Plaignant
Ville de Saint-Lazare
(Chantale Lavoie, directrice des communications)
Mis en cause
Pauline
Naidoo, journaliste et
Hudson/St. Lazare
Gazette
(Louise Craig, éditrice)
Résumé de la plainte
La Ville de Saint-Lazare, par la voie de
son service des communications, porte plainte contre le journal Hudson/St.
Lazare Gazette pour des articles et des éditoriaux présumément faits de
façon cavalière et avec un manque total de professionnalisme. Les articles
visés ont été publiés dans les éditions du 21 août et du 4 septembre 2002 de
l’hebdomadaire et ils porteraient préjudice à la Ville de Saint-Lazare.
Griefs du plaignant
La plainte de la Ville de Saint-Lazare
concerne d’abord l’article publié le 21 août 2002 dans lequel Mme Naidoo relate
des faits tirés d’une lettre qu’elle aurait reçue de M. Pierre L’Espérance,
entraîneur chef du Club de soccer de Hudson/St.Lazare. La directrice des
communications, Mme Chantale Lavoie, estime que les faits exposés dans cette
lettre sont inexacts et qu’ils n’ont pas été vérifiés avant d’être publiés, ni
auprès de la Ville, ni auprès des autres organisations citées dans la lettre.
La porte-parole, Mme Chantale Lavoie,
reconnaît que la journaliste a bien placé un appel téléphonique auprès du service
des communications de la Ville mais explique que son service ne pouvait
répondre aux allégations de M. L’Espérance parce que le sujet devait être
discuté lors d’une réunion prévue quelques jours plus tard. Elle ajoute que la
journaliste n’a formulé aucune autre question précise lors de cette
communication. La plaignante considère donc que cet article porte préjudice à
la Ville de Saint-Lazare.
À la suite de la parution de l’article, la
Ville a demandé au journal de lui fournir gratuitement l’espace nécessaire à la
publication de sa réponse. Mais comme le journal ne pouvait lui garantir ni
l’espace nécessaire ni l’intégrité du texte, la Ville a dû payer un espace
publicitaire dans l’édition du 4 septembre 2002 afin de se prévaloir de son
droit de réponse. Mme Lavoie ajoute que même s’il était payé par la Ville,
l’article en question « a même subi l’édition de la part du journal sous menace
de retrait de la publicité ».
La plaignante dénonce également un article
intitulé « The
Hudson Gazette replies to
the Mayor
», placé au-dessus du message payé par la Ville. Selon la plaignante, il s’agit
d’une réponse du journal à une « lettre à l’éditeur » que la Ville a expédié en
même temps que sa publicité, mais qui n’a pas été publiée dans le journal.
Selon Mme Lavoie, cette réponse non seulement porte le lecteur à confusion
mais, encore une fois, allègue des faits non véridiques et non vérifiés.
Six semaines après le dépôt de sa plainte,
Mme Lavoie fait parvenir au Conseil, en information complémentaire, copie de la
réponse de la Ville de Saint-Lazare à la demande d’informations déposée par Mme
Louise Craig du journal Hudson/St.Lazare Gazette. Cette dernière
disait souhaiter recevoir ces informations avant de soumettre sa réponse au
Conseil.
La réponse de la Ville comporte six points
et porte sur : 1) la plus récente étude hydrologique faite pour Saint-Lazare;
2) des tests de la qualité de l’eau; 3) des coûts concernant le bulletin de
liaison municipal; 4) les coûts de publicité de la ville; 5) les coûts du service
des communications; 6) les fonctions et l’expérience de travail des
responsables des communications à la Ville. Cette lettre signée par la
directrice générale de la Ville indique également les conditions d’accès aux
documents municipaux.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de
l’éditrice, Mme Louise Craig:
Pour l’éditrice,
cette plainte est la dernière d’une série de tentatives des élus municipaux et
des fonctionnaires de la Ville de Saint-Lazare pour faire pression contre la Hudson/St.
Lazare Gazette afin de l’empêcher de jouer son rôle d’unique chien de garde
indépendant de langue anglaise de la communauté. Depuis les dernières années,
la Ville tente de malmener et d’intimider le journal en ne lui confiant pas sa
publicité, en refusant de parler à ses reporters et en menaçant le journal de
poursuite pour libelle.
Comme le
démontre la correspondance annexée, la difficulté d’obtenir de l’information de
la Ville de Saint-Lazare remonte à novembre 2000. À ce moment, la demande
d’information du journal portait sur l’alimentation en eau de la Ville, un
sujet de première importance dans une municipalité où l’approvisionnement
provient de puits municipaux. Cependant, la Ville a bloqué systématiquement
toute tentative pour obtenir ces informations d’intérêt préoccupant le
lectorat, obligeant le journal à avoir recours à la Loi d’accès à
l’information.
La Ville de Saint-Lazare se plaint de ce
que la journaliste a manqué de diligence en tentant d’obtenir la version de la
Ville dans le dossier du terrain de soccer. Il s’agit, selon l’éditrice, du
dernier exemple illustrant comment les employés et les élus municipaux tentent
de déplacer le blâme qu’ils devraient eux-mêmes recevoir pour leur incompétence
et leur intransigeance envers le journal.
Mme Craig fait observer que la
municipalité et les responsables du soccer à Saint-Lazare ont conclu une
entente sur un calendrier de réparation et d’entretien des terrains de soccer.
Elle se demande sérieusement si une telle entente aurait été possible sans la
publication de la plainte de M.L’Espérance dans son journal. Pour elle,
la Hudson/St. Lazare Gazette est fière de ses 50 ans de journalisme
communautaire. Elle entretient d’excellentes relations avec les municipalités
avoisinantes comme Hudson, Vaudreuil-Dorion et Rigaud. L’éditrice annexe à sa
réponse des témoignages de lecteurs louangeant le journal pour son bon travail
dans la communauté.
Commentaires de la
journaliste, Pauline Naidoo:
La journaliste
rappelle le fil des événements et les dates pour démontrer sa bonne foi. Après
avoir reçu copie de la lettre de M. L’Espérance le 15 août, elle a bien tenté
d’obtenir la version de la Ville mais quatre jours après, comme elle n’avait
toujours pas obtenu de réponse, elle a décidé de publier l’information, en
indiquant qu’elle n’avait pas pu obtenir de réaction de la Ville avant l’heure
de la tombée. Selon Mme Naidoo, l’information devait être publiée immédiatement
parce que le Club de soccer distribuait des lettres invitant les parents des
joueurs à assister à l’assemblée du conseil municipal du 3 septembre. Aucune
réponse de la Ville n’est parvenue au journal avant le 26 août, soit 5 jours
après publication et 11 jours après son premier appel à l’Hôtel de ville.
Par ailleurs,
dans sa démarche auprès du journal, la directrice des communications, Chantale
Lavoie, a demandé s’il y avait l’espace pour une nouvelle sur la réponse de la
Ville dans l’édition du 28. Même si la tombée était passée, la journaliste lui
a offert de tenter de lui obtenir une courte réponse dans l’édition du 28 août,
lui proposant en même temps un article complet dans l’édition suivante. Son
offre a été refusée. On l’informa que le maire désirait une garantie que son
texte serait publié intégralement. La journaliste lui précisa alors qu’elle ne
pouvait lui garantir que son article serait publié intégralement, à la suite de
quoi Mme Lavoie s’est enquise des modalités d’un message payé. Celui-ci a été
publié le 4 septembre. Le seul mot qui a été retiré de l’annonce l’a été avec
l’approbation signée de la Ville. La journaliste ajoute qu’elle a également
offert de rédiger une nouvelle sur le sujet, même si le texte payé était
publié. Cette offre a été refusée. Par conséquent, contrairement à ce qui est
affirmé dans la lettre de la plaignante, aucune mention n’a été faite avant le
21 août à l’effet que le sujet serait discuté à une réunion devant être tenue
quelques jours plus tard. Toutefois, la directrice des communications de la
Ville a pu donner ses commentaires à un autre article paru dans un autre hebdomadaire
local, The
Times, le 30 août 2002.
En ce qui a
trait à l’allégation selon laquelle la nouvelle était écrite sur le témoignage
d’une seule personne, la journaliste répond qu’une lettre signée par le
président du Club de soccer, Rob Holland, et distribuée à tous les parents des
joueurs de soccer, indique clairement une préoccupation largement partagée
concernant l’état des terrains de soccer à Saint-Lazare. Des preuves
photographiques viennent confirmer l’état du terrain.
Cependant, à la
suite de ces discussions, durant plusieurs semaines, la Ville a refusé de
donner à Mme Naidoo toute information sur le sujet. Elle s’est fait répondre
par Mme Lavoie et par la directrice générale de la Ville, Lucie Gendron,
qu’elles avaient reçu des ordres de ne pas parler à qui que ce soit du journal Hudson/St.
Lazare Gazette. La journaliste a donc fait un suivi sur la situation des
terrains de soccer sur la base de ce qui a été dit à la réunion municipale du 3
septembre lors de laquelle M. L’Espérance a été blâmé (chastised)
publiquement pour s’en être ouvert aux médias
(for going to the press). Enfin, en ce qui
concerne la lettre à l’éditeur, de telles lettres sont toujours publiées à la
discrétion du rédacteur en chef qui se réserve le droit de les abréger.
Mme Naidoo termine en indiquant que comme
journaliste, elle a toujours fait de son mieux pour traiter tous les aspects
d’une nouvelle et pour vérifier l’information. Au cours de ses seize ans de
journalisme, elle n’a jamais été une seule fois accusée d’avoir manqué à
l’éthique. Elle avait l’intention de publier la réponse de la ville et elle a
offert plusieurs fois de le faire. Ne pas avoir publié la nouvelle durant
plusieurs semaines en attendant la réponse de la ville aurait été desservir le
public de Saint-Lazare et aurait été interprété comme un biais en faveur de la
ville.
Réplique du plaignant
La directrice des communications indique
avoir pris connaissance de la réponse de Mme Craig ainsi que des arguments sans
fondement et hors contexte des mis-en-cause. C’est pourquoi elle réitère sa
plainte auprès du Conseil. Souhaitant préciser à nouveau ses arguments, elle
reprend ses griefs : information incomplète et non conforme aux faits et aux
événements, sensationnalisme et manque de rigueur intellectuelle dans la collecte
des informations, manque de rigueur et manquement à la vérification des faits,
partialité et refus de publication d’une réplique du lecteur, atteinte à
liberté d’expression, inexactitudes.
Pour la plaignante, il s’agit donc d’un
manque de professionnalisme. Les manquements touchent autant l’article du 21
août 2002 que l’obligation dans laquelle elle s’est retrouvée de payer une
publicité pour faire valoir son droit de réponse. Pour elle, les arguments des
mis-en-cause sur les demandes d’information sont sans fondement. Toute demande
d’accès à des documents d’organismes publics est régie par la Loi sur l’accès
aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels. Selon elle, il n’existe aucune disposition dans la loi stipulant
qu’un journal a plus de droits que les autres personnes et peut se permettre
d’être au-dessus des lois. Lorsqu’une personne est en désaccord avec la
décision prise par un organisme public, les recours s’exercent à la Commission
d’accès à l’information et non devant le Conseil de presse.
COMMENTAIRES À LA RÉPLIQUE
Madame
Craig dénonce la réplique du 22 novembre la qualifiant de fiction issue de
l’imagination des plaignants, pleine de mensonges et de mauvaise
interprétation. Elle ajoute que non seulement son journal a tenté de recueillir
toutes les facettes de l’histoire en contactant la Ville de Saint-Lazare mais
il a été précisé que la version de la Ville n’était pas disponible, celle-ci
n’ayant pas retourné les appels. Elle répond ensuite aux accusations de manque
de rigueur intellectuelle, invoque de nombreux témoignages en faveur de
l’équilibre dans son travail et demande s’il y a beaucoup d’entreprises de
presse qui attendent avant de publier une nouvelle. Elle précise en terminant
qu’elle a offert à plusieurs reprises à la Ville de Saint-Lazare de publier sa
version des faits, ce qui fut refusé en invoquant que cette réponse devait être
textuelle. La Ville a pu publier l’annonce qu’elle désirait, mais amputée d’un
mot qui aurait été diffamatoire à l’endroit du journal.
Analyse
Le rôle fondamental des médias est non seulement de divertir mais également d’informer et de renseigner. La liberté de presse et son corollaire, le droit du public à l’information, sont des droits reconnus universellement et, de ces droits découlent les principes réaffirmés par le Conseil de presse depuis 30 ans au sujet du libre exercice du journalisme :
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entrave ni menace ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Si le Conseil a tenu à rappeler ces principes, c’est que le différend qui oppose les parties dans ce litige lui est apparu fondé sur une vision différente du rôle de la presse. Or, rappelle le Conseil, ce rôle est de renseigner le public le plus justement possible pour qu’il soit en mesure de porter un jugement éclairé sur les personnes et sur les événements. Dans cet esprit, le fait de demander des informations à un gouvernement municipal afin d’informer le public apparaît totalement en conformité avec ce rôle.
Dans le présent cas, la plaignante reprochait aux mis-en-cause de ne pas avoir vérifié les faits avant de publier. Mais à la lumière de l’échange de correspondance, il apparaît que la journaliste a bien tenté d’obtenir la version de la Ville en plaçant un appel téléphonique auprès de son service des communications mais que ce dernier a préféré attendre avant de répondre aux allégations, parce que le sujet devait être discuté lors d’une réunion à venir. Si la Ville avait le droit de s’abstenir de commenter, le journal avait également le droit de publier après s’être assuré de la véracité de ses informations.
En ce qui a trait à l’affirmation de la plaignante à l’effet que les faits n’avaient pas été vérifiés auprès des autres organisations citées dans la lettre, le Conseil a constaté que cette affirmation n’était pas d émontrée.
Après la parution de l’article, la plaignante avait tenté d’obtenir du journal l’espace gratuit nécessaire à la publication de sa réaction à l’article. Le journal ne pouvant lui garantir ni l’espace nécessaire ni l’intégrité du texte, la Ville avait dû payer un espace publicitaire, ce que dénonçait la plaignante.
À ce sujet le Conseil rappelle que nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal ou aux ondes des stations de radio et de télévision. Mais en contrepartie, les médias et les professionnels de l’information ont le devoir d’en favoriser l’accès au public.
Après examen, il appert que l’hebdomadaire Hudson/St. Lazare Gazette a fait des efforts adéquats dans les circonstances pour respecter ce principe, même si, pour sa part, la Ville de Saint-Lazare avait le droit de choisir de payer pour s’assurer de l’intégralité du message. À ce chapitre, le Conseil de presse a estimé que le grief concernant l’omission du mot «wrongly » dans le texte payé par la Ville relevait du contenu publicitaire du journal et a choisi de réserver sa réponse sur ce sujet ne relevant pas de l’éthique journalistique.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte contre l’hebdomadaire Hudson/St.Lazare Gazette et sa journaliste Pauline Naidoo.
Analyse de la décision
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C09C Modification du texte
- C15B Reprendre une information sans la vérifier