Plaignant
Conseil
du statut de la femme (Diane Lavallée, présidente)
Mis en cause
Benoit Dutrizac, animateur et journaliste et
CKAC-AM (Sylvain Chamberland, directeur)
Résumé de la plainte
La présidente du Conseil du statut de la
femme porte plainte contre l’animateur et journaliste
Benoit Dutrizac pour avoir mal rapporté ses propos, à la suite d’une
entrevue que Mme Lavallée lui avait accordée le 7 mars 2002, dans le cadre de
l’émission «Les Francs-Tireurs » diffusée sur les ondes de Télé-Québec.
Griefs du plaignant
Mme Diane Lavallée reproche à M. Dutrizac
d’avoir répété en ondes à au moins deux reprises – à
CKAC-AM
et à la première
chaîne de
Radio-Canada
– que lors de son entrevue à l’émission
«Les Francs-Tireurs », elle avait affirmé, sans nuances, que « les hommes
demandaient la garde partagée pour ne pas avoir à payer de pension alimentaire
».
La présidente estime, au contraire, avoir
apporté énormément de nuances à cette occasion, mais que la section de
l’entrevue en question n’a pas été reprise au montage final de l’émission. Il
en est résulté que les téléspectateurs n’ont pu juger par eux-mêmes de la
portée réelle des propos de Mme Lavallée, n’ayant que la version de M. Dutrizac
qui semble vouloir poursuivre une espèce de vendetta contre le féminisme.
Pour Mme Lavallée, ce comportement du
journaliste lui semble d’autant plus dommageable que le sujet de la garde des
enfants est actuellement l’objet de vifs débats, notamment à l’intérieur des
associations de pères divorcés. À la suite des interventions de M. Dutrizac,
elle aurait reçu plusieurs réactions de membres de ces associations ou d’autres
personnes qui la prennent à partie à titre de présidente du Conseil du statut
de la femme. Pour elle, l’organisme qu’elle dirige s’en trouve discrédité, sans
compter le tort à sa réputation. Le fait que M. Dutrizac utilise des propos qui
n’ont jamais été entendus sur les ondes et qu’il les emploie hors contexte et
sans les nuances qu’elle a faites, alimente des animosités inutiles, provoque
des réactions agressives à son endroit et induit en erreur ceux qui l’ont
entendu.
Enfin, selon Mme Lavallée, à cause de son
statut privilégié, le journaliste jouit d’une crédibilité qui augmente la
portée de ses affirmations. Elle en donne pour preuve le fait que son collègue
et co-animateur des «Francs-Tireurs », Richard Martineau, qui n’avait pas
assisté à l’enregistrement aurait rapporté les paroles de M. Dutrizac lors de
l’émission du 9 octobre 2002.
Mme Lavallée annexe à sa plainte quatre
enregistrements et trois documents : la transcription d’un extrait de
l’entrevue accordée à l’émission «Les Francs-Tireurs » du 20 mars 2002,
la copie d’une lettre de réaction datée du 19 novembre 2002, de même que sa
réponse à cette lettre.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de la directrice aux Affaires
juridiques et commerciales de Zone3 inc., MeMarie-Christine
Beaudry:
Me Marie-Christine Beaudry
répond que même si l’entrevue entre M. Benoit
Dutrizac et Mme Diane Lavallée a eu lieu dans le cadre de l’émission
«Les Francs-Tireurs », les faits reprochés à M. Dutrizac concernant des
propos que ce dernier aurait tenus présumément en manquement à l’éthique
professionnelle, se sont produits au cours d’une émission avec laquelle Zone3
n’était nullement impliquée.
Me Beaudry explique que lors de
son passage sur les ondes de CKAC-AM,
M. Dutrizac n’agissait pas à titre
d’employé ni de préposé de Zone3 et n’était nullement mandaté par cette
dernière pour agir sur les ondes de cette station de radio.
Commentaires du vice-président exécutif et
directeur général de CKAC-AM, Sylvain Chamberland:
Après avoir rappelé les propos de Mme
Lavallée, M. Chamberland amorce ses commentaires en rappelant que «
conformément au Règlement de 1986 sur la radio, les stations de radio ne sont
plus requises de conserver les rubans-témoins pour une période de plus de 28
jours après diffusion ». La lettre de Mme Lavallée ayant été reçue près de 8
mois après la diffusion de l’émission, la station n’a plus les rubans témoins
et il est donc impossible de ré-entendre les propos de M. Dutrizac.
De plus, le vice-président exécutif et
directeur général indique que M. Benoit
Dutrizac n’est plus à l’emploi de CKAC
et qu’en conséquence il ne peut obtenir ses commentaires. Enfin, la station
CKAC n’aurait jamais reconnu que M.
Dutrizac était un journaliste à son emploi, comme le laisse entendre Mme
Lavallée; il a toujours occupé un poste de co-animateur d’émissions
radiophoniques. Les pièces d’accompagnement de la plainte sont celles de
l’entrevue réalisée dans le cadre de l’émission «Les Francs-Tireurs » et
elles n’ont conséquemment aucune pertinence pour
CKAC qui ne peut ainsi donner suite au dossier.
Commentaires
du mis-en-cause, Benoit Dutrizac:
M. Dutrizac relève d’entrée de jeu que
Mme Diane Lavallée l’accuse de « vendetta contre le féminisme » et suggère que
la présidente du Conseil du statut de la femme joue à la victime. Il rappelle
d’abord le contexte : au printemps 2002, Mme Lavallée a accepté une invitation
à participer à un reportage sur la misandrie, ou le mépris des hommes, dans le
cadre de l’émission «Les Francs-Tireurs ». Et les propos qu’il a
rapportés ont été tenus lors d’une entrevue que Mme Lavallée lui a accordée.
Le mis-en-cause explique ensuite les
circonstances qui ont fait que l’échange entre Mme Lavallée et lui, sur les
pères et leur responsabilité, a été coupé au montage : pour des raisons de
surcharge de travail, le montage de l’émission a été confié à un réalisateur
pigiste qui ne l’a pas consulté lors du montage final, alors qu’il était clair
que cet échange aurait dû faire partie du reportage.
M. Dutrizac demande si la présidente du
Conseil du statut de la femme trouve normal que dans 80 % des séparations ou
des divorces, les femmes obtiennent la garde des enfants? En tant que père qui
voit d’autres pères proches de leurs enfants, il conteste cet « état de fait »
qui lui apparaît carrément discriminatoire envers les pères.
L’animateur et journaliste reprend
ensuite un extrait de la transcription de Mme Lavallée pour demander si « un
juge dans toute sa sagesse, peut connaître le pourcentage des tâches accomplies
par un couple dans la maison ». Il poursuit son argumentation, indiquant au
passage que la présidente du Conseil du statut de la femme n’est pas très inquiète
du sort que l’on réserve aux hommes en difficulté.
Le mis-en-cause indique également que
Mme Lavallée a refusé une invitation très polie à revenir à l’émission
«Les Francs-Tireurs » afin de clarifier sa position et ses propos. Un
droit de réplique lui avait été offert et elle l’a refusé sans motif.
M. Dutrizac rappelle ensuite que Mme
Lavallée a été candidate en 1994 dans le comté de Jean-Talon pour le Parti
Québécois. Selon lui, elle ne se gêne pas pour tirer les ficelles et utiliser
son réseau de contacts pour faire des pressions sur lui, sur son employeur
ainsi que sur Télé-Québec, ce qui, selon lui, est de bonne guerre.
I
l affirme, cependant,
que ce qui doit être sans équivoque, c’est qu’il n’a jamais voulu s’attaquer
aux féministes. «Aucun homme sain d’esprit ne peut s’en prendre aux
revendications des femmes. Par contre, peut-on au moins reconnaître les besoins
des hommes sans que ce soit au détriment de ceux des femmes?», écrit-il.
En
terminant, M. Dutrizac persiste à dire que Mme lavallée prétend que si la
majorité des hommes veut la garde des enfants, c’est pour ne pas payer la
pension alimentaire. Si ce n’est pas ce qu’elle a dit, il demande ce qu’elle a
dit au juste.
Réplique du plaignant
Aucune réplique.
Analyse
La première démarche du Conseil de presse du Québec dans l’examen de la plainte soumise à son attention a consisté à établir si Mme Lavallée avait effectivement prononcé la fameuse phrase dénoncée.
Après visionnement de la cassette de tournage de l’émission, il s’avère que cette phrase est bien réelle et qu’elle a été prononcée par Mme Lavallée dans le contexte d’une entrevue de près de 40 minutes durant lesquelles elle exprime plusieurs nuances dans ses propos et notamment, dans le contexte plus spécifique entourant la phrase contestée.
Par conséquent, il devient inexact de prétendre que Mme Lavallée a affirmé sans nuances que « les hommes demandaient la garde partagée pour ne pas avoir à payer de pension alimentaire ».
Le Conseil a ensuite examiné tour à tour les deux contextes où M. Dutrizac aurait rapporté publiquement la phrase contestée.
Dans le cas de l’émission «Elle et lui » de la station CKAC-AM, il appert après examen que même si les propos de M. Dutrizac n’apparaissent pas des plus tendres à l’endroit de Mme Lavallée, la phrase indiquée dans l’exposé de ses griefs n’a pas été citée dans cet échange entre Mme St-Germain et M.Dutrizac. Le Conseil n’a donc pas retenu de grief à cet endroit.
En ce qui a trait à l’émission « Indicatif présent » de la SRC où M. Dutrizac agissait comme invité de Mme Marie-France Bazzo, le Conseil a constaté dans ce cas que la phrase faisant l’objet du reproche s’y trouve effectivement citée et sans les nuances mentionnées par Mme Lavallée dans sa plainte. Le Conseil a donc estimé qu’il s’agissait effectivement d’une inexactitude de la part du journaliste et co-animateur de l’émission «Les Francs-Tireurs ».
Cependant, dans le présent cas, le Conseil a également estimé que l’inexactitude en question n’avait pas la portée que lui prête la plaignante et a considéré celle-ci comme relativement mineure dans les circonstances.
Le Conseil a également noté que Mme Lavallée a renoncé à son droit de réplique et refusé une invitation à revenir à l’émission «Les Francs-Tireurs » afin de clarifier sa position et ses propos.
Enfin, en ce qui concernait le fait d’avoir été la source d’une information inexacte reprise par son collègue et co-animateur à l’émission «Les Francs-Tireurs », Richard Martineau, le Conseil a observé que la plaignante n’avait formulé aucun grief contre M. Martineau ni contre le diffuseur Télé-Québec alors que les propos reprochés avaient été prononcés par M. Martineau. Le Conseil n’a retenu aucun grief dans les circonstances à cet égard.
Au terme de cet examen, donc, et en tenant compte des nuances apportées plus haut, le Conseil de presse déplore un manquement à l’exactitude de la part du journaliste et animateur Benoit Dutrizac et retient la plainte sur ce seul aspect.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C17G Atteinte à l’image