Plaignant
Nicholas Newman
Mis en cause
The
Gazette
(Peter Stockland, rédacteur en
chef et Larry Smith, président-éditeur)
Résumé de la plainte
M. Nicholas Newman porte plainte contre le
quotidien The Gazette pour un éditorial
publié par SouthamNews le 11
août 2001. Les mis-en-cause utiliseraient leur situation privilégiée pour faire
la propagande de la haine raciale et de la guerre (to foment racial hatred and
war).
Griefs du plaignant
Le plaignant
dénonce au Conseil de presse un éditorial provenant de
SouthamNews et paru dans le quotidien
The Gazette le 11 août 2001. L’article aurait été publié en
réaction à un nouvel attentat suicide en Israël contre des civils dont des
enfants.
L’éditorial
plaidait, selon M. Newman, en faveur d’un appui non équivoque à n’importe
quelle riposte de la part d’Israël, concluant même que pour cela il n’y a rien
de trop démesuré (nothing is excessive).
Le plaignant
demande : « Qu’en est-il de tuer des enfants palestiniens? Est-ce que ce n’est
pas tout aussi inacceptable et excessif que de tuer des enfants israéliens? »
En tout cas, ce ne l’est pas pour Southam-The
Gazette, selon lui.
Pour le
plaignant, citant des sources de la Fédération internationale des Sociétés de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, depuis cet éditorial du 11 août 2001, les
Israéliens ont tué environ 100 enfants palestiniens de moins de 12 ans pendant
que les Palestiniens en ont tué une quinzaine parmi les milliers de morts
civils et militaires qu’ils ont causés.
Selon lui,
l’éditorial de Southam veut nous
faire croire que de tuer des enfants palestiniens est pleinement justifiable et
que « rien n’est excessif ». Il oppose donc son désaccord. Il affirme que
Southam-The Gazette sait bien que les
Israéliens et les Palestiniens sont pris les uns avec les autres et qu’ils
devront éventuellement faire la paix. La revanche perpétuelle fait juste rendre
la cohabitation plus pénible, particulièrement pour les plus vulnérables.
M. Newman termine en affirmant que le 20e
siècle a souvent vu les médias se faire propagandistes de la haine raciale et
de la guerre et, qu’à son avis, Southam-The
Gazette utilise sa position privilégiée pour faire de même, ce qui devrait
leur mériter des reproches.
Commentaires du mis en cause
D’entrée de jeu,
le représentant des mis-en-cause soumet respectueusement que le Conseil de
presse du Québec n’a pas juridiction pour entendre cette plainte.
Les éditoriaux
nationaux publiés de temps à autre par The
Gazette sont la prérogative du rédacteur en chef et de l’éditeur.
Pour M. Stockland, le plaignant, comme
chacun des lecteurs de son journal, était libre de soumettre une lettre à
l’éditorialiste exprimant son désaccord avec le contenu de ces éditoriaux. Il
n’y a rien dans la documentation qu’il a fait parvenir au Conseil de presse qui
indique que M. Newman a fait cette démarche fondamentale.
Réplique du plaignant
Le plaignant
proteste. Il affirme avoir effectivement réagi par une « lettre à l’éditeur »
en réponse à l’éditorial en question, qu’il a envoyée le 12 août 2001 et dont
il inclut copie. Il n’aurait alors reçu aucune réponse.
Par ailleurs, en
ce qui a trait à la notion de juridiction, le plaignant n’a aucune objection à
ce que M. Stockland soumette sa plainte au Conseil de presse canadien ou à tout
autre organisme approprié.
Quoi qu’il en soit, il maintient sa plainte
devant le Conseil de presse du Québec et en attend la décision.
Analyse
D’entrée de jeu, en regard de la recevabilité de la plainte et des questions de juridiction, le Conseil de presse du Québec traite les plaintes pour des articles publiés par les médias ayant pignon sur rue au Québec comme c’est le cas pour TheGazette ou pour tout média possédant à tout le moins un bureau ou un correspondant au Québec.
L’éditorial est un genre journalistique qui laisse à son auteur une grande latitude dans l’expression de ses points de vue et de ses jugements. Il permet à son auteur d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer ses critiques, ce qu’il peut faire dans le style qui lui est propre.
En matière d’éditorial et de commentaire, l’éditeur est libre d’exclure les points de vue qui s’écartent de la politique du média, sans qu’une telle exclusion puisse être considérée comme privant le public de l’information à laquelle il a droit.
Le plaignant reprochait à l’éditorial de Southam-The Gazette de plaider en faveur d’un appui non équivoque à n’importe quelle riposte de la part d’Israël en affirmant que « nothing is excessive ».
Les médias et les professionnels de l’information doivent peser l’emploi des mots qu’ils utilisent, être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur dans l’information afin de ne pas induire le public en erreur sur la vraie nature des situations ou encore l’exacte signification des événements.
Pour ces raisons, sans se prononcer spécifiquement sur l’expression utilisée et après examen, le Conseil a considéré, dans le contexte de l’éditorial et de l’ensemble du contenu de l’article, que la position de l’éditeur se situait à la marge de l’acceptable en cette matière. En effet, nombre d’organismes humanitaires considèrent que même en période de conflit, tout ne peut pas être permis aux belligérants. En conséquence, le Conseil de presse ne peut-il qu’inviter les mis-en-cause à la plus grande vigilance dans l’expression de ses prises de position publiques en cette matière.
En ce qui a trait au droit de réplique du plaignant évoqué par le rédacteur en chef et auquel M. Newman aurait dû avoir recours, ce dernier affirme avoir tenté de l’exercer, mais sans réponse de la part de The Gazette. Quoi qu’il en soit, les règles déontologiques en usage depuis plusieurs décennies au Québec indiquent d’une part que nul n’a accès de plein droit aux pages d’une publication, puisque la décision de publier ou non une réponse ou une réaction relève de la prérogative de l’éditeur. Mais en contrepartie, les médias sont invités à faire preuve de courtoisie et d’ouverture envers leurs usagers afin de leur éviter les tracasseries qui pourraient les empêcher de faire valoir leurs remarques, critiques ou récriminations légitimes. Le Conseil n’a donc pas retenu le grief à cet égard.
Ces précisions ayant été faites et sous réserve des remarques précédentes, le Conseil de presse rejette la plainte contre le quotidien The Gazette et le groupe de presse SouthamNews.
Analyse de la décision
- C15I Propos irresponsable
- C19A Absence/refus de rectification