symbole fortement associé au
fascisme et à la xénophobie: « nul besoin d’y apposer le terme
raciste pour que l’idée en émerge ».
Selon elle, ce dessin diffamatoire constitue un acte gratuit et non justifié
qui injurie l’image même du PQ, alors que celui-ci s’est toujours gardé d’être
associé à des idéologies antidémocratiques ou racistes: « Le projet de
société du Parti Québécois est de type civique; il est inclusif et ne repose en
aucun temps sur des caractéristiques ethniques ».
Mme Malavoy
déplore enfin que la rédaction du Suburban
emploie le courrier des lecteurs afin de se disculperet souhaite que le
journal prenne ses responsabilités à l’égard du PQ et des lecteurs:
«c’est la raison pour laquelle nous
avons décliné leur invitation à faire paraître un texte d’opinion concernant
cette même caricature ».
Concernant
l’éditorial publié en faveur du Parti Québécois, la plaignante souligne que le
rédacteur en chef du quotidien semble confondre les principes mêmes de
l’opinion publique et de la diffamation: « nous ne craignons pas les
divergences d’opinion… mais le cœur de notre requête ne réside pas en une modification
de la ligne éditoriale du Suburban.
Ce que nous réprimons ce sont les propos diffamatoires ».
Analyse
Le Conseil de presse a voulu établir si le mis-en-cause avait outrepassé les limites déontologiques de sa profession, dans le cadre de son travail de caricaturiste.
Le Conseil rappelle que la caricature est un mode d’expression très particulier. Sa fonction est d’illustrer ou de présenter, de façon satirique ou humoristique, un trait, un personnage, un fait ou un événement. C’est un véhicule d’opinion qui s’apparente à l’éditorial; il confère au caricaturiste une grande latitude, laquelle n’est toutefois pas absolue.
Dans le cas précité, la plaignante fustigeait une caricature représentant le logo du Parti Québécois, et qui tendrait à l’assimiler à une formation politique à caractère raciste, xénophobe et fasciste.
Au regard du principe déontologique de la latitude du caricaturiste, ce dernier pouvait bien exprimer son opinion sur le Parti Québécois par le biais d’un dessin satirique et mordant, bien que d’un goût à tout le moins discutable.
En ce qui a trait aux excuses exigées par Mme Malavoy, le Conseil de presse regrette que la plaignante n’ait pas utilisé le droit de réponse qui lui était offert par la direction du Suburban pour exprimer son mécontentement dans les pages du journal. Mais il ne saurait intervenir auprès du rédacteur en chef afin que des excuses soient présentées à la plaignante dans ces mêmes pages.
Aussi, en regard de ces considérations, le Conseil de presse rejette la présente plainte.
Analyse de la décision
- C17A Diffamation
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17G Atteinte à l’image
- C19B Rectification insatisfaisante
Date de l’appel
24 January 2003
Décision en appel
Après examen, les membres de la Commission ont conclu
unanimement de maintenir la décision rendue en première instance. Bien qu’ils
aient jugé la caricature en cause d’un fort mauvais goût, les membres de la
Commission considèrent que celle-ci s’inscrit néanmoins dans le cadre permis
d’un genre journalistique de nature essentiellement satirique.
Griefs pour l’appel
Parti Québécois
(Marie Malavoy, première vice-présidente)