Plaignant
Yves
Pageau
Mis en cause
Monelle
Saindon, journaliste, et Le Journal de
Montréal (Bernard Brisset, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
Yves Pageau porte plainte contre Monelle Saindon
pour la rédaction d’un article, paru le 1er août 2002, dans le
Journal de Montréal et apparaissant dans
la rubrique «FEMMEs ». Cet
article est intitulé «Les femmes sont aussi violentes que les hommes…
mais ce sont elles quiarrivent en morceaux à l’urgence».
Le plaignant considère que l’emplacement et
la visibilité de l’article mis en cause réduisent l’importance du sujet abordé.
Son traitement minimiserait la portée de la violence féminine et ferait preuve
de discrimination à l’égard des hommes.
Griefs du plaignant
Dans un premier temps, le plaignant trouve
dommageable que seule une tribune «FEMMES» existe au sein du
journal. Il est outré de constater qu’il n’existe pas de tribune équivalente
pour exposer les préoccupations des hommes.
Le plaignant considère ensuite que
l’importance du thème de cet article est minimisée, et ce,
pour deux raisons.
Tout d’abord, il s’agit selon lui d’un
sujet d’intérêt général qui ne s’inscrit absolument pas dans le contexte de la
rubrique «FEMMES». Son emplacement au sein du journal
réduirait donc sa portée.
Ensuite, selon le plaignant, l’étude
présentée dans cet article serait discréditée par les commentaires d’une
«féministe professionnelle», Mme Lucie Potvin, nuançant les
résultats de la recherche faites par Murray Straus.
Pour finir, le titre du second article
serait en rupture avec le texte. Le titre «… Mais ce sont elles qui
arrivent en morceaux à l’urgence» ne serait pas représentatif des propos
de Mme Potvin. Cette dernière ne nie pas l’existence de la violence féminine,
explique le plaignant, elle affirme simplement que peu de femmes font appel aux
services de l’organisme SOS Violence conjugale.
Commentaires du mis en cause
La journaliste déclare que les pages
«FEMMES » ont été créées il y a sept ans par l’éditeur du journal, Pierre
Francoeur, afin que les femmes aient droit tous les jours à au moins une page
d’information dans les champs d’intérêt qui les intéressent particulièrement
(condition féminine, femmes en affaires, relations humaines, enfants, mode,
beauté, etc.). Elle ajoute que par la publication de ces pages, le journal veut
être plus équitable à l’égard de son lectorat féminin.
La journaliste précise ensuite que le
commentaire publié en complément de l’article «Les femmes sont aussi
violentes que les hommes…» n’est pas celui d’une féministe
professionnelle comme l’affirme le plaignant mais celui d’une intervenante
auprès des femmes violentées.
Elle justifie la présence des commentaires
de Lucie Potvin par la volonté de fournir au lecteur des points de vue
différents sur un même sujet. Pour une information complète, il a donc semblé
pertinent à la journaliste d’inclure dans cette page les propos de l’adjointe à
la direction de SOS Violence conjugale.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’est pas satisfait des
commentaires de la mise-en-cause. Il met en valeur quatre points dans sa
réplique.
Premièrement, le plaignant réitère sa
remarque concernant le mauvais emplacement de l’article. Selon lui, « la conférence
du docteur Straus ne s’inscrit absolument pas dans le contexte de la rubrique
«FEMMES» du Journal de
Montréal puisqu’elle est d’intérêt général».
Il rappelle également que le titre du
second article n’est pas en concordance avec son contenu.
Il estime, ensuite, que les commentaires de
madame Potvin ne s’inscrivent pas dans la continuité du thème de la page du
journal. Il aurait préféré un texte traitant des hommes victimes ou des femmes
violentes.
Enfin, il demande au journal d’offrir aux hommes
une tribune similaire à celle des femmes.
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entrave ni menace ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Cependant, les médias et les professionnels de l’information contreviendraient à leur responsabilité et compromettraient le droit à l’information si, dans leur façon d’aborder les événements, ils se laissaient guider par une philosophie ou un courant d’idées donné, ou s’ils taisaient ou rapportaient avec parti pris l’information concernant ceux qui les critiquent ou dont ils ne partagent pas les points de vue.
Le plaignant regrette l’emplacement de l’article mis en cause dans la rubrique «FEMMES» du journal car il minimiserait son importance.
Considérant que l’attention que le journal décide de porter à un sujet particulier relève de son jugement rédactionnel; et compte tenu du fait que les thèmes abordés dans l’article apparaissent parfaitement liés à la rubrique «FEMMES» du journal, le Conseil rejette ce grief.
En ce qui a trait au grief du mauvais traitement de l’information, le Conseil considère que l’intervention de Mme Potvin, à la suite de l’étude de Murray Straus, n’avait pas pour but de discréditer celle-ci. La démarche de la journaliste et la structure de cette page démontrent au contraire le souci d’obtenir une information complète et nuancée.
Pour ce qui est du titre du second article que le plaignant trouve inadapté, le Conseil le juge conforme à la pensée de Mme Potvin et en relation avec l’article qui suit.
Enfin, le plaignant est outré de constater qu’aucune rubrique «HOMMES» n’apparaît au sein du journal, la preuve d’après lui de la discrimination existant à l’égard de ces derniers. Le Conseil juge non fondé ce dernier grief, considérant que chaque journal est libre de décider du contenu de l’information qu’il diffuse et de l’orientation qu’il doit donner à son information.
Au regard de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Pageau à l’encontre du Journal de Montréal et de sa journaliste Monelle Saindon.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C03D Emplacement/visibilité de l’information
- C11F Titre/présentation de l’information
- C13A Partialité
- C18D Discrimination