Plaignant
Virgini
Bédard
Mis en cause
Danie Blais,
rédactrice en chef et Courrier Frontenac
(Lucyl Lachance, éditrice et directrice générale)
Résumé de la plainte
Virgini Bédard porte plainte contre Danie
Blais, rédactrice en chef du journal Courrier
Frontenac, pour la publication le 31 août d’un éditorial intitulé
«Les BS».
La journaliste met en valeur dans son
éditorial quatre couches sociales: les riches, les bourgeois, les pauvres
et les BS (assistés sociaux). Elle explique, par ailleurs, qu’il existe deux
sortes d’assistés sociaux et elle s’intéresse particulièrement à ceux
«qui le sont presque génétiquement, de père en fils».
La plaignante considère que l’article n’est
pas respectueux envers les groupes sociaux et plus particulièrement envers
celui des assistés sociaux. Il entretiendrait les préjugés au lieu de les
dissiper.
Griefs du plaignant
Mme Bédard se dit révoltée par les propos
«haineux, méprisants et non fondés» de la journaliste envers les
assistés sociaux. Elle cite ainsi des adjectifs qu’elle juge humiliants et
dégradants:«les BS, parasites sociaux, vampirisme,
profiteurs, fainéants, lâches, chialeurs, etc.». De ce fait, la
plaignante considère que la journaliste porte atteinte à ce groupe d’individus
et qu’elle entretient les préjugés au
lieu d’utiliser son média pour informer et faire avancer certaines idées. La
journaliste encouragerait ainsi certaines personnes à rester dans leur
ignorancepar l’image caricaturale qu’elle donne des assistés sociaux
« Le tant attendu chèque arrive enfin, on court au dépanneur pour rembourser
son crédit, on se ramasse une 24 ou deux, 100 $ de gratteux et on retourne
végéter pendant le reste du mois».
Elle relève également que la mise-en-cause
colle aux fonctionnaires une étiquette d’oisiveté «il y en a sûrement qui
n’ont rien à faire».
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Danie Blais, rédactrice en
chef du journal Courrier Frontenac:
Dans ses commentaires, la mise-en-cause
indique qu’elle a pris soin de mettre en contexte ses propos sur les
«assistés sociaux par hérédité». Elle a ainsi fait mention de
l’existence de deux sortes d’assistés sociaux: ceux qui le sont par
hérédité et ceux qui sont réellement dans le besoin.
Ensuite, les deux phrases de la
plaignante«Oui, c’est vrai qu’il existe des assistés sociaux qui se
passent le flambeau de génération en génération…» et il est «vrai
que certains assistés sociaux agissent irresponsablement, dépensent tout leur
chèque dans la première semaine de façon un peu »douteuse »…
Enfin … je crois que c’est vrai, je n’en possède pas pourtant la preuve»
laisse la journaliste estimer que les propos de Mme Bédard sont en accord avec
les siens et que leurs pensées sont fort semblables.
L’éditorialiste dit avoir fait preuve
d’équité en publiant la lettre de réplique de Mme Bédard, même si celle-ci n’a
pas été publiée en entier. Elle impute cette décision à la longueur de la
lettre mais croît que l’essentiel du message était présent.
Commentaires de Lucyl Lachance, éditrice et
directrice générale du Courrier Frontenac:
Elle indique que la journaliste a émis une
opinion sur un sujet controversé et qu’à la suite de cet éditorial, des lettres
de lecteurs en accord et en désaccord avec son point de vue ont été publiées
dans les pages du journal.
Elle souligne également que la rédactrice
en chef, au début de son éditorial, mentionne qu’il y a deux sortes d’assistés
sociaux et qu’elle ne parlera que de ceux «qui le sont presque
génétiquement de père en fils». Mme Blais ne faisait donc référence qu’à
une minorité.
Elle explique aussi que, malheureusement,
la phrase de l’éditorialiste «le chèque tant attendu arrive, on court au
dépanneur pour rembourser son crédit, on ses ramasse une 24 ou deux etc.»
est justifiée. Elle dit fonder cette opinion sur sa propre expérience
professionnelle.
Enfin, elle rappelle qu’il y a une
différence entre un texte d’information et un éditorial, ce dernier étant
destiné à donner son opinion.
Réplique du plaignant
La plaignante formule sa réplique en deux
temps.
Tout d’abord, elle répond aux commentaires
de Danie Blais, rédactrice en chef du Courrier
Frontenac. Elle indique être brève dans cette réplique, ne voulant pas
entretenir une guerre avec les propos de la mise-en-cause. Contrairement à ce
qu’indique cette dernière, la plaignante souligne ne pas du tout avoir la même
opinion qu’elle en ce qui concerne les assistés sociaux.
Dans un deuxième temps, elle répond aux
commentaires de Mme Lucyl Lachance, directrice générale du journal
Courrier Frontenac. Elle cite ici
quelques extraits des «Droits et responsabilités de la presse» en
ce qui concerne l’éditorial, son titre et ce qui a trait à la discrimination.
Analyse
L’éditorial et le commentaire se distinguent de l’information brute en ce qu’ils constituent des tribunes réservées soit à l’éditeur, soit à l’éditorialiste, soit au commentateur pour qu’ils expriment leurs convictions, leurs tendances et leurs points de vue. Ces genres sont essentiellement du journalisme d’opinion et sont une manifestation de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
Cependant, la liberté d’opinion de l’éditorialiste et du commentateur n’est pas absolue et la latitude dont ils jouissent doit s’exercer dans le respect le plus strict des droits et libertés d’autrui.
Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils ne peuvent se permettre d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des termes méprisants ou propres à les ridiculiser ou à les discréditer auprès de l’opinion publique.
Dans le présent cas, la journaliste a choisi d’orienter son éditorial sur les assistés sociaux et plus particulièrement sur ceux «qui le sont par héritage, par hérédité».
Déclarer qu’il existe des assistés sociaux « par héritage» et «par hérédité» ne fait qu’entretenir des préjugés sur un phénomène non établi. L’éditorialiste considère en outre qu’une partie des assistés sociaux abuse des gouvernements, et ce, de manière «presque génétique». Elle parle aussi «d’arbre généalogique». Le Conseil considère que la journaliste, en employant ces termes, fait preuve de discrimination à l’égard de cette catégorie de personnes.
D’autre part, pour qualifier ce groupe de personnes, l’éditorialiste recourt à une série de termes à connotation péjorative: «parasites sociaux, vampirisme, profiteurs, fainéants, lâches etc.».
L’utilisation de ce grand nombre de termes méprisants envers les «assistés sociaux génétiques» les discrédite aux yeux de l’opinion publique et constitue un manquement au respect de la réputation de ce groupe social.
Le Conseil remarque que le journal a publié des lettres de lecteurs concernant cet éditorial. Ces lettres expriment tant une opinion allant à l’encontre de celle de l’éditorialiste qu’appuyant cette dernière. Le Conseil note également que la lettre de réplique de la plaignante a été publiée. Bien que la publication de ces lettres constitue une manifestation positive de l’ouverture d’esprit du Courrier Frontenac, le Conseil de presse rappelle que les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs.
Conséquemment le Conseil retient la plainte de Virgini Bédard contre le journal Courrier Frontenac et sa rédactrice en chef, Mme Danie Blais, compte tenu du caractère discriminatoire de cet éditorial. Enfin, le Conseil de presse ne juge pas superflu de rappeler que tout bon éditorial doit idéalement reposer sur une analyse complète et rigoureuse du sujet dont il traite.
Analyse de la décision
- C17C Injure
- C17G Atteinte à l’image
- C18C Préjugés/stéréotypes
Date de l’appel
8 October 2003
Décision en appel
Les membres de la Commission ont conclu à l’unanimité
de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
Mme Lucyl Lachance, directeure générale, Courrier
Frontenac