Plaignant
Marcel
Gaucher
Mis en cause
L’Appel
(François Cattapan, rédacteur en chef et
Alain Lepage, éditeur)
Résumé de la plainte
M. Marcel
Gaucher porte plainte contre l’hebdomadaire L’Appel
concernant une note de la rédaction (NDLR) accompagnant l’une de ses lettres
dans le courrier des lecteurs. Cette lettre avait été envoyée au maire de
Québec M. L’Allier et au journal. M. Gaucher s’insurge contre la note de la
rédaction qu’il juge insultante envers lui.
Griefs du plaignant
Le plaignant avait fait parvenir une
plainte à la ville de Québec concernant l’événement «International Drag
de rue » et une copie, à titre informatif, de cette plainte à
L’Appel. Cette lettre dénonçait la
pratique de courses automobiles dans les quartiers résidentiels. Le journal a
publié cette lettre dans le courrier des lecteurs et a répondu par une NDLR. M.
Gaucher juge que le journal aurait mal
interprété ses propos. Lorsque dans sa lettre, il parle des termes
«ignorance et désinformation », qui semblent-ils ont offusqué la
rédaction du journal, il tient à préciser que ces termes s’adressaient à la
Ville de Québec et ne visaient nullement le journal. C’est à la suite de cette
mauvaise interprétation des termes énoncés ci-haut que la rédaction a répondu
au plaignant par une NDLR. M. Gaucher trouve insultant les propos du journal
lorsque ces derniers, dans leur note, le traitent de «geignard» et
qu’il lui suggère: «pour l’an prochain […] prévoyez vos vacances
durant le Drag de rue! ».
M. Gaucher a par la suite
envoyé une lettre au journal L’Appel
en réponse à leur NDLR, leur demandant de publier une autre lettre et par la
même occasion lui présenter des excuses publiques.
Commentaires du mis en cause
M. Cattapan s’étonne qu’un tel malentendu
ait cheminé jusqu’au Conseil de presse et estime que le plaignant en est le
principal instigateur et que ce dernier soulève une tempête dans un verre
d’eau. Or, pour le mis-en-cause, les propos du plaignant étaient imprécis et
pouvaient être perçus comme offensants à leur endroit. Il ajoute que si M.
Gaucher avait été plus clair dans ses propos, il n’y aurait même pas eu de NDLR
à la suite de sa lettre.
Dans la lettre du plaignant, les termes
«ignorance et désinformation » ont été perçus, par les cinq membres
permanents du journal, comme une attaque à leur intégrité. D’où la NDLR
invitant le plaignant à un peu de modération envers l’équipe de
L’Appel qui fait son travail de son
mieux.
M. Cattapan reconnaît qu’une notice (NDLR)
qui répond à une lettre de lecteur se doit toujours d’être concise. Cela oblige
donc à dire l’essentiel en très peu de mots, ce qui peut paraître parfois
quelque peu direct et sec. Mais jamais dans ce cas précis l’intention n’était
de dénigrer, d’insulter ou de discréditer. Le mis-en-cause faisait simplement
appel (peut-être de façon maladroite étant donné le peu d’espace disponible et
utilisé) au sens de l’humour de M. Gaucher. Leur suggestion de mieux planifier
ses vacances, ne se voulait qu’un clin d’œil au fait que M. Gaucher disait
rentrer à peine de voyage. Deux jours de plus et il n’aurait rien su ni rien
subi. Visiblement, la blague n’a pas été appréciée puisqu’une plainte a été
déposée devant le Conseil de presse, ce qui se veut déjà un déshonneur pour le
journal.
Par ailleurs, le mis-en-cause déplore la
mauvaise foi du plaignant lorsque celui-ci allègue que sa lettre n’a été
publiée que partiellement, alors qu’elle l’a été dans sa quasi-intégralité et
qu’il estime avoir été traité de geignard alors que ce qualificatif n’était
destiné à personne en particulier et visait plutôt à faire prendre conscience à
M. Gaucher que dans ce dossier rien ne certifiait qu’il représentait une
quelconque majorité ayant droit de vie ou de mort sur une« minorité
bruyante ».
M. Cattapan souligne qu’il a déjà écrit à
M. Gaucher pour expliquer et clarifier sa position. Enfin, la semaine suivante
le journal a publié une lettre d’un lecteur qui prenait la défense du
plaignant.
M. Cattapan reste persuadé que M. Gaucher
reste en majeure partie responsable de ce malentendu, tant par la teneur de ses
propos que par son excès de formalisme. Le mis-en-cause demeure perplexe face
au fait que M. Gaucher ait demandé les coordonnées du Conseil de presse au
journal et que sa requête d’excuses soit datée du 27 juillet alors que sa
lettre n’a été publiée dans L’Appel
que le 28 juillet.
Réplique du plaignant
Premièrement, selon M. Gaucher, c’est le
journal L’Appel qui est le principal
instigateur de cette situation puisque rien n’obligeait la rédaction à publier
sa lettre adressée au maire de Québec. Il n’avait jamais demandé à
L’Appel de publier cette lettre
transmise uniquement à titre informatif. S’il avait voulu «attaquer »
l’intégrité du journaliste de L’Appel,
il aurait écrit une lettre à son directeur.
Deuxièmement, si certains propos de la
lettre ont été «faussement » interprétés par l’équipe de
L’Appel, la direction aurait pu lui
écrire, plutôt que de publier la lettre en y ajoutant une NDLR malicieuse à son
égard. L’Appel a certes écrit une
lettre au plaignant suite à la plainte au Conseil de presse, mais non pour
s’excuser, mais plutôt pour lui dire de se compter chanceux d’avoir été traité
de «geignard » plutôt que de «pleurnichard ou chialeur » et lui
demandant de faire appel à son sens de l’humour.
Troisièmement, concernant le fait que les
«journalistes expérimentés » de L’Appel
ont trouvé les propos du plaignant imprécis, le plaignant fait remarquer qu’il
a lui aussi fait lire sa lettre à des universitaires qui n’ont pas compris la
réaction du journal puisque les propos ne visaient pas le journal.
L’Appel a même publié une lettre d’un
autre lecteur en accord avec le plaignant. Ce lecteur trouve odieuse la
suggestion de L’Appel de quitter la
ville lors du prochain événement. Le journal tente de minimiser ses propos en
les qualifiant de tentative «maladroite » d’humour.
Quatrièmement, loin d’avoir contraint
L’Appel à subir le «déshonneur »
de se soumettre à l’autorité du Conseil de presse, il a offert au journal de
laisser tomber sa plainte en échange de la
publication d’une lettre qu’il avait adressée au journal.
Et cinquièmement, il est totalement faux
que le plaignant ait demandé les coordonnées du Conseil de presse au journal.
Il y a confusion avec un autre lecteur ou cette histoire est inventée pour le
discréditer. Quant à la date de sa requête d’excuses datée du 27 juillet,
l’explication est la suivante: la date de publication du journal est le
dimanche 28 juillet, mais le journal est toujours distribué dans la matinée du
samedi précédent. Donc, le plaignant a lu le journal et a réagi la journée
même.
Analyse
Le droit de réplique des journalistes aux commentaires des lecteurs est une pratique reconnue dans la presse. Il doit être exercé avec discernement et dans le plein respect de ces derniers. Les journalistes doivent agir promptement pour que leurs commentaires soient efficaces. Ils ne doivent pas se prévaloir de ce droit pour dénigrer, insulter ou discréditer les lecteurs.
Dans le cas présent, M. Gaucher déplore la réaction du journal L’Appel à son endroit, suite à une lettre qu’il a fait parvenir à titre informatif au journal. Le premier point exprimé par le plaignant est celui de la mauvaise utilisation du droit de réplique de la rédaction du journal. Certains termes de la lettre soit «ignorance et désinformation » auraient été mal interprétés de la part de la rédaction. Le journal se serait senti attaqué dans son intégrité. M. Gaucher tient à préciser que ces termes s’adressaient non pas à L’Appel mais au responsable des communications de la police de la Ville deQuébec.
Après lecture de la lettre, le Conseil conclut que ces termes s’adressaient bien au service des communications de la police de Québec.
Le deuxième point concerne le manquement au respect de la réputation. Le plaignant trouve insultant que dans sa NDLR (Note de la rédaction), le journal l’ait traité de «geignard » et qu’il lui ait suggéré «que pour l’an prochain, si la minorité est plutôt dans le camp des geignards: prévoyez vos vacances durant le Drag de rue!», tout en lui conseillant de prendre tout cela sur un ton humoristique.
Un journal est en droit de répondre à un lecteur s’il juge que les propos de ce dernier sont mal intentionnés à son endroit. Mais c’est aussi sa responsabilité d’être courtois et ouvert envers ses usagers et leur éviter les tracasseries qui pourraient les empêcher de faire valoir leurs remarques, critiques ou récriminations légitimes. Le but d’une NDLR est de répliquer par des commentaires constructifs et ne pas tomber dans le dénigrement envers le lecteur. Dans ce cas-ci, le Conseil est à même de constater que le journal a répondu par une note «humoristique » de mauvais goût, laquelle démontre une nette incompréhension de la lettre du plaignant.
Pour les raisons énumérées ci-haut, le Conseil de presse retient la plainte à l’encontre de la rédaction de L’Appel.
Analyse de la décision
- C05A Réplique abusive
- C17D Discréditer/ridiculiser