Plaignant
Robert Renaud
Mis en cause
Murray Maltais, journaliste et
LeDroit (Michel Gauthier, rédacteur en
chef et Pierre Bergeron, éditeur)
Résumé de la plainte
Robert Renaud porte plainte contre le journal
LeDroit et le journaliste Murray Maltais
pour la publication d’un éditorial intitulé «Un golf contesté» paru
le 7 mars 2002. Cet éditorial fait suite à la présentation aux médias par
Loto-Québec de son nouveau projet de construction d’un terrain de golf dans le
parc du Lac Leamy.
Le plaignant estime que le journaliste a fait
preuve d’un manque de rigueur et d’un manque de vérification des faits dans la
rédaction de son article, débouchant ainsi sur un certain nombre
d’inexactitudes. L’apparence d’un conflit d’intérêts ainsi que la
non-publication de lettres ouvertes porterait également préjudice au journal et
à l’article.
Griefs du plaignant
Le plaignant
estime tout d’abord que le journal entretient le doute sur un possible conflit
d’intérêts et que l’éditorial «semble s’inscrire dans la campagne
marketing» des promoteurs du projet du golf. Il fait ainsi un parallèle
entre l’article, qui exprime une position en faveur de la construction du golf,
et les espaces publicitaires du journal où sont présents les promoteurs du
projet, le Casino de Hull et Loto-Québec.
Robert Renaud
fait ensuite allusion aux différentes lettres ouvertes qu’il a écrites au
journal LeDroit, en réaction à l’éditorial
contesté, et qui n’ont pas été publiées. Il met ainsi en doute la volonté de
l’équipe responsable de fournir l’accès de tous à la tribune.
Quant aux
inexactitudes, le plaignant en souligne deux principales qui viseraient à
donner une crédibilité environnementale au projet de golf afin d’influencer le
public.
Tout d’abord, la
Commission de la capitale nationale et Environnement Québec n’auraient pas
donné leur accord au nouveau projet contrairement à ce qu’affirme le
journaliste. Le plaignant précise que le journaliste n’aurait fait que
reprendre mot pour mot ce qui est inclus dans l’encart publicitaire de
Loto-Québec et qu’il se serait donc contenté d’être la courroie de transmission
des informations inexactes fournies par le promoteur.
Ensuite, il
n’est pas vrai selon lui que la totalité des aires publiques serait protégée,
étant donné que le projet de golf occuperait 21% de la superficie du parc.
La plainte est accompagnée de 9
annexes:
–
l’éditorial de Murray Maltais du 7
mars 2002 intitulé «Un golf contesté»;
–
l’encart publicitaire de Loto-Quebec;
–
l’éditorial de Murray Maltais du 27
mars 2002 intitulé «Plutôt pour»;
–
3 exemples de lettres ouvertes non
publiées;
–
une lettre non publiée (réaction à
l’éditorial: Un golf contesté);
–
une lettre non publiée (réaction à la
campagne de marketing de Loto-Québec);
–
un article de Charles Thériault
intitulé «La CCN n’a pas encore approuvé» publié dans
LeDroit le 9 mars 2002;
–
un article de Charles Thériault
intitulé «Golf du Casino: l’autorisation n’est plus valable»
publié dans LeDroit le 29 mars 2002;
un communiqué du
1er octobre 2001 du Syndicat de la fonction publique du Québec
intitulé «le SFPQ se joint à la coalition pour la sauvegarde du parc du
Lac Leamy».
Commentaires du mis en cause
Mrs Maltais,
Gauthier et Bergeron mettent sensiblement en valeur les mêmes arguments.
Tout d’abord, le
journaliste souligne que l’article mis en cause est un éditorial qui consiste à
émettre une opinion, ce qu’il aurait fait en toute bonne foi avec les éléments
dont il disposait à ce moment-là.
En ce qui a
trait aux lettres du plaignant non publiées, les mis-en-cause expliquent qu’ils
donnent une place privilégiée à l’opinion des lecteurs et lectrices mais que le
journal reçoit un très grand nombre de lettres: il faut nécessairement
faire des choix. Selon eux, même avec la meilleure des intentions, ils ne
pourraient satisfaire qu’un correspondant sur deux. De plus, les textes du
plaignant, donnant selon eux une importance démesurée aux attaques
personnelles, n’ont pas été publiés.
Ils soulignent
que le choix des textes publiés n’est pas fait en fonction de l’opinion du
journal mais bien selon la règle de l’intérêt public. Ainsi, le positionnement
de l’éditorial en faveur de la construction du golf n’aurait pas porté préjudice
à l’expression d’opposants à ce projet. Ils précisent à cet effet que la grande
majorité des courriers des lecteurs publiée donnait une opinion en défaveur du
projet.
Le rédacteur en
chef et l’éditeur du journal réagissent très vivement au grief du conflit
d’intérêts. Ils estiment que c’est une «allégation très grave» et
ils rejettent toute accusation de «complaisance ou de conflit ou
d’apparence de conflit d’intérêts.»
Ils précisent que
si l’on suit la logique du plaignant, le journal ne pourrait se prononcer sur
la plupart des sujets car tous les grands annonceurs se retrouvent dans leurs
pages. Ensuite ils soulignent que même si le journal ne partage pas la même
opinion que le plaignant, cela ne signifie pas pour autant qu’il y ait
complaisance ou conflit d’intérêts.
En ce qui a
trait aux inexactitudes, le rédacteur en chef les trouve ambiguës car le
plaignant s’appuierait sur des faits survenus ou précisés après la publication
de l’éditorial. L’éditorialiste explique qu’il a écrit son texte en se fiant
aux éléments dont il disposait à ce moment-là.
Réplique du plaignant
Il n’y a pas de
réplique du plaignant.
Analyse
L’éditorial et le commentaire se distinguent de l’information brute en ce qu’ils constituent des tribunes réservées soit à l’éditeur, soit à l’éditorialiste, soit au commentateur pour qu’ils expriment leurs convictions, leurs tendances et leurs points de vue. Cependant, la liberté d’opinion de l’éditorialiste et du commentateur n’est pas absolue; ceux-ci doivent être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur et d’intégrité intellectuelles dans l’évaluation des situations qu’ils commentent.
Ainsi les journalistes doivent identifier clairement les textes publicitaires et éviter de faire de la publicité déguisée ou indirecte. Les médias doivent également éviter non seulement les conflits d’intérêts, mais aussi toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts ou sembler avoir partie liée avec quelque pouvoir politique, financier ou autre.
La présence dans le journal LeDroit d’un éditorial fournissant une opinion en faveur du projet de construction d’un golf, et de la publicité des promoteurs du projet, donnait à penser au plaignant qu’il y a conflit d’intérêts.
Cependant, le Conseil constate que le journaliste, dans son éditorial, prend soin de donner des arguments pour, mais également contre le projet et il admet que certaines personnes puissent considérer qu’il existe des inconvénients : «un golf est une nature trop organisée. Il prive la majorité de précieux espaces verts au profit d’une minorité»; « Les avantages valent bien les inconvénients». Son éditorial n’est pas unilatéral et ne ressemble pas à une «campagne marketing». L’éditorialiste donne simplement son opinion comme il le lui est permis de le faire dans un éditorial, tribune réservée à l’expression de convictions, de tendances et de point de vue. Sur cette base, le grief concernant l’éventuel conflit d’intérêts souligné par le plaignant n’est pas recevable.
En ce qui a trait à la non-publication de lettres ouvertes envoyées par le plaignant au journal, le Conseil de presse rappelle à ce sujet que les médias et les professionnels de l’information ont le devoir de favoriser l’accès du public aux pages d’un journal afin d’encourager la libre circulation des idées et l’expression du plus grand nombre de points de vue.
En revanche, nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal. Les médias peuvent refuser de publier certaines lettres, à condition que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris, une inimitié ou encore par le désir de taire une information d’intérêt public qui serait contraire au point de vue éditorial ou nuirait à certains intérêts particuliers.
Le journal LeDroit a affirmé, sans que cela ne soit contesté par le plaignant, avoir publié de nombreuses lettres de lecteurs et lectrices en ce qui concerne le projet de construction du golf, ce sujet ayant provoqué de nombreux débats. En considération de l’ampleur des lettres reçues, il est évident que le journal a dû faire des choix. Il est important de noter que toutes les opinions ont été représentées au sein des pages du journal, on ne peut ainsi considérer que le journal a tenté de taire un point de vue ou une information.
Sur cette base, le Conseil ne peut que rejeter le grief du plaignant, tout en comprenant sa déception de ne pas avoir vu ses textes paraître dans les pages du journal.
Quant au grief selon lequel il y aurait des inexactitudes dans l’éditorial, le Conseil, après examen des éléments de preuve fournis par les deux parties, ne peut retenir ce dernier grief. En effet, il appert que les faits dont se sert le plaignant comme justification de la présence d’inexactitudes sont survenus et précisés après la publication de l’éditorial.
Sur la base de la liberté d’expression de convictions, d’opinions et de points de vue de l’éditorialiste, le Conseil de presse rejette la plainte portée contre le journal LeDroit.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11B Information inexacte
- C22C Intérêts financiers
Date de l’appel
1 May 2002
Décision en appel
Après examen et délibération, les membres
de la Commission ont conclu à l’unanimité de maintenir sur le fond la décision
rendue en première instance, tout en émettant une réserve en regard d’une
inexactitude relevée dans l’éditorial en cause. Le projet de golf dont il est
question n’avait pas reçu le feu vert définitif ni de la Commission de la
Capitale Nationale, ni du ministère de l’Environnement, contrairement à ce que
rapporte l’éditorialiste. Cette erreur de faits est toutefois jugée mineure par
la Commission, ne portant pas à conséquence.
Griefs pour l’appel
Robert Renaud