Plaignant
Annie
Chélin
Mis en cause
Julie
Demers, journaliste, et Le Point d’Outremont
(Tristan Roy, éditeur)
Résumé de la plainte
Mme Annie Chélin porte plainte contre le
journal Le Point d’Outremont et sa
journaliste Julie Demers pour la parution d’un article à la une du journal le 3
mai 2002.
Cet article traite d’une séance publique du
conseil d’arrondissement datant du 30 avril 2002, dont l’objectif est de donner
la parole aux citoyens pour qu’ils puissent exprimer leurs opinions en vue du
Sommet de Montréal des 4, 5 et 6 juin 2002.
Intitulé «Débandade et chaos lors d’une
assemblée publique», l’article serait, d’après la plaignante, incomplet
et manquerait d’équilibre. La mise-en-cause aurait eu recours au
sensationnalisme, à l’exagération et aurait discrédité la plaignante auprès de
ses concitoyens d’Outremont. Annie Chélin ajoute que son droit de réponse a été
insatisfaisant.
Griefs du plaignant
En premier lieu, la plaignante estime que
l’information fournie dans l’article est incomplète. Elle regrette, en effet,
que seule son intervention et celle de Céline Forget aient été retenues alors
que celles de messieurs Auclair, Bélanger et Grégoire méritaient tout autant de
l’être. Elle ajoute que seuls les noms d’Annie Chélin et de Céline Forget ont
été mentionnés dans l’article.
En second lieu, la journaliste aurait
sélectionné les faits rapportés: seule la moitié de l’intervention de la
plaignante aurait été relatée, ses commentaires sur le fond ayant été omis.
Ensuite, Julie Demers aurait utilisé des
termes sensationnalistes et malhonnêtes déformant ainsi les faits. Les termes
«débandade» et «chaos» ne décriraient pas la réelle
tournure de la réunion. Un terme exagéré à connotation péjorative aurait
également été utilisé: «attaque» au lieu de «expression
d’opinions critiques».
Pour terminer, elle regrette la manière
dont sa lettre de réplique au journal a été publiée.L’éditeur n’aurait
pas inclus les quelques mots qu’elle avait demandé d’inscrire en précision et
la lettre aurait dû être publiée en première page.
En raison de tous ces manquements, la
plaignante considère que l’ensemble de l’article la discrédite aux yeux de ses
concitoyens.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Tristan Roy, éditeur du
Point d’Outremont:
En premier lieu, M. Tristan Roy indique
qu’il s’occupera lui-même du dossier mis en cause, la nouvelle rédactrice en
chef n’étant pas en poste à l’époque.
En ce qui concerne l’insatisfaction de la
plaignante en regard de son droit de réponse, l’éditeur précise que sa réplique
a été publiée intégralement alors que le journal n’avait aucune obligation en
ce sens. Par ailleurs, il indique que la demande de publier cette lettre en
première page du journal était «complètement farfelue».
L’éditeur exprime ensuite son accord avec
la plaignante sur plusieurs points.
Tout d’abord, il pense que le terme «attaque»
employé par la journaliste relevait plus du commentaire ou de l’éditorial que
du reportage objectif. De même, le terme «débandade» présent dans
le titre de l’article, ne serait pas nécessairement approprié, bien que plusieurs
sources et témoins, présents au conseil, lui aurait rapporté que le contrôle de
la séance avait totalement échappé au président d’arrondissement et que
l’assemblée était devenue chaotique. Les termes «confrontation» et
«affrontement» auraient été plus appropriés selon lui.
En ce qui a trait au manque d’équilibre et
à l’information incomplète que dénonce la plaignante, il rappelle qu’une
journaliste n’est pas une greffière et qu’un journal publie des articles et non
des procès-verbaux. Les reproches de ne pas avoir rapporté les interventions
des citoyens Auclair, Bélanger et Grégoire et de n’avoir relaté qu’une partie
des commentaires de la plaignante, ne peuvent être que rejetés.
Il précise à la fin de ses commentaires que
Julie Demers n’est plus une pigiste au sein de son journal et qu’elle n’y
écrira plus une seule ligne. Il indique qu’il n’a jamais toléré que ses
journalistes pigistes écrivent des articles tendancieux, biaisés ou fallacieux.
Commentaires de Julie Demers, journaliste
au Point d’Outremont:
La mise-en-cause souligne que c’est la
première fois depuis dix ans dans le métier qu’une plainte est déposée contre
elle au Conseil de presse.
Elle explique les choix qu’elle a dû faire
en écrivant cet article compte tenu de l’espace limité dont elle disposait. Les
interventions de Céline Forget et d’Annie Chélin ayant été celles qui ont
provoqué tout le remue-ménage dans la réunion, elle a décidé de les choisir au
détriment de celles de messieurs Auclair, Bélanger et Grégoire.
La plaignante regrettait que son
intervention n’ait été relatée qu’à moitié. La mise-en-cause explique à cet
effet que la plaignante ayant parlé plus d’une heure, il lui était impossible
de donner un compte rendu complet de son discours. Elle a donc choisi les
propos qui ont mené aux diverses confrontations.
Concernant le titre de
l’article«Débandade et chaos lors d’une assemblée publique»,
la pigiste dit avoir regardé dans le dictionnaire «Le Petit Robert»
la définition des deux mots: débandade «par ext. Dans le désordre,
la confusion» et chaos «Confusion, désordre grave». Selon
elle, ces deux termes conviennent et reflètent exactement ce qui s’est passé
durant cette réunion, le président d’arrondissement ayant crié «à pleins
poumons» et ayant fait des menaces à une citoyenne également en train de
crier. Elle ajoute qu’en tant qu’observatrice de conseils municipaux depuis dix
ans, elle n’a jamais assisté à une telle séance.
La journaliste justifie également
l’utilisation du terme «attaque» en se référant de nouveau au Petit
Robert: attaque «paroles qui critiquent durement». La
plaignante, ayant qualifié la méthodologie du Sommet local d’antidémocratique
et ayant parlé de l’arrogance et du mépris des élus, aurait bien commis une
attaque.
Enfin, elle indique ne pas avoir tenté de
discréditer la plaignante. Elle aurait simplement voulu relater le déroulement
de cette réunion.
Réplique du plaignant
Dans un premier temps, Annie Chélin répond
aux commentaires de l’éditeur du Point
d’Outremont, M. Tristan Roy.
Il lui apparaît tout d’abord excessif de
ramener sa demande d’un travail journalistique pondéré et équilibré à un
travail de «greffière» et de production de
«procès-verbaux».
Ensuite, les termes qu’il propose pour
décrire l’événement «confrontation» et «affrontement»
ne lui conviennent pas étant donné que les droits à la liberté d’opinion et à
la liberté d’expression auraient été menacés.
Dans un deuxième temps, elle répond aux
commentaires de la journaliste.
Elle réitère son explication sur
l’information incomplète, biaisée et sensationnaliste fournie par la
journaliste. Cette dernière aurait laissé de côté tous les arguments sur le
fond et n’aurait retenu que l’émotionnel et le «sensationnalisme
superficiel, anecdotique et démagogique».
D’autre part, l’article manquerait de
neutralité et porterait atteinte à son image publique. La journaliste aurait
ainsi soumis les propos de fond de la plaignante à une double censure. En ce
qui concerne la méthodologie du Sommet, elle aurait fait une sélection des
commentaires de façon sensationnaliste. Elle aurait également omis de
mentionner des points concernant l’objet principal de son intervention
publique.
Elle précise enfin qu’elle a proposé un
article aux journaux La Presseet
Le Devoir sur la méthodologie du
Sommet de Montréal qu’elle juge non démocratique. L’article aurait été publié
intégralement, ce qui démontrerait que ses propos sur le sujet étaient
d’intérêt général.
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entrave ni menace ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
La journaliste Julie Demers traite dans son article de la séance publique du conseil d’arrondissement du 30 avril 2002. Dans l’obligation de faire des choix de rédaction, elle a décidé d’orienter son sujet sur le déroulement de la réunion et sur son caractère «mouvementé» (terme utilisé par la plaignante). Il est du droit de la pigiste que de choisir la façon de traiter son sujet. Ainsi, elle a relaté la prise de parole d’Annie Chélin qui, par son discours sur le caractère non démocratique de la méthodologie de consultation des citoyens, a provoqué de nombreuses réactions. D’autre part, la journaliste a pris soin de mettre en contexte son article et d’expliquer le but de la réunion. Le Conseil considère donc le grief de l’information incomplète non fondé.
Le Conseil rappelle que nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal. Cependant, les médias et les professionnels de l’information ont le devoir d’en favoriser l’accès au public. Les journaux peuvent apporter des modifications aux lettres qu’ils publient (titres, rédaction, corrections, etc.) pourvu qu’ils n’en changent pas le sens ou qu’ils ne trahissent pas la pensée des auteurs.
Le Conseil note que le journal a pris soin de publier la lettre de réplique d’Annie Chélin en réponse à l’article mis en cause. Ainsi, la plaignante a pu faire part aux lecteurs de sa position concernant l’article et de ses commentaires en vue du Sommet de Montréal. Le Conseil juge donc que le désir de la plaignante d’obtenir un droit de réponse a été entièrement satisfait par le média.
La plaignante regrette ensuite le caractère sensationnaliste de l’article.
Tout d’abord, en ce qui concerne le titre, les termes «débandade» et «chaos» seraient exagérés. En regard des définitions des dictionnaires «Le Petit Robert» et «Le Petit Larousse» pour qualifier ces deux termes, le Conseil estime ce grief non fondé. À la lumière de la description de la réunion faite dans l’article, l’utilisation de ces termes n’accrédite pas la thèse du sensationnalisme.
Ensuite, en regard du texte, la plaignante reproche l’utilisation du terme «attaque» qui aurait une connotation péjorative à son égard. Le dictionnaire «Le Petit Larousse» nous donne la définition suivante: «attaque: critique violente, accusation». En vue de la prise de position de la plaignante, énoncée dans son article paru dans La Presse le 29 mai 2002 et dans l’article de la pigiste, le Conseil le considère adapté.
Enfin, de l’avis de Mme Chélin, l’ensemble de l’article tronquerait et colorerait négativement son intervention contribuant à la discréditer auprès de ses concitoyens. Après examen de l’article, le Conseil estime que celui-ci n’avait pas pour but de la discréditer, mais de relater le déroulement de l’événement. Le Conseil rejette donc ce grief.
Pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil rejette la plainte contre le journal Le Point d’Outremont et sa journaliste Julie Demers.
Analyse de la décision
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17D Discréditer/ridiculiser
Date de l’appel
1 May 2002
Décision en appel
Après examen et délibération, les membres
de la Commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en
première instance.
Griefs pour l’appel
Annie Chélin