Plaignant
Pascal Beausoleil
Mis en cause
Normand Provencher,
journaliste, et Le Soleil (Alain
Dubuc, président et éditeur)
Résumé de la plainte
La plainte vise un article du journaliste Normand Provencher
du quotidien Le Soleil, paru le 24
mars 2001. M. Beausoleil accuse le journaliste d’avoir littéralement plagié la
majorité de son article en recopiant plusieurs extraits d’un texte paru dans la
revue amÉricaine
Entertainment Weekly
(édition du 23 mars 2001).
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche au journaliste d’avoir plagié la
majorité de son article en recopiant plusieurs extraits d’un texte paru dans la
revue amÉricaine Entertainment Weekly.
Le journaliste aurait volé les analyses, les mots et les prédictions et même
certains effets de style littéraire, en plus de livrer le tout dans un format
de présentation identique.
M. Beausoleil ajoute que n’importe quel individu sachant
lire, écrire et traduire, pourrait donc s’improviser journaliste spécialisé
dans n’importe quel domaine.
Le plaignant soulève le fait que l’employeur de M.
Provencher a catégoriquement refusé de blâmer ou même de reconnaître la faute
professionnelle de son journaliste. Il s’agit, selon le plaignant, d’une
attitude qui encourage directement la méthode malhonnête du plagiat.
Commentaires du mis en cause
M. Dubuc reconnaît que M. Provencher a commis une faute
professionnelle. Il explique tout de même qu’il est normal qu’un journaliste, dans
l’exercice de son métier, incorpore à son article divers éléments puisés à
diverses sources, y compris des éléments empruntés à d’autres médias et
notamment à des publications spécialisées. Mais lorsque ces emprunts sont
nombreux et significatifs, comme c’est le cas ici, l’éthique journalistique
exige que l’auteur mentionne la source de ses emprunts. En omettant de le
faire, M. Provencher a commis une faute professionnelle. Cette erreur, M.
Provencher l’a reconnue dans une chronique signée le 30 mars 2001.
Cet incident malheureux comportait des leçons, pour le
journaliste, qui ne commettra certainement plus de maladresse du genre, mais
aussi pour Le Soleil, en le rappelant
à ses devoirs de vigilance. Pour la direction du
Soleil le dossier était clos. La direction fût donc surprise
d’apprendre 50 semaines après l’incident, quelques jours avant le délai maximal
d’un an après publication, que M. Beausoleil portait plainte à ce sujet. M.
Dubuc arrive difficilement à comprendre le ton de véhémence dans la formulation
de la plainte, puisque M. Beausoleil n’est pas une victime de l’article et
qu’il n’a certainement pas rédigé sa plainte à chaud, sous le coup de
l’émotion. Pour M. Dubuc la plainte contient d’importantes exagérations, ainsi
que des accusations dont certaines sont graves, blessantes à l’égard du
Soleil et sans fondement.
Tout d’abord, l’affirmation voulant que M. Provencher «
plagie littéralement la majorité de son article » est factuellement fausse. M.
Dubuc estime que le document présenté par le plaignant est une « falsification
» et est incomplet. En fait, explique M. Dubuc, le plaignant n’a présenté que
la moitié de la chronique, que les éléments « pour » et « contre ». Alors, que
le texte publié dans le Soleil,
comporte cinq éléments : les prix remportés par le nominé, ses nominations aux
Oscars, le pour, le contre, ainsi que les prédictions du journaliste. M. Dubuc
souligne « que le texte soumis par M. Beausoleil est tronqué et qu’un exercice
de mise en page par le plaignant a eu pour effet de rendre ces omissions
difficilement perceptibles ».
M. Dubuc fait un calcul, en pourcentage, des éléments, qui
selon lui, comptent comme un emprunt au texte du
Entertainment Weekly. Comme l’article écrit par M. Provencher est
plus complet que la version soumise par le plaignant, la proportion est
d’environ 10 %. M. Dubuc reconnaît que même à 10 %, les emprunts sont trop
nombreux pour que l’on omette d’en préciser la source. Mais ceci démontre que
le premier élément de la plainte de M. Provencher, qu’il « plagie littéralement
la majorité de son article » est faux.
Ensuite, la phrase « par cette méthode qu’utilise M.
Provencher, n’importe quel individu sachant lire, écrire, et traduire, pourrait
s’improviser journaliste spécialisé dans n’importe quel domaine », constitue
une généralisation abusive et blessante pour un journaliste qui s’est distingué
dans le domaine de la critique.
Enfin, l’affirmation voulant que « la direction a
catégoriquement refusé de blâmer ou même de reconnaître la faute
professionnelle » constitue une accusation très grave à notre égard, et est
sans fondement. C’est semble-t-il, une des principales raisons évoquées par M.
Beausoleil pour justifier sa plainte tardive. Nos pratiques, ainsi que nos
commentaires, devraient convaincre du contraire.
Bien que la direction du Soleil
reconnaisse le fait qu’une faute à été commise, M. Dubuc s’empresse d’ajouter
qu’il s’agit d’une faute mineure, sans portée significative, au sens où il
s’agit d’une faute sans victimes.
M. Dubuc précise que l’utilisation d’une grille « pour » ou
« contre », ne constitue pas comme l’estime le plaignant, une forme de plagiat
ou de repiquage. Cette formule a été largement utilisée, entres autres, par
Le Soleil,
La Presse, le National Post
et Première. L’éditeur mentionne que
la grille avait d’ailleurs été préparée avant le voyage, de M. Provencher, à
Los Angeles et avant la publication de cette édition du
Entertainment Weekly. C’est à la lecture de l’édition du 23 mars
qu’a été incorporés certains de ces éléments à son article original.
L’erreur de M. Provencher n’est pas une faute qui est restée
cachée du public. L’animateur radiophonique André Arthur y a consacré
l’essentiel de deux émissions. M. Dubuc évoque cet incident pour trois raisons.
Tout d’abord parce qu’elle a fait de M. Provencher une victime. Deuxièmement,
elle a propulsé l’erreur du journaliste en débat public et que M. Beausoleil
est très certainement au courant de l’existence de ce débat lancé par M.
Arthur. Et enfin, parce que l’on décèle des convergences entre la charge de M.
Arthur et la plainte de M. Beausoleil.
Lorsque M. Beausoleil affirme que « la direction a
catégoriquement refusé de blâmer ou même de reconnaître la faute
professionnelle », il fait sans doute allusion au fait que la direction de
l’époque a refusé de s’exprimer à ce sujet aux émissions de M. Arthur. Par
ailleurs, M. Dubuc détient des informations qui permettraient de croire que le
plaignant a collaboré à l’émission de M. Arthur. M. Dubuc invite le plaignant à
transmettre ses commentaires au Conseil pour préciser ses liens avec
l’animateur et son équipe.
M. Dubuc mentionne qu’il croît fermement au rôle de chien de
garde du Conseil de presse. Mais « cet organisme n’a jamais été défini comme un
lieu d’affrontement entre médias et le processus de plainte n’a certainement
pas été conçu comme un outil de règlement de comptes entre journalistes et
médias ».
Réplique du plaignant
Le plaignant ne présente aucune réplique.
Analyse
Le Conseil tient à rappeler que l’information publiée dans les médias est du domaine public et n’importe qui peut s’y référer, en rapporter la substance ou la citer. Cependant, le fait qu’une information soit diffusée dans un média ne justifie pas un autre média de la copier impunément sans en mentionner la provenance ou sans l’autorisation de l’auteur. Le fait d’effectuer des modifications à un texte original ne permet pas non plus de se l’attitrer. Non seulement la loi sur les droits d’auteur le réprouve, mais c’est là aussi une question d’éthique professionnelle.
Dans le présent cas, le plaignant reprochait au journaliste d’avoir plagié littéralement la majorité de son article en recopiant plusieurs extraits d’un texte paru dans la revue amÉricaine Entertainement Weekly. Il faut préciser que le plaignant n’a fait parvenir qu’une partie de l’article mis en cause, ce qui représente environ le tiers de l’article.
Le Conseil de presse, après un examen comparatif des deux articles, constate un certain nombre de ressemblances. Premièrement, la similitude des textes, tant dans leur forme que dans leur contenu est manifeste. Deuxièmement, bien que le journaliste n’ait pas littéralement plagié tout son article, plusieurs des éléments de son texte se retrouvent dans la revue amÉricaine; le journaliste utilise même une formule du magazine dans la présentation des actrices, même s’il ajoute d’autres détails. Enfin, on ne peut que conclure que concernant ce segment de l’article, le journaliste a utilisé abondamment cette source d’information qu’est le Entertainment Weekly. La faute que l’on relève en est donc une de contenu et non de forme car en tant que critique, le journaliste pouvait structurer son article comme il le voulait et l’on peut effectivement retrouver ce genre de grille dans divers journaux et magazines.
En ce qui a trait à l’attitude de l’employeur qui, selon le plaignant, aurait refusé de blâmer ou même de reconnaître la faute professionnelle de son journaliste, le Conseil mentionne que le journaliste s’est rétracté dans une de ses chroniques publiée le 31 mars 2001 et que la direction du Soleil a reconnu l’erreur de son journaliste.
Le Conseil tient à préciser qu’il n’y a pas de forme de rectification idéale et il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs erreurs. Le Conseil note ici que le journal s’est comporté de façon responsable en reconnaissant publiquement son erreur.
En regard de l’ensemble de ces considérations, le Conseil ne peut que retenir la plainte à l’encontre de M. Normand Provencher et Le Soleil.
Analyse de la décision
- C19A Absence/refus de rectification
- C23G Plagiat/repiquage