Plaignant
Commission
scolaire de Montréal (Camille Gagnon, directrice, Service des communications)
Mis en cause
Harold
Gagné, journaliste, et le Groupe TVA (Philippe Lapointe, vice-président
Information et Affaires publiques)
Résumé de la plainte
La Commission scolaire de Montréal porte
plainte contre le Groupe
TVA et son journaliste Harold Gagné
pour la diffusion d’un reportage le 29 août 2002 à
TVA et LCN.
Intitulé «La rentrée scolaire à
l’école Joseph-Charbonneau» et «Les chiens-guides», ce
reportage traite de l’intégration de chiens d’assistance à l’école
Joseph-Charbonneau de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), qui accueille
des enfants atteints de handicaps physiques graves.
Camille Gagnon, directrice du Service des
communications de la CSDM, regrette que
le journaliste Harold Gagné traite ce sujet avec sensationnalisme, en érigeant
l’intégration de chiens d’assistance dans une école spéciale en une bataille
entre le milieu de l’éducation et deux jeunes handicapés. Elle estime par
ailleurs que l’information est incomplète; il manquerait une version des faits.
Griefs du plaignant
La plaignante remet en cause l’utilisation
dans le reportage des termes «lutte», «combat»,
«battre», «victoire», «triomphe»,
«héros»…, ces derniers ne reflétant pas les rapports
qu’entretiennent les familles des deux handicapés avec l’école et la CSDM. La
plaignante estime que le journaliste fait preuve de sensationnalisme à cet
égard.
La plaignante relève ensuite des erreurs
commises par le journaliste.
Tout d’abord, l’école Joseph-Charbonneau
n’est pas une école régulière, comme le laisserait entendre M. Gagné, elle fait
partie des écoles spéciales de la CSDM.
Ensuite, le journaliste fait erreur
lorsqu’il affirme que «la Commission des droits de la personne a dû
intervenir». La plaignante explique que la Commission des droits de la
personne (CDPDJ) ne s’était pas encore prononcé sur le cas du premier enfant
handicapé lors de la diffusion du reportage.
Enfin, Mme Quenneville, (la mère d’un des
handicapés), n’a pas «persévéré dans ses efforts… pendant cinq
mois», comme le prétend le journaliste, la CSDM ayant répondu
favorablement 27 jours après la demande d’intégration du chien.
Pour finir, Camille Gagnon n’est pas satisfaite
du montage du reportage lors de l’entrevue avec M. Champagne, psychologue à la
Fondation MIRA. En effet, la question posée à ce dernier, lors de sa réponse
«victoire sur un petit peu l’intolérance, l’ignorance humaine…»,
n’est pas connue des auditeurs. Elle considère que ce montage a été fait pour
appuyer l’opinion du journaliste.
En guise de conclusion, la plaignante
précise que M. Gagné avait tous les éléments en main pour diffuser un reportage
objectif, ce dernier s’étant rendu plusieurs fois à l’école et ayant eu des
discussions avec son directeur.
La plainte est accompagnée d’une
chronologie des événements concernant les démarches des familles des handicapés
vis-à-vis de l’école, de la CSDM et de la CDPDJ.
Commentaires du mis en cause
M. Lapointe précise dans un premier temps
que les commentaires soumis au Conseil de presse sont soutenus par M. Gagné.
M. Lapointe indique que le reportage mis en
cause a été réalisé après «une recherche fouillée et une préparation
minutieuse». Différents éléments ont été pris en compte: d’une part
les entrevues auprès des personnes intéressées (les deux enfants ayant des
chiens d’assistance, la mère d’un des enfants, le directeur de l’école et
un psychologue à la Fondation Mira), d’autre part les démarches auprès de la
Commission des droits de la personne (études de documents et correspondances).
Le mis-en-cause répond ensuite point par
point aux griefs de la plaignante.
En ce qui concerne les termes
«lutte», «combat», «victoire»…, le
mis-en-cause considère qu’ils reflètent exactement les sentiments vécus par les
différentes personnes apparaissant dans le reportage et respectent également
les témoignages diffusés.
Pour ce qui est des erreurs qui auraient
été commises dans le reportage, M. Lapointe les considèrent toutes non fondées.
M. Gagné n’aurait jamais dit dans son
reportage que l’école était régulière.
La Commission des droits de la personne
serait réellement intervenue. Il précise à cet effet que Me Ginette Rioux,
avocate à la Commission, a été nommée médiatrice et a préparé un volumineux
rapport.
En ce qui concerne la durée des démarches
de madame Quenneville, il n’y aurait pas eu d’erreur à ce sujet.
Pour ce qui est du montage de l’entrevue
avec Noël Champagne, le mis-en-cause affirme que le sens des propos de ce
dernier a bien été respecté. Il fournit une lettre de celui-ci comme preuve.
Réplique du plaignant
En ce qui a trait aux termes qui seraient
sensationnalistes, la plaignante répète qu’il n’y a pas eu de lutte ou de
combat entre les parents et l’école. La plaignante donne comme preuve une
lettre de Mme Quenneville.
Ensuite, la plaignante estime qu’une
version des faits est manquante. Elle regrette que le journaliste n’ait pas rencontré
des parents d’élèves subissant les préjudices causés par la présence d’un
chien. Ceci aurait permis de mieux comprendre la situation de l’école et les
difficultés rencontrées par les familles pour faire accepter des chiens dans
l’école.
La plaignante réitère les erreurs commises
par le journaliste concernant l’intervention de la Commission des droits de la
personne et la durée des démarches de Mme Quenneville.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent livrer au public une information complète et conforme aux faits et aux événements, afin de permettre aux auditeurs de se faire une opinion en toute connaissance de cause. Ils ne doivent pas déformer la réalité en recourant au sensationnalisme.
Le choix d’un sujet et la façon de le traiter appartenant en propre aux professionnels de l’information, M. Gagné pouvait légitimement choisir d’orienter son sujet sur l’histoire de deux jeunes handicapés qui ont obtenu le droit de se faire accompagner de leur chien d’assistance à l’école Joseph-Charbonneau. Le journaliste relate ainsi les problèmes rencontrés par les familles pour obtenir cet accord de l’école et met en relief la longueur de leurs démarches.
Le Conseil estime que l’explication par le journaliste des raisons pour lesquelles l’école n’a pu répondre plus tôt à la demande des familles, est insuffisante. En effet, le problème pour l’école est doubleet met en concurrence les droits de différents jeunes handicapés. La longueur des démarches des familles était ainsi due à la présence à l’école d’une jeune handicapée, dont les conditions médicales ne permettaient pas la venue d’un chien d’assistance. Ainsi, l’acceptation d’un chien à l’essai en mars 2001 s’était, à terme, conclu par un échec.
Ce manque de contextualisation dans le reportage ne permet pas aux auditeurs de considérer dans son ensemble la situation et de prendre en compte les efforts fournis par l’école pour satisfaire les parties en présence. Le Conseil retient donc le grief du manque d’équilibre du reportage.
La plaignante regrette l’utilisation des termes «combat», «victoire», «se battre» qui seraient selon elle sensationnalistes. Le Conseil rejette ce grief. Il considère ces termes appropriés à décrire les sentiments ressentis par les familles durant ces longues démarches et ces périodes d’incertitude pour leur enfant.
Pour ce qui est de la nature de l’école Joseph-Charbonneau, le Conseil estime que le journaliste n’a pas fait d’erreur à ce sujet. Par deux fois, il explique clairement que cette école est très spécialisée et qu’elle accueille des étudiants qui ont de très lourds handicaps.
Sur la base de l’unique grief du manque d’équilibre du reportage, le Conseil retient la plainte de la Commission scolaire de Montréal contre M. Harold Gagné et le Groupe TVA .
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C12D Manque de contexte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
Date de l’appel
8 October 2003
Décision en appel
Les membres de la Commission ont convenu
unanimement d’accueillir votre appel, renversant ainsi la décision rendue en
première instance. La Commission en est à la conclusion que le reportage du
journaliste Harold Gagné comportait une mise en contexte suffisante et ne
présentait pas d’entorse déontologique.
Griefs pour l’appel
M. Philippe Lapointe, vice-président
information, Groupe TVA