Plaignant
école secondaire Champagnat (Yves-Louis Bourassa, directeur)
Mis en cause
Martin Lafrenière et Jean-Marc Beaudoin, journalistes, et Le Nouvelliste (Christiane St-Pierre, rédactrice en chef)
Résumé de la plainte
La plainte formulée par M. Yves-Louis Bourassa vise un article du journaliste Martin Lafrenière et une chronique de M. Jean-Marc Beaudoin. Le premier, paru dans l’édition du Nouvelliste du 8 février 2002, traitait de l’arrestation dans un autobus scolaire de deux élèves des Estacades pour possession de stupéfiants. Cet article est également paru dans La Presse le 8 février 2002. La chronique de Jean-Marc Beaudoin, publiée le 12 février 2002, réfère à certaines allégations du journaliste Martin Lafrenière, selon lesquelles les élèves fument du « pot » à l’école secondaire Champagnat de La Tuque.
Griefs du plaignant
En premier lieu, M. Bourassa reproche au journaliste Martin Lafrenière d’avoir écrit des propos mensongers à l’endroit de l’école secondaire Champagnat à La Tuque, de l’effet que : « Si des élèves de l’école secondaire Champagnat fumaient dans leur classe… ». Ce premier article a été reproduit dans La Presse du 8 février 2002.
En second lieu, le plaignant reproche au chroniqueur Jean-Marc Beaudoin d’avoir écrit dans son article du 12 février 2002 : « Il est inacceptable que des jeunes fument des joints de marijuana dans les autobus scolaires, dans les cours d’école et encore moins en classe, comme à Champagnat à La Tuque ». Selon le plaignant, M. Beaudoin n’a jamais vérifié sa source d’information et a aussi tenu des propos mensongers. M. Bourassa « considère que c’est pervers et malicieux de vouloir ternir la réputation d’une école en tenant des propos mensongers ».
Le plaignant demande enfin la publication d’un erratum à la charge du Nouvelliste. Il souhaite que la photo des deux journalistes apparaisse à la une du journal Le Nouvelliste et que le titre soit écrit en caractère gras identique à l’article paru le 8 février 2002 et qu’il s’intitule : « Propos mensongers de deux journalistes à l’égard des élèves de l’école secondaire Champagnat ». Il souhaite également que « l’article soit aussi reproduit dans La Presse, à la même section, en première page du cahier Montréal Plus pour que la population sache qu’on ne doit pas écrire des faussetés sans en subir les conséquences ».
M. Bourassa joint à sa plainte une lettre envoyée à la Sûreté du Québec le 20 novembre 2001 et signée par le président du conseil d’établissement de l’école secondaire Champagnat. La lettre est une demande adressée à la Sûreté du Québec en vue de remédier aux problèmes de drogue au sein de cette maison d’enseignement.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Mme Christiane St-Pierre, rédactrice en chef du Nouvelliste :
Concernant l’article de M. Martin Lafrenière, Mme St-Pierre rappelle qu’il portait essentiellement sur l’arrestation de jeunes étudiants dans un autobus scolaire. Elle précise que pour introduire le sujet, le journaliste a utilisé un exemple pour traduire les tendances de consommation chez les jeunes dans les écoles.
En ce qui concerne la chronique de M. Jean-Marc Beaudoin, Mme St-Pierre indique que le chroniqueur a eu recours à un procédé de dédramatisation pour écrire sur la politesse et le respect.
Selon Mme St-Pierre, « Si les journalistes avaient voulu ternir la réputation de l’école ils auraient plutôt choisi de multiplier et insister sur la problématique décrite par M. Yvon De La Chevrotière à propos des habitudes de consommation dans l’école ». Elle reconnaît néanmoins que « les journalistes écrivent que les jeunes de l’école Champagnat fument leur joint en classe alors que le libellé de la lettre de M. De La Chevrotière mentionne plutôt que les joints sont roulés dans la classe. Ainsi, le fait de rouler les joints en classe n’a pas été rapporté correctement ».
Elle rappelle enfin que les pratiques du Nouvelliste en matière de collecte de l’information exigent de rapporter le plus fidèlement possible les propos rapportés. Si elle reconnaît aisément qu’il existe une nuance entre rouler et fumer, elle souligne que dès lors, « il aurait fallu lire que les étudiants de l’école Champagnat de la Tuque roulent des joints dans les classes plutôt qu’ils fument du pot en classe ».
Commentaires de Martin Lafrenière, journaliste :
M. Martin Lafrenière soutient ne pas avoir écrit le texte publié le 8 février avec l’intention malicieuse et perverse de ternir la réputation de l’école Champagnat de La Tuque. Il admet toutefois que l’amorce du texte, traitant de la découverte de marijuana dans un autobus scolaire de la Commission scolaire du Chemin-du-Roy, faisait effectivement référence au problème de drogue qu’a vécu l’école Champagnat de La Tuque en janvier. Et de préciser que « cette référence n’était qu’un rappel d’événements qui ont occupé l’actualité régionale du territoire desservi par le quotidien Le Nouvelliste… ».
M. Lafrenière indique que son texte, loin de stigmatiser l’école secondaire de La Tuque, tend à montrer que ses étudiants ne sont pas les seuls à être confrontés à cette problématique de consommation de drogue.
Finalement, le journaliste conclut en se référant à la lettre rédigée par le conseil d’établissement de l’école de La Tuque : « Ce problème a d’ailleurs été reconnu par le conseil d’établissement de ladite école, qui a fait appel à la Sûreté du Québec pour la combattre ».
Réplique du plaignant
Le plaignant ne présente pas de réplique.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent, de façon générale, mentionner la source ou la provenance de leurs informations et prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de leur crédibilité et pour vérifier l’authenticité de l’information qu’ils en tirent.
Le plaignant reprochait aux journalistes Martin Lafrenière et Jean-Marc Beaudoin d’avoir, par des propos mensongers, généralisé le fait qu’à l’école secondaire Champagnat, on fume des joints dans les classes.
MM. Lafrenière et Beaudoin ont effectivement écrit que certains élèves de l’école Champagnat de La Tuque fumaient de la marijuana dans l’école, voire dans les salles de classe. Ils se sont appuyés sur une lettre envoyée à la Sûreté du Québec le 20 novembre 2001 par le conseil d’établissement de l’école secondaire de Champagnat. Ladite lettre établissait clairement que les problèmes de drogue étaient connus de la direction de l’école, qui tentait d’y remédier par le biais de la Sûreté du Québec. Il n’y avait donc rien de mensonger dans l’évocation des problèmes de drogue à l’école Champagnat faite par MM. Lafrenière et Beaudoin.
Le plaignant dénonçait par ailleurs l’expression « fumaient leurs joints dans les classes », alors que la lettre émanant du Conseil d’établissement de l’école de Champagnat indiquaient que des élèves allaient jusqu’à « se rouler » un joint dans la classe.
Le Conseil n’a pas à établir de lexique des termes que les médias ou les professionnels de l’information doivent employer ou éviter, les décisions à cet égard relevant de leur autorité et de leur discrétion rédactionnelles. Les médias et les professionnels de l’information doivent cependant peser l’emploi des mots qu’ils utilisent, être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur dans l’information afin de ne pas induire le public en erreur sur la vraie nature des situations ou encore l’exacte signification des événements.
S’il y a une différence évidente entre le fait de « rouler » et celui de « fumer », force est de reconnaître que la détention même de marijuana est illicite et que le fait de « rouler » obéit à la volonté sous-jacente de « fumer ». Mais il n’en demeure pas moins, aux yeux du Conseil, que les deux journalistes en cause ont commis une erreur de fait en rapportant que des élèves fumaient du « pot » dans leur classe.
Aussi, le Conseil de presse se voit-il dans l’obligation, sur cet unique grief, de retenir les plaintes contre Le Nouvelliste et les journalistes Martin Lafrenière et Jean-Marc Beaudoin.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C15A Manque de rigueur