Plaignant
Robert
Lemay
Mis en cause
Guy
Gilbert Jr, directeur général et L’Oeil
Régional (Guy Gilbert Sr, éditeur
et Bernard Blanchard, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
M. Robert Lemay porte plainte contre le
journal L’Oeil Régional et son
directeur général Guy Gilbert Jr concernant une lettre parue dan la page
«opinions » publiée le 7 septembre 2002 intitulée «Bande de
pédales…».
Cette lettre relate l’expérience
personnelle que M. Guy Gilbert a connue alors qu’il était au volant de son
véhicule. Il y détaille sa mésaventure avec un groupe de cyclistes.
Griefs du plaignant
Pour
le plaignant, l’auteur de l’article, M. Guy Gilbert Jr, a fait preuve d’une
grande intolérance en parlant en des termes injurieux des cyclistes. Il estime
que M. Gilbert a lui-même «un peu perdu les pédales» et que, en
généralisant sa propre expérience et en élevant les cyclistes au même rang, il
a exagéré ses propos.
M. Robert Lemay considère que, bien que
l’expérience vécue avec quelques cyclistes soit fâcheuse, le ton
«agressif, dégradant et intolérant» que M. Gilbert emploie dans son
article représente un manque de respect envers tous les cyclistes. Il ajoute
que M. Gilbert porte un jugement sur l’habillement, l’intelligence, le comportement
de tous les cyclistes et qu’il souhaite qu’un accident arrive afin de régler le
problème des cyclistes sur la route. Cette attitude pour le plaignant est
inacceptable.
Enfin, le plaignant exprime son opinion en
disant clairement que «des articles d’une telle intolérance et avec des
mots aussi agressifs devraient être interdits dans les médias et que de la part
d’un directeur de journal c’est un manque de jugement total.» Pour finir,
le plaignant trouve qu’écrire un article qui traite un groupe d’imbéciles et de
«pédales» mérite une sanction et/ou un avertissement sérieux et
qu’une lettre d’excuses serait appréciée des cyclistes et des lecteurs du
journal.
Commentaires du mis en cause
Commentaires
de Guy Gilbert Sr, éditeur, Guy Gilbert Jr, directeur général et Bernard
Blanchard, rédacteur en chef au journal L’Oeil Régional:
Dans un premier temps, les mis-en-cause
précisent que, «depuis des lustres»,
L’Oeil Régional se fait un devoir de publier chaque semaine les
opinions de ses lecteurs et lectrices et que c’est dans ce cadre que M. Guy
Gilbert Jr a fait part de son expérience personnelle.
Ensuite, les mis-en-cause déclarent qu’il
importe de souligner que la page dans laquelle la lettre de M. Gilbert a été
publiée est coiffée comme toujours de l’étiquette «opinions». Ils
précisent ensuite que, au bas de la signature de l’auteur, il apparaît la
mention «citoyen de Mont-Saint-Hilaire» parce que c’est au titre de
citoyen qu’il s’exprimait. De plus, la mention «directeur général de
L‘Oeil Régional» est indiquée par
souci de transparence et par respect pour les lecteurs. Cette mention fait
aussi suite au fait que dans l’article M. Gilbert invitait les cyclistes à
s’adresser à lui.
Les mis-en-cause insistent sur le fait que
l’opinion de M. Gilbert a été publiée dans le cadre d’une tribune libre dont la
gestion s’effectue selon les règles de l’art et que le sujet traité était
d’intérêt public «comme le démontrent les témoignages reçus à la suite de
la publication de cette lettre ouverte».
Ils précisent aussi que le territoire
couvert par L’Oeil Régional est une
région prisée par les cyclistes. Selon M. Gilbert, des conflits entre les
automobilistes et les cyclistes ont parfois lieu faute du manque de civisme de
ces derniers. Les mis-en-cause invoquent le droit de M. Gilbert de s’exprimer
ainsi.
Pour conclure, les mis-en-cause soulignent
qu’entre le fait de déclarer que certains cyclistes peuvent être dangereux sur
la voie publique et le fait de «mettre tous les cyclistes dans le même
panier, de faire preuve de haine ou d’intolérance, ou pire encore, de souhaiter
un accident pour régler un problème», il y a une «très grande
distance» que L’Oeil Régional
ne se permettrait pas de franchir.
Réplique du plaignant
Le plaignant met en valeur quatre points
dans sa réplique.
Premièrement, il exprime son accord quant à
la possibilité d’émettre une opinion et il réitère son profond désaccord
concernant la publication d’injures et de généralités sur certains cyclistes.
Il rappelle également qu’il faut tenir
compte que M. Gilbert est à la fois citoyen et directeur général du journal et
qu’il devrait être d’autant plus responsable et montrer l’exemple lorsqu’il
signe un article à titre de directeur du journal. Il estime qu’un texte aussi
hargneux devrait être révisé ou refusé.
Le plaignant ajoute qu’il est d’accord avec
le principe que le sujet soit d’intérêt public et qu’il déplore non pas ce fait
mais plutôt le traitement du sujet en lui-même.
En dernier lieu, M. Lemay dénonce la
qualification de délinquants que M. Gilbert fait à l’égard de tous les
cyclistes et déplore le fait qu’il souhaite qu’un accident arrive pour
améliorer la situation.
Le plaignant termine sa réplique en
soulignant une nouvelle fois qu’il y a une grande différence entre exprimer son
opinion et «écrire un texte hargneux sous l’effet de la rage en traitant
tous les cyclistes depédales et desans cerveau». Selon lui,
la dangerosité des routes pour les cyclistes est telle qu’«il ne
sert à rien d’augmenter l’agressivité des gens».
Il demande des excuses de la part de M.
Gilbert Jr dans son journal et se dit prêt à l’aider à «écrire des
articles sur le comportement des cyclistes et des automobilistes afin que tous
se respectent, partagent la route et éviter tout accident si possible».
Analyse
Les griefs exprimés par le plaignant concernaient spécifiquement une lettre publiée dans le journal L’Oeil Régional. Le texte est paru dans la page «opinions».
Aux yeux du Conseil, un directeur de journal ne peut écrire un texte comme simple citoyen dans son propre média. Le texte dans lequel transparaît l’opinion du directeur est assimilable à une chronique, les règles qui en découlent s’appliquent donc. Elles permettent aux journalistes qui les pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, ce qu’ils peuvent faire dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire.
La chronique laisse donc à son auteur une grande discrétion dans l’expression de ses prises de position et de ses points de vue. L’examen par le Conseil du texte en cause ne révèle aucun débordement des frontières habituellement reconnues à ce genre journalistique, même si le ton a pu paraître offensant pour le plaignant.
Le reproche vise particulièrement le directeur général du journal L’Oeil Régional lequel, selon le plaignant, a manqué de respect et a fait preuve d’intolérance envers les cyclistes. À la lecture de l’article en cause, il appert que les termes employés à l’égard des cyclistes sont crus mais que, à l’inverse de ce que pense le plaignant, l’auteur ne fait pas preuve d’un manque de responsabilité et de respect. Au contraire, celui-ci conclut son article en proposant une aide aux cyclistes afin de sécuriser leurs sorties. Le titre de l’article est certes osé, il n’en reste pas moins que son contenu souligne les dangers de la route et appelle, implicitement, les automobilistes comme les cyclistes à plus de vigilance.
Après considération de l’ensemble des éléments soumis à son attention, le Conseil de presse juge non fondée la plainte contre L’Oeil Régional et son directeur général.
Analyse de la décision
- C15I Propos irresponsable
- C17C Injure
- C17D Discréditer/ridiculiser