Plaignant
Michel
Chayer
Mis en cause
Le Courrier du Sud
(Lucie Masse, directrice)
Résumé de la plainte
Le plaignant reproche à l’hebdomadaire
Le Courrier du Sud de publier sous forme
de reportage une rubrique intitulée DEHORS, alors qu’il s’agit en fait d’une
publicité. Selon le plaignant, en omettant de coiffer la dite publicité de la
mention PUBLIREPORTAGE, Le Courrier du
Sud «berne sciemment son lectorat» et déroge ainsi à l’éthique
de l’information.
Griefs du plaignant
Depuis le
printemps 2002, Le Courrier du Sud
publie une rubrique DEHORS axée sur les activités de plein air. Cette rubrique
se retrouve dans presque toutes les éditions de l’hebdomadaire, et est signée
soit par l’Agence DEHORS.com, ou
d’autres raisons sociales qui appartiennent à la même personne (
A.G.C. ou
A.D.C. etc.).
Or selon le
plaignant, si DEHORS a toutes les allures d’un article de presse commandé et
payé à un(e) pigiste, ici l’Agence DEHORS.com,
il s’agirait plutôt d’une publicité. Michel Chayer affirme que l’agence n’est
pas payée pour écrire l’article, c’est elle qui paye
Le Courrier du Sud pour placer son matériel de promotion. À l’appui
de son assertion, le plaignant soumet que:
1.
La rubrique fait invariablement
référence aux biens et services d’une poignée de marchands, toujours les
mêmes: Centre de ski Bromont; Sports Experts de Granby; les pourvoiries
Réal Massé et le Sanglier d’Europe, entre autres.
2.
Chaque «pseudo-rubrique»
est bordée par une série alphanumérique, par exemple 1702A12CSCL dans le cas de
l’édition du 12 janvier 2003, série qui «identifie en l’occurrence
l’espace vendu par l’hebdomadaire Le
Courrier du Sud».
3.
L’Agence
Dehors.com (et autres dénominations) est la propriété de Diane Lapointe,
qui est déjà par ailleurs journaliste au Courrier
du Sud.
4.
Diane Lapointe est la conjointe de François Laramée, l’ex-rédacteur
en chef du Courrier du Sud et actuel
directeur des communications de la Ville de Longueuil. M. Laramée a signé
pendant des années une «chronique hebdomadaire en tous points
semblable» à la rubrique DEHORS. C’est d’ailleurs son numéro de téléphone
qui est donné pour les lecteurs intéressés à faire une réservation, dans le
texte du 8 décembre 2002 consacré à une activité de chasse.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Lucie Masse, directrice du Courrier du
Sud:
Avant de
répondre aux allégations du plaignant, la directrice du
Courrier du Sud note que Michel Chayer en est à sa deuxième plainte
contre l’hebdomadaire en quelques mois. Elle dit croire que ses motivations
n’ont rien à voir avec l’éthique de l’information pour les raisons
suivantes:
– En
50 ans d’existence, «Le Courrier du
Sud n’a jamais eu à faire face à de telles plaintes en rafale»;
– Le plaignant n’a pas hésité à utiliser une
fausse identité lorsqu’il a appelé au domicile de la journaliste Diane
Lapointe. Sous le nom de «Michel Vallée» il s’informait alors d’un
article écrit par «l’époux de madame Lapointe en 1999»;
– Michel Chayer semble avoir une relation
étroite avec Maurice Giroux et son journal Point
Sud. Or les plaintes de M. Chayer
ne visent toujours qu’une seule personne, madame Diane Lapointe, à titre de
journaliste ou chroniqueuse. Diane Lapointe est l’«épouse de François
Laramée, ancien rédacteur en chef du Courrier
du Sud, aujourd’hui directeur des communications de la Ville de
Longueuil». Et François Laramée a aussi, par ailleurs, déposé une plainte
au Conseil de presse contre… Maurice Giroux et son journal!
Dans ce
chassé-croisé de plaintes, la mise-en-cause craint que son entreprise ne fasse
les frais d’une «mise en scène orchestrée par ces individus qui veulent
régler leurs comptes avec certains individus ou organismes…». Elle se
réserve d’ailleurs à cet égard, le droit d’exercer d’autres recours.
Maintenant, quant au bien-fondé de la
plainte, Lucie Masse la récuse aux motifs suivants:
La journaliste Diane Lapointe a bien repris la chronique signée
pendant près de vingt ans par son conjoint, François Laramée. Elle produit
DEHORS par le biais de l’Agence
DEHORS.com, une entreprise légalement enregistrée à son nom.
Le contenu de la chronique d’aujourd’hui «est fort
semblable à celui qui est diffusé depuis 20 ans». Traitant de sports
et de plein air, la chronique fait régulièrement référence à des lieux et
des événements d’intérêts, principalement dans la grande région de la
Rive-Sud. Il arrive aussi fréquemment que la chronique fasse des
suggestions d’activités, et donne des numéros de téléphones pertinents.
Des séries alphanumériques bordent
bien la chronique DEHORS. Il s’agit de codes internes servant à identifier
le matériel, et pour la responsable de la chronique, d’une référence
permettant «de voir le montage pour correction finale du contenu
avant publication».
Ces séries alphanumériques n’identifient pas nécessairement
«des espaces vendus» comme le prétend sans preuve le
plaignant. D’ailleurs, non seulement les annonces publicitaires en sont
coiffées, mais plusieurs textes d’autres collaborateurs, comme ce communiqué
de l’école SKI-FO, qui paraît dans une page fournie par Michel Chayer
lui-même!
Réplique du plaignant
Le plaignant
considère que, dans ses commentaires, la mise-en-cause tente davantage de
l’intimider que de répondre de «ses dérogations patentes à l’éthique
journalistique». Pour lui, les menaces de recours judiciaires n’enlèvent
pas le fait que:
1.
Dans la rubrique DEHORS du 8 décembre
2002, un numéro de téléphone est donné en référence pour une partie de chasse
aux sangliers. Ce numéro anonyme s’avère être celui de François Laramée. Une
conversation avec son fils, le père étant absent, confirme qu’au sujet de cette
chasse, c’est à François Laramée lui-même qu’il faut parler.
2.
Le retour d’appel de François Laramée
établit l’implication du directeur des communications de la Ville de Longueuil
dans l’Agence DEHORS.com alors que
selon un article du journal Point Sud
du 2 octobre 2002, monsieur Laramée «a finalement cessé d’écrire des
articles à caractère sportif pour son ancien employeur,
Le Courrier du Sud».
3.
Selon le directeur général de la Ville
de Longueuil, après sa nomination comme directeur des communications de la
Ville en février 2002, François Laramée aurait continuer de collaborer à la
rubrique DEHORS, bien que cessant immédiatement de la signer. «Ce n’est
pas rien» ajoute le plaignant: Le «Directeur des
communications de Longueuil collabora donc à une rubrique publiée dans un
journal qui reçoit des contrats de publicité et autres avis municipaux, en
provenance des services de communications de la municipalité!»
4.
Si Diane Lapointe est sans conteste
propriétaire de l’Agence DEHORS.com,
et qu’elle livre bien la rubrique DEHORS au Courrier
du Sud, l’écrit-elle? Et si oui, pourquoi ne la signe-t-elle pas? La
journaliste le fait pourtant pour ses textes de nouvelles ou ses reportages
dans le même journal ou dans le LONGUEUIL-Extra.
5.
DEHORS fait toujours la promotion des
mêmes commerçants depuis des années. «Ce ne sont pas des chroniques qui
paraissent sous la rubrique DEHORS mais des dérivés promotionnels».
D’autant plus troublant que madame Lapointe est aussi représentante
publicitaire au Courrier du Sud!
6.
Au
Journal de Montréal ou à La
Presse, les encadrés bordés d’une série alphanumérique relèvent du service
des ventes (publicités). L’examen de plusieurs numéros semble indiquer au
plaignant qu’il en est de même au Courrier
du Sud.
7.
Contrairement à ce que laisse entendre
Lucie Masse, la chronique de l’organisme SKI-FO n’est pas un communiqué publié
gracieusement par le Courrier du Sud, mais
«serait» un publireportage bénéficiant d’un tarif spécial.
Pour toutes ces
raisons, le plaignant conclut:
– Qu’en continuant sa
collaboration à la chronique DEHORS alors qu’il est directeur des
communications de la Ville de Longueuil, et qu’il accorde à ce titre des contrats
au Courrier du Sud, François Laramée
se trouve en conflit d’intérêts manifeste.
–
Que «les chroniques paraissant sous la rubrique DEHORS sont
essentiellement, depuis des lustres, de la publicité rédactionnelle», qui
devraient donc être coiffées de la mention «publireportage».
Analyse
Les médias sont responsables de tout ce qu’ils publient, y compris les annonces. Ils sont aussi responsables d’identifier clairement les textes publicitaires et ils doivent éviter de faire de la publicité déguisée indirecte, ou encore de présenter des publireportages comme des articles d’information.
Le plaignant Michel Chayer accuse Le Courrier du Sud de bafouer ces balises déontologiques. Il prétend que la chronique DEHORS camouflerait des textes publicitaires sous les apparences d’une chronique journalistique.
À l’appui de sa position, M. Chayer soumet divers éléments qu’il estime probants. Ces arguments sont de deux ordres: certains sont directement liés à l’accusation de publicité déguisée qu’il formule à l’encontre du Courrier du Sud, et seront examinés d’abord. D’autres éléments soumis en preuve concernent François Laramée, conjoint de Diane Lapointe, journaliste au Courrier du Sud et propriétaire de l’ Agence Dehors.com. Le plaignant, qui accuse M. Laramée d’être en conflit d’intérêts, rappelle qu’il a aussi été rédacteur en chef du Courrier du Sud, et depuis février 2002, directeur des communications de la Ville de Longueuil et donc, responsable de l’octroi des contrats municipaux de publicités à son ancien journal. Cet aspect de la plainte sera traité en second lieu.
Michel Chayer affirme que l’Agence Dehors.com n’est pas payée pour produire les chroniques DEHORS; que c’est elle qui paie pour placer son matériel publicitaire. L’affirmation est grave, mais la preuve avancée par Michel Chayer est trop mince pour conclure en ce sens.
Une lecture du matériel soumis par le plaignant lui-même ne montre pas que la chronique DEHORS produite par l’Agence Dehors.com fait la promotion «d’une poignée de marchands, toujours les mêmes». Les quelques éditions consultées donnent plutôt l’impression d’une chronique diversifiée.
Michel Chayer soumet au Conseil près de 70 photocopies pour illustrer le fait que la chronique DEHORS est bordée par une série alphanumérique et que, dans Le Courrier du Sud, les séries alphanumériques accompagnent nécessairement une publicité, ou un texte de promotion. La directrice du journal nie cette interprétation. Elle précise qu’au Courrier du Sud, c’est une façon d’identifier le matériel et de le retrouver dans le montage des pages du journal.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que Michel Chayer ne fait pas la preuve que la chronique DEHORS produite par l’Agence Dehors.com est une publicité. Pour cette raison, le Conseil rejette sa plainte.
Alors que dans sa formulation originale, la plainte de Michel Chayer ne s’adresse pas au conjoint de Diane Lapointe, François Laramée, dans sa réplique, le plaignant tente de prouver que M. Laramée continue de contribuer à la chronique DEHORS de sa conjointe. Sur cette base, il accuse le directeur des communications de la Ville de Longueuil d’être en conflit d’intérêts puisqu’il est responsable de l’attribution de contrats de publicité au Courrier du Sud.
Cet élément de la plainte de Michel Chayer est jugé irrecevable par le Conseil de presse, pour les raisons suivantes:
– D’abord parce que M. Chayer n’ayant pas introduit ce grief dans sa plainte originale, François Laramée n’a pas été informé des accusations portées contre lui et évidemment, n’a pu y répondre!
– Ensuite, il y a le fait que François Laramée ne soit plus journaliste. En tant qu’employé municipal, il n’appartient pas au Conseil de presse de se prononcer sur son éthique ou sur ses activités, officielles ou non.
En terminant, le Conseil de presse tient à mentionner qu’il est préoccupé par la confusion que semble entretenir un certain nombre de médias entre l’information et la publicité, et la trop grande proximité apparente de ces deux différents genres. Le Conseil rappelle que la frontière qui sépare l’information et la promotion doit être parfaitement étanche; il en va de la crédibilité de la presse.
Analyse de la décision
- C21A Publicité déguisée en information
- C21C Traitement à caractère promotionnel
- C21E Subordonner l’information à des intérêts commerciaux
- C22C Intérêts financiers
- C22F Liens personnels
Date de l’appel
8 October 2003
Décision en appel
Les membres de la Commission ont conclu à
l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
M. Michel Chayer