Plaignant
Rachad Antonius
Mis en cause
Elias Levy, journaliste et The
Canadian Jewish News (Mordechai Ben-dat, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
M. Antonius porte plainte contre le journaliste Elias Levy
pour un article paru dans le The
Canadian
Jewish News le 23 novembre 2000 et qui contenait des accusations
fausses à son égard. Ce texte, produit après une démarche journalistique
inacceptable selon le plaignant, portait sur sa présence « contestée » au sein
de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche au journaliste Elias Levy et au
journal The Canadian Jewish News d’avoir
publié deux informations fausses : une à l’effet qu’il y avait « controverse »
au sujet de sa présence à la Chaire d’études stratégiques
Téléglobe-Raoul-Dandurand de l’UQAM (maintenant la Chaire d’études stratégiques
Raoul-Dandurand de l’UQAM); et une information à l’effet que la présence de M.
Antonius était « embarrassante » pour la Chaire. Le plaignant reproche
également au journaliste d’avoir utilisé, lors de sa rencontre avec le
directeur de la Chaire, un stratagème incompatible avec l’éthique
journalistique alors que celui-ci ne savait même pas qu’il s’agissait d’une
entrevue dont le contenu allait être publié. Le plaignant fournit ensuite
certaines précisions.
C’est à l’invitation de représentants de la Chaire, qui
connaissaient parfaitement son travail, que M. Antonius s’est joint à
l’organisme, et sans avoir fait de demande en ce sens. Il s’est retiré à la fin
de l’année académique 2001-2002 à cause de ses recherches, sans pression ni
demande de retrait. La prétendue « controverse » à son sujet n’a jamais existé
à la Chaire; et il s’agit d’une pure création du journal
The
Canadian Jewish News. Son représentant
a commencé ses contacts avec la chaire
par une longue diatribe contre le plaignant, ce qui est incompatible avec son
rôle de journaliste. Ainsi, c’est le journaliste qui a voulu créer de toutes
pièces une controverse qui n’existait pas. Le plaignant ajoute que, comme l’a
indiqué le directeur de la Chaire, Charles-Philippe David, il est normal que
les chercheurs en milieu académique aient des perspectives différentes sur les
sujets d’études, et le fait d’avoir des opinions différentes ne signifie pas
qu’il y ait eu une controverse sur la « présence » d’un chercheur.
Pour le plaignant, le but de l’article, apparemment
déterminé avant l’entrevue avec M. David, semble avoir été de faire du
salissage à son endroit et d’exercer des pressions sur la Chaire plutôt que
d’informer le public. Les procédés utilisés par M. Levy seraient inacceptables
puisque ce dernier ne s’est pas clairement présenté comme journaliste et parce
qu’il a lui-même commencé sa rencontre en présentant au directeur ses doléances
sur la présence du plaignant à la Chaire. M.Levy se serait comporté
davantage comme un représentant d’un groupe de pression qui voulait influencer
les décisions de nature académique de la Chaire que comme un journaliste.
Le plaignant indique que l’article en question n’était pas
un éditorial, mais un texte d’information journalistique. De plus, M. Levy n’a
pas tenté de le rejoindre pour obtenir son opinion alors qu’il était le premier
concerné par le sujet. Enfin, dans son article, le journaliste a cité
longuement un professeur de l’UQAM qui a été associé à la Chaire sans
mentionner que celui-ci occupe une fonction dans la structure de son journal.
Pour le plaignant, aucune réplique à l’intérieur du journal ne saurait
compenser les torts faits à sa réputation et il invite le Conseil à demander à
The
Canadian Jewish News de lui
présenter des excuses publiques claires et sans ambiguïté.
Information complémentaire : Environ trois mois après
avoir déposé sa plainte, M. Antonius écrit au président du conseil
d’administration du Conseil de presse pour lui présenter sa démission. Depuis
lors, il dit n’être entré en contact avec personne du Conseil, sauf avec le
secrétariat pour ce qui touche les procédures et les délais de la plainte
elle-même. M. Antonius explique qu’il tient à ne pas mettre dans l’embarras qui
que ce soit, et pour ne pas que les rapports interpersonnels jouent de quelque
façon que ce soit dans les décisions relatives à cette plainte. Le plaignant
suggère enfin au Conseil de faire appel à des membres qui n’ont pas siégé en
même temps que lui pour que l’examen de sa plainte ne repose que sur la base de
l’éthique journalistique.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du rédacteur en chef, Mordechai Ben-Dat :
Les commentaires de M. Lévy, reçoivent complètement l’appui
et l’adhésion de M. Ben-Dat. Il a la plus grande confiance en M. Elias Levy qui
représente, autant comme individu que comme journaliste une source de prestige
pour The Canadian Jewish News. M. Levy est renommé et hautement respecté dans
la communauté. Rédacteur en chef depuis sept ans, M. Ben-Dat n’a jamais entendu
ni reçu de plainte à son sujet, ni au sujet de son travail. Ses habilités
exceptionnelles à titre d’écrivain et journaliste n’ont d’égal que son
intégrité personnelle sans compromis. Le rédacteur en chef considère donc comme
une grande source de fierté personnelle et professionnelle le fait de lui être
associé. Ses pratiques professionnelles eussent-elles été contraires à
l’éthique qu’il ne travaillerait pas à l’hebdomadaire
The Canadian Jewish News
Commentaires du journaliste, Elias Levy :
La réponse comporte 18 pages d’explications et 18 pages
d’annexes. En préambule, les mis-en-cause relèvent que ni le Conseil, ni M.
Antonius n’ont fait mention que le plaignant est, depuis 1998, membre du
conseil d’administration du Conseil de presse du Québec. Pour lui, cette
information est très importante car M. Antonius est familier avec la structure
et le processus décisionnel du Conseil, et le plaignant doit connaître
personnellement les membres du Conseil qui devront se prononcer sur le litige.
Il y a donc là conflit d’intérêts. Les
mis-en-cause indiquent cependant avoir décidé de faire confiance au Conseil de
presse, en espérant que cette plainte soit traitée le plus équitablement
possible. Pour eux, il était impératif de
« répliquer aux accusations mensongères étayées par M.Antonius »
dans sa plainte.
C’est la première fois qu’une plainte contre M. Levy et
contre son journal est déposée devant le Conseil et le journaliste estime que
sa crédibilité professionnelle et la réputation de son journal sont ainsi
ternies. The Canadian Jewish News est le plus important journal indépendant de
la communauté juive canadienne et une véritable institution.
Il en rappelle certains contenus récents et mentionne
quelques grandes entrevues avec des spécialistes réputés; il demande ensuite si
des personnalités intellectuelles de cette trempe auraient accordé des
entrevues à un «pseudo-journaliste » qui ne s’identifie pas clairement
lorsqu’il sollicite une entrevue. M. Levy répond ensuite à chacune des accusations
du plaignant.
Au sujet de la prétendue «controverse» à la
Chaire Raoul-Dandurand, le plaignant aurait éludé dans sa plainte des
informations capitales. Et son journal n’aurait jamais consacré un article à
M.Antonius et à son adhésion à la Chaire si celui-ci n’avait pas publié
dans le quotidien LaPresse du 25 octobre 2000 un article très partial et
foncièrement anti-israélien, où apparaissait le nom de la Chaire. L’article
était publié dans la page Forum, à côté d’un autre point de vue diamétralement opposé
à celui de M. Antonius et signé par le Comité Canada-Israël du Québec.
Pour M. Levy, l’allégation voulant que son article visait à
faire du salissage à l’endroit du plaignant et à exercer des pressions sur la
Chaire est sans fondement. Il explique en quoi la mention du nom de la Chaire
dans l’article de La Presse du 25 octobre 2000 posait problème et rappelle le
contexte prévalant au moment de la publication des articles. Et le texte de
M.Antonius n’avait qu’une finalité : dénigrer Israël. C’est après de
nombreux appels de lecteurs que The Canadian Jewish News a décidé de consacrer
un article à cette affaire. Ils voulaient savoir si les responsables de la
Chaire Raoul-Dandurand avaient pris connaissance de l’article et s’ils avaient
donné leur aval pour que le nom de la Chaire y soit associé. Pour le
journaliste, en ne soumettant pas préalablement son article aux responsables,
M.Antonius avait enfreint le règlement en vigueur à la Chaire, ce qu’ont
confirmé les directeurs Charles-Philippe David et Houchang Hassan-Yari. Le
plaignant demande d’ailleurs au Conseil de vérifier auprès de M.David si
la Chaire aurait accepté qu’on publie un texte de ce type en utilisant son nom.
En ce qui a trait à la « controverse » créée de toutes
pièces par les mis-en-cause, ce terme «controverse » n’apparaît qu’une
seule fois, et dans le titre de l’article. Pour le journaliste, un titre ne
résume pas toujours l’essence ni le contenu de tout un article. Et tout ce qui
était écrit dans cet article est que M. Antonius a grandement embarrassé les
dirigeants de la Chaire. D’ailleurs, les propos des directeurs n’ont jamais été
réfutés, ni par l’un, ni par l’autre, et aucune pression lancinante n’a été
exercée de la part des mis-en-cause sur la Chaire.
Au sujet de l’atteinte à la réputation du plaignant, M. Levy
relève un paradoxe : M. Antonius donnerait l’impression que son journal n’est
pas crédible (ce que M. Levy s’emploie à réfuter), mais soutient en même temps
que l’article a causé « un tort à sa réputation ». Le journaliste explique que
son article n’a été lu que par un lectorat limité et n’a pas été diffusé sur le
site Internet du journal.
M. Levy considère mensongère et diffamante l’accusation
selon laquelle il a « utilisé un stratagème incompatible avec l’éthique
journalistique, le directeur de la Chaire ne sachant même pas qu’il s’agissait
d’une entrevue dont le contenu allait être publié ». Pour lui, s’il est
d’accord avec M. Antonius, M. David aurait dû lui-même déposer une plainte
auprès du Conseil de presse du Québec. Or, depuis la publication de son
article, personne de la direction de la Chaire ne lui a adressé la moindre
protestation.
Donc, après plusieurs démarches, M. David l’a reçu, en entrevue.
Il s’est présenté très clairement et lui a précisé qu’il préparait un article
sur cette affaire qui lui apparaissait inacceptable.
M.David qui n’avait pas eu le temps de lire intégralement
l’article a reconnu que le « ton » lui apparaissait « excessivement
anti-israélien » et que ce texte aurait dû tenir compte des compromis et
concessions faites lors des négociations du Maryland en 2000. Le journaliste
demande qui peut croire qu’il aurait pu berner M. David en se faisant passer
pour le représentant d’un groupe de pression et il exige le nom de ce groupe.
Le plaignant veut donner l’impression que son travail journalistique n’en est
pas vraiment un, que celui-ci relève plutôt d’un complot sciemment fomenté pour
le discréditer et piéger M. David.
Au sujet de « la diatribe » contre M. Antonius, il répond
que le plaignant reconnaît qu’il n’est pas très sûr de ce qu’il avance. Pour
lui, il a tout simplement fait part à M.David des griefs incisifs que lui
ont transmis des membres de sa communauté. En outre, le plaignant n’a fait
aucun commentaire au sujet des propos tenus à son endroit par le professeur
Julien Bauer, mais il a reproché à celui-ci d’être en flagrant conflit
d’intérêts parce qu’il siégeait à un comité du journal.
Si M. Antonius s’étonne de ne pas avoir été contacté pour
donner son avis sur cette affaire, c’est que son point de vue n’aurait été
d’aucune pertinence; le but de l’article était de recueillir le point de vue
officiel des dirigeants de la Chaire. De plus, dans ce contexte de tension,
citer des propos de M. Antonius aurait suscité l’ire de beaucoup de ses
lecteurs. M. Antonius s’offusque d’avoir été qualifié de pro-palestinien, mais
pour M. Levy, être pro-palestinien ou pro-israélien n’est pas une tare ou une
honte en soi, et le «militantisme échevelé » de M. Antonius auquel il
fait allusion dans son texte est basé sur des faits précis, mentionnés dans
l’article.
Le journaliste rappelle en terminant qu’Israël est une
démocratie où une nuée de groupes et de personnes militent librement pour la
défense de toutes sortes de causes. Et pour lui, M. Antonius est très sélectif
dans ses sources qui, dans le cas de son article, ne sont pas crédibles. Enfin,
pour M. Levy, les notions de « crédibilité »
et « d’objectivité » sont des concepts chimériques lorsque l’on analyse
le conflit israélo-palestinien et que l’on est engagé dans un camp ou dans
l’autre.
Le journaliste annexe à sa reponse :
– une entrevue accordée à son journal par M. Philippe Séguin
lors d’une visite à la Chaire;
– une lettre de témoignage de Mme Ghila Sroka, étudiante à
l’UQAM et membre du groupe de
recherche GRESMO de
la Chaire Raoul-Dandurand;
– copie de la lettre envoyée le 10 décembre à M. David par
The Canadian Jewish News;
– lettre de M. Julien Bauer, professeur au Département de
science politique de l’UQAM;
– une plainte de M. Rachad Antonius, en septembre 1984,
contre le journal The Suburban.
Réplique du plaignant
La réponse compte sept pages, suivies de six pages
d’annexes, en réponse aux commentaires.
Dans sa plainte, M. Antonius affirmait que ce que le
journaliste publiait à son sujet était tout simplement faux et visait à ternir
sa réputation. Il relève, en guise
d’illustration, l’annexe 2 des commentaires, signée par Mme Ghila Sroka,
affirmant qu’il avait été mis à la porte de la Chaire Raoul-Dandurand.
Il rappelle les circonstances de son départ de son plein gré
de la Chaire et annexe copie de sa correspondance avec M. Charles-Philippe
David pour démontrer qu’il n’y a pas eu de retrait du titre de chercheur ni de
« mise à la porte ». Il conclue donc à la calomnie.
Sa plainte comportait deux éléments principaux. D’une part,
M. Levy ne s’était pas comporté comme un journaliste lors de sa prise de
contact avec MM. David et Hasan-Yari et il ne les a pas informés qu’il
s’agissait d’une entrevue. D’autre part, il n’y avait pas eu « controverse » à
la Chaire concernant ni sa présence, ni le contenu de ses articles. Pour le
plaignant, il y a donc là falsification du sens des faits qui n’est pas de
l’ordre de l’interprétation mais qui touche au fait rapporté lui-même. En
somme, il y a problème en regard de la véracité de la nouvelle publiée et,
parallèlement à ceci, certains des éléments apparaissent carrément
diffamatoires.
Le plaignant reprend un à un les griefs exposés
antérieurement pour les préciser et faire certaines distinctions en réponse aux
commentaires de M. Levy : pour lui, il y a eu confusion des rôles, la fonction
de pression l’emportant sur celle de la cueillette de l’information avec impact
sur l’entrevue et l’article du journaliste. En regard des sources du
journaliste, celles-ci ont été sélectionnées dans un seul sens, celui qui était
diffamatoire à son égard. L’article ne répondait pas selon lui à un objectif
d’information mais de « character
assassination ».
En ce qui concerne la « controverse », le journaliste
prétend que l’objet de la controverse, c’est la procédure d’approbation du
texte par les dirigeants de la Chaire, mais ce n’est pas ce qui apparaît dans
le texte publié par M. Levy. Partant de la question de la procédure, le
mis-en-cause passe subrepticement à celle de M. Antonius à la Chaire, qu’il
présente comme une aberration. Si M. Levy l’avait contacté, comme aurait fait
tout journaliste qui consacre un article entier à une personne, il aurait su le
fond de l’histoire que le plaignant expose en détail. Il conclut qu’il n’y
avait ni faute, ni controverse, mais un simple malentendu qui a été clarifié.
Le plaignant défend également sa façon de faire référence à la Chaire, qui n’a
pas suscité de controverse non plus.
M. Antonius entreprend ensuite de démontrer que la
controverse inventée par M. Levy avait plutôt trait à sa présence à la Chaire.
Il insiste pour réaffirmer que les pressions de M. Levy sur la Chaire n’ont pas
porté fruit, qu’il n’a jamais été « mis à la porte » et que quand il s’est
retiré, c’est de son plein gré et sans pression d’aucune sorte de la part des
dirigeants de la Chaire.
Le plaignant expose enfin le fond du débat et les enjeux de cette
plainte pour conclure que plutôt que de débattre des idées qu’il propose, c’est
l’intimidation et le salissage des réputations qui ont été préférés par les
mis-en-cause. Il termine en réitérant
sa demande au Conseil de condamner les mis-en-cause et leur persistance à
propager des mensonges à son égard. Le plaignant souhaite que le Conseil se
prononce sur les procédures journalistiques utilisées. Il demande également au
journal un espace pour lui permettre de rectifier la situation.
M.Antonius annexe à sa réponse:
– sa lettre de « modification de statut » à la Chaire et la
réponse de M. Charles-Philippe David;
– une copie de la politique canadienne à l’égard du
processus de paix au Moyen-Orient;
– une lettre de 1999 du directeur adjoint de la Chaire
concernant une collaboration;
– une lettre de témoignage d’un professeur de l’Université
de Montréal.
COMMENTAIRES À LA RÉPLIQUE :
Exceptionnellement, le Conseil de presse a accepté
d’accueillir les commentaires des mis-en-cause à la réplique du plaignant, soit
13 pages de réponse et des 26 pages d’annexes. Les sujets abordés par M. Levy
sont les suivants :
– la démission de M. Rachad Antonius du conseil
d’administration du Conseil de presse;
– la confusion des rôles;
-le temoignage de Mme Ghila Sroka et la verification des sources;
– la controverse;
-la selectivite des sources
-le fond du debat.
Documents annexés :
preuve de l’envoi par courrier recommandé d’une lettre à M.
Charles-Philippe David;
témoignage de M. Antonius devant un comité de la Chambre des
communes d’Ottawa;
intervention du Pr. Y. Rabkin à un colloque organisé par la
communauté juive de Montréal;
affiche de la conférence du Pr. Mair Amor à l’Université
McGill;
recherche de M. Antonius sur Internet (groupes pratiquant
une suprématie raciale);
texte de propagande anti-israélien citant des exemples d’une
étude de M. Rachad Antonius;
texte de M. Antonius publié dans
La Presse du 25 octobre 2000.
Informations complementaires :
Six mois environ après le dépôt de la plainte, le Conseil de
presse du Québec a reçu par courrier du titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand,
M. Charles-Philippe David, réponse à des questions transmises quelques jours
auparavant par le Secrétaire général du Conseil. Compte tenu de l’importance de
ce document dans le présent cas, voici un extrait de ce qu’écrivait M. David :
« 1. Il est erroné selon moi de parler de « controverse » à
la Chaire, suscitée par l’article de Rachad Antonius. Je fus certes embarrassé par
cet article, dans la mesure où il n’avait pas été soumis à mon approbation
préalable ni à celle du directeur de recherche de l’époque, Monsieur
Hassan-Yari, et que nous trouvions que le ton de l’article était un peu
déplacé. Toutefois, cela ne constituait nullement une réaction de notre part au
contenu de l’article qui est le fruit d’une réflexion émanant d’un
universitaire dont on reconnaît normalement le droit de s’exprimer librement.
2. Durant ma conversation avec M. Levy, je fus sous
l’impression constante d’une démarche d’un lobbyiste et non d’un journaliste.
Je suis sous l’impression de ne pas avoir clairement compris que je
m’entretenais avec un journaliste, car j’aurais exigé d’être interviewé « off
record » et à tout le moins j’aurais demandé de recevoir une copie de son
article – et qui ne fut reçu d’ailleurs qu’un an plus tard. Durant l’entrevue,
par ailleurs la démarche de M. Levy consistait davantage à dénoncer les
opinions et la crédibilité de M. Antonius. Tout cela m’a laissé durant et après
notre entretien la nette impression d’une démarche de lobbyiste et non de
journaliste.
3. Monsieur Antonius n’a absolument pas été renvoyé de la
Chaire Raoul-Dandurand mais a volontairement démissionné le 26 mai 2001. Toute
autre interprétation est erronée. »
Analyse
Le journaliste mis en cause affirmait que le différend qui oppose les parties dans ce dossier a comme toile de fond un conflit séculaire où chacun des protagonistes a choisi son camp avec force et conviction. Le Conseil rappelle qu’il n’est ni dans ses usages, ni dans ses intentions de prendre parti en faveur de qui que ce soit dans un conflit. Son seul propos, dans le présent dossier, porte sur l’existence ou non d’entorse à l’éthique journalistique actuellement en usage au Québec.
Une autre précision s’impose également, en préambule à cette décision. Le Conseil de presse rappelle que lors de la convocation d’une session de son Comité des plaintes et de l’éthique de l’information, il prend soin de s’assurer que les membres qui ont à se pencher sur un dossier ne se trouvent en aucune façon en conflit d’intérêts présent ou passé.
Le premiers grief sur lesquels s’est penché le Conseil avait trait à une inexactitude dans le titre du texte incriminé. Après examen du titre et à la suite dela consultation effectuée auprès du directeur de la Chaire Raoul-Dandurand, M. Charles-Philippe David, le Conseil concluait que le journal The Canadian Jewish News commettait une inexactitude en affirmant qu’il y avait eu «controverse » à la Chaire.
Une autre accusation du plaignant avait trait à un stratagème qu’aurait utilisé le journaliste Elias Levy lors de sa rencontre avec le directeur de la Chaire : il ne se serait pas présenté clairement comme un journaliste.
De l’avis du Conseil, rien ne permet ici d’affirmer hors de tout doute que M. Levy ait tenté sciemment et volontairement de tromper son interlocuteur pour lui soutirer des informations qu’il allait publier plus tard, dans sa fonction journalistique.
Le plaignant reprochait aussi à M. Levy de ne pas l’avoir contacté pour obtenir sa version des faits. Le journaliste expliquait que le fait de publier la réponse de M. Antonius aurait pu avoir pour effet d’irriter ses lecteurs. Cependant, les principes d’équité en matière journalistique en usage au Québec veulent qu’au moment où l’on consacre un article complet pour dénoncer une personne et ses comportements, on offre en contrepartie à cette personne la possibilité de répondre aux accusations. Ce qui n’a pas été fait dans ce cas-ci et ce qui représente un manquement à l’éthique professionnelle.
Un autre grief formulé par le plaignant avait trait à une possibilité de conflit d’intérêts entre le professeur Julien Bauer et son intervieweur, le journaliste Elias Levy. Après examen, le Conseil n’a pu établir s’il y avait effectivement conflit d’intérêts entre le professeur, membre d’un comité de la direction du journal, et le journaliste. Mais même si M. Bauer affirme n’avoir aucune communication avec les journalistes, sa seule présence et la communauté d’intérêts des deux personnes ne peuvent qu’engendrer, à tout le moins, une apparence de conflit d’intérêts, ce que la déontologie demande d’éviter, afin de protéger l’image d’intégrité de la profession.
En ce qui a trait à l’atteinte à la réputation du plaignant, le Conseil estime que même si M. Antonius avait l’impression que le journaliste visait à la fois à le discréditer et à le piéger, cette affirmation n’était pas démontrée et nul ne pourrait conclure ainsi sans faire un procès d’intention à M. Levy.
Pour ces raisons, et en tenant compte des nuances exprimées précédemment, le Conseil de presse du Québec retient la présente plainte contre l’hebdomadaire The Canadian Jewish News et son journaliste Elias Levy sur deux seuls aspects, soit en regard d’un manque d’équilibre et d’équité dans l’article en cause et soit en raison d’un titre ne correspondant pas rigoureusement à la réalité.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12C Absence d’une version des faits
- C17G Atteinte à l’image
- C22F Liens personnels
- C23D Tromper sur ses intentions