Plaignant
Module du
Nord Québécois, Rosalie Dupré, Serge Auclair, Élie Weetaluktuk, le Centre de
Santé Inuulitsivik et la Régie Régionale de la Santé et des Services sociaux
Nunavik
Mis en cause
Ericson
Martin, journaliste et The Suburban (Jim
Duff, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
La plainte concerne essentiellement un
comportement journalistique considéré comme inapproprié dans un article signé
par Ericson Martin publié dans l’hebdomadaire
The Suburban et intitulé «Inuit pay price for health-care
politics».
Me Roch Fournier, représentant des
plaignants, considère que le journaliste énonce dans son article des
informations erronées et des affirmations non fondées, sur ces derniers et sur
leurs activités.
Griefs du plaignant
Les plaignants, par la voie du cabinet d’avocats Roch A. Fournier,
considèrent que M. Martin a eu un comportement journalistique tout à fait
inapproprié pour les motifs énoncés dans une lettre adressée, le 24 juillet
2002, au journal The Suburban et au
journaliste mis en cause.
Dans un premier temps, il est mentionné que cette lettre constitue
une demande formelle de rétractation et d’excuses de la part du journal et du
journaliste à l’égard des plaignants.
Les plaignants formulent ensuite les griefs en commençant par
déclarer que l’article en cause n’est constitué que d’affirmations fausses et
qu’il a été écrit sans aucune objectivité et avec la nette intention de
diffamer les plaignants. Une liste de fautes accompagne ce grief. Ainsi, le
représentant des plaignants rapporte que le journaliste a cosigné avec Helen
Wilson une lettre l’impliquant personnellement dans une tentative de réclamer
entre 45 000 et 55 000 $ au Module du Nord Québécois et qu’il a émis de
nombreux appels qualifiés de «harcelants» pour les plaignants.
De plus, les plaignants précisent que la personne prise en
photographie aux côtés de Mme Wilson n’a pas eu connaissance du contexte de
cette photographie et n’en a jamais autorisé la publication.
Par ailleurs, les
plaignants déclarent que le contenu de l’article est non seulement faux mais
teinté de mauvaise foi. Des exemples sont relevés:
–
M.
Serge Auclair n’a jamais proposé le déménagement de la maison de Mme
Wilson à Notre-Dame-de-Grâce. Celui-ci était motivé par la situation
personnelle de Mme Wilson.
–
Le prêt accordé à Mme Wilson a été
effectué sur sa demande dans le but de l’aider à surmonter ses difficultés
financières.
–
Mme Rosalie Dupré n’a jamais usé de
son autorité pour décider quoi que ce soit concernant le Module du Nord
Québécois et n’en a jamais eu l’intention. Mme Dupré est une personne loyale et
expérimentée. Elle est la directrice du Module du Nord Québécois, lequel est
sous le contrôle du Centre de Santé Inuulitsivik.
–
Mme Wilson était informée de tout ce
qui concernait l’établissement Nunavik. La raison pour laquelle elle a eu moins
de clients était le fruit de ses erreurs et de son manque de disponibilité.
–
L’allusion faite à certaines
allégations concernant des «paiements» à Rosalie Dupré est une pure
diffamation et une invention dommageable.
–
Il est faux de soutenir que M.
Auclair, Mme Dupré ou M. Weetaluktuk n’ont jamais répondu à Mme Wilson ou à M.
Martin. Ceci est démontré: premièrement, par la rencontre chez Mme Wilson
avec M. Auclair, M. Weetaluktuk en présence de M. Martin et, deuxièmement, par
la lettre de réponse du cabinet d’avocats à la demande de Mme Wilson et de M.
Martin, lettre datée du 30 mai et signée sous le contrôle d’un huissier.
Le cabinet conclut sa lettre en considérant
que les griefs soulevés ne sont pas exhaustifs et qu’ils sont exposés pour
illustrer le sérieux qui caractérise cette «mise en demeure».
Commentaires du mis en cause
Commentaires
de Jim Duff, rédacteur en chef, The Suburban:
Le commentaire de la rédaction du journal est la lettre de
rétractation et d’excuses parue dans The
Suburban.
En premier lieu, dans cette lettre, le journal rappelle les faits et
déclare qu’après examen des documents fournis par les différents organismes
concernés, The Suburban a conclu
qu’aucune personne en relation avec l’établissement Nunavik n’a agi de façon
inconvenante. Cela concerne le Module du Nord Québécois dont Rosalie Dupré est
la directrice, Serge Auclair, l’assistant directeur au Centre de Santé
Innulitsivik et Élie Weetaluktuk, le directeur de ce centre.
The Suburban
dit regretter toute insinuation de méfaits ou de mauvaise foi
venant des organismes ou des particuliers nommés au début de la lettre et
s’excuse sans réserve pour de telles insinuations.
The Suburban
regrette aussi que M. Martin ait agi au nom de l’opératrice
hôtelière Helen Wilson en toute violation des relations exigées entre leurs
journalistes et leurs collaborateurs.
Le journal s’excuse aussi du fait que la patiente prise en
photographie n’ait pas été informée du but de la photographie et précise que
cette personne ne s’est pas plainte des agences ou des personnes citées dans
l’article en cause.
Commentaires de Ericson Martin, journaliste:
Plusieurs semaines après la réception
des commentaires de M. Duff, M. Ericson Martin téléphone au Conseil de presse
pour s’informer au sujet d’une plainte qui aurait été portée contre lui. Il
indique qu’il n’aurait jamais été informé par le journal de la plainte et de la
rétractation. Il ajoute qu’il n’est pas un employé régulier du journal et qu’il
s’agissait de sa première collaboration.
Dans les
circonstances, et même si les délais pour réagir sont épuisés depuis longtemps,
le Conseil de presse accorde alors à M. Martin le délai habituel de 15 jours
pour faire connaître son point de vue.
Au terme d’un mois d’attente, le Conseil
constate que M. Martin n’a pas utilisé son droit de réponse pour s’expliquer ou
se défendre.
Réplique du plaignant
Aucune réplique des plaignants.
Analyse
La présente plainte concernait un article du journaliste Ericson Martin dans le journal The Suburban.
Avant de faire connaître sa décision, le Conseil aimerait rappeler qu’il se définit comme un organisme chargé d’assurer la promotion et la protection du droit à l’information et de la liberté de la presse. Par conséquent, son objet et sa juridiction se concentrent sur l’univers médiatique et les questions qui le concernent. Le Conseil n’a donc retenu de la plainte présentée que les aspects qui avaient trait à de présumés manquements à l’éthique journalistique.
Un des principes les plus souvent rappelés par le Conseil de presse est que le traitement journalistique de même que la façon de présenter l’information relèvent du jugement et des prérogatives des médias et des professionnels de l’information, qui sont par ailleurs tenus de respecter les faits en tout temps.
Or, le reproche le plus souvent invoqué par les plaignants visait précisément des erreurs et un comportement journalistique inapproprié. Après étude des documents soumis par le cabinet Roch A. Fournier représentant les plaignants, le Conseil a constaté plusieurs manquements à ce chapitre.
Des informations inexactes, une partialité certaine, le non-respect de la vie privée et de la réputation et un conflit d’intérêts sont là les griefs observés et retenus par le Conseil.
Insatisfaits du traitement journalistique, les plaignants ont demandé et ont obtenu de la part du journal une lettre d’excuses et de rétractation. Le Conseil a bien pris acte que, suite à la mise en demeure des plaignants, l’hebdomadaire a souscrit à l’obligation professionnelle qu’il avait de s’excuser. Le contenu de ce rectificatif reprend les éléments de la mise au point des plaignants. La déontologie du Conseil de presse rappelle dans ce domaine que les médias sont responsables de tout ce qu’ils publient et ils ne doivent en aucun temps se soustraire à cette responsabilité ou s’en dégager. Même si la publication d’un tel article ne constitue pas toujours le meilleur moyen de réparer le préjudice causé, le Conseil est d’avis que le rédacteur du journal The Suburban était de bonne foi en publiant la rétractation et des excuses.
Néanmoins, au terme d’un examen approfondi et pour les multiples erreurs constatées, le Conseil de presse a décidé de retenir la plainte à l’encontre du journaliste Ericson Martin. La plainte est également retenue contre The Suburban pour manque d’encadrement professionnel d’un de ses journalistes pigistes.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C13A Partialité
- C15H Insinuations
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C17A Diffamation
- C22C Intérêts financiers