Plaignant
Sylvain
Boucher
Mis en cause
Le Messager de Verdun
(Pierre Lussier, rédacteur en
chef, Louis Mercier, éditeur et Marc-Noël Ouellette, vice-président et
directeur général, journaux hebdomadaires Hebdos Transcontinental)
Résumé de la plainte
Le plaignant porte plainte contre le journal
Le Messager de Verdun pour son manque de
professionnalisme.
Plus
spécifiquement, la plainte de Sylvain Boucher
concerne deux articles
parus le 6 octobre 2002, l’un intitulé«Mise au point à propos des
lettres ouvertes» et l’autre «Deux grandes distinctions attribuées
à des édifices de Verdun», pour leur traitement journalistique incorrect.
Griefs du plaignant
Le plaignant
amorce sa plainte en mentionnant que le journal
Le Messager de Verdun ne remplit aucunement le rôle qu’il est censé
joué, celui de scruteur, d’interrogateur. Selon lui, plusieurs articles
véhiculent «une philosophie utopique, mensongère et ne reflète pas la
réalité».
Sylvain Boucher
déplore l’absence d’analyse, d’exactitude et de signature des textes et écrit
que malgré ses nombreuses demandes de rectification et de justification au
journal, celui-ci «se replie sur lui-même et se victimise avec
complaisance».
Le plaignant
précise ensuite que le commissaire au développement, Alain Laroche, bras droit
du maire Bossé fait partie de l’équipe rédactionnelle du journal et que la
situation commerciale de Verdun ne
permet pas de «faire vivre Le
Messager de Verdun». Il avance que le principal annonceur du journal
est la Ville de Verdun.
Il met, par la
suite, en cause deux articles. Le
premier intitulé «Mise au point à propos des lettres ouvertes»,
paru pendant la campagne électorale. Dans cette parution, selon le plaignant,
la population est dissuadée d’émettre ses opinions sur les problèmes rencontrés
par la Ville. Le second «Deux grandes distinctions attribuées à des
édifices de Verdun», non signé, a été publié avec des inexactitudes. Lors
de cette parution, le plaignant a demandé un erratum, demande restée sans suite.
Sylvain Boucher
termine sa plainte en déclarant que «l’autosuffisance, l’amateurisme
[dont fait preuve le journal] ne sert aucunement les intérêts des
citoyens». Selon lui, il doit être mis fin à l’improvisation.
Le plaignant
joint à sa plainte six lettres:
1.
Lettre adressée à M. Marc-Noël
Ouellette, vice-président et directeur général des journaux hebdomadaires, dans
laquelle il est question d’un article, écrit par M. Pierre Lussier, traitant de
la situation commerciale de Verdun. Cet article est considéré comme mensonger
par le plaignant. Il fait partie de nombreux articles erronés et non signés
parus dans Le Messager de Verdun. Le
plaignant fournit des chiffres pour appuyer le fait que l’article publié
comporte des inexactitudes.
2.
Lettre adressée à Mme Tremblay de
l’Association de la construction du Québec dans laquelle il est question de
l’article intitulé «Deux grandes distinctions attribuées à des édifices
de Verdun» énonçant qu’un bâtiment de Verdun avait reçu un prix de l’Association
de la construction du Québec. Selon cette lettre, les bureaux du commissaire au
développement de Verdun ainsi que le bureau de Montréal n’ont pas eu
connaissance de ce prix.
3.
Lettre adressée à M. Lussier,
rédacteur en chef du Messager de Verdun,
dans laquelle le plaignant déclare au rédacteur qu’aucun prix n’a été remis par
l’Association de la construction du Québec et que le rôle de cette dernière
s’est limité à celui de commanditaire. De plus, il demande au journal un
erratum et une précision de l’article et de ses sources.
4.
Lettre adressée à M. Laroche,
commissaire au développement, ayant pour but de faire savoir l’intérêt que le
plaignant porte à sa ville.
5.
Deuxième lettre adressée à M. Lussier
dans laquelle le plaignant déplore le fait d’écrire un article avec peu
d’informations. Il mentionne, d’autre part, au rédacteur en chef qu’aucun
consultant de la Ville de Montréal n’a vu les immeubles mentionnés dans
l’article, contrairement à ce qu’affirmait M. Lussier lors d’une conversation
téléphonique avec le plaignant. M. Boucher réitère sa demande de publier un
erratum et de préciser les distinctions et termine la lettre en citant la Loi
canadienne du droit d’auteur énonçant que «le journaliste doit vérifier
l’information et les sources du sujet, [que] nul ne peut modifier, mutiler ou
déformer un sujet avant publication et [qu’il] doit consulter, réviser et
signer la publication».
6.
Lettre adressée à M. Ouellette dans
laquelle il est question de la mise au point sur les lettres ouvertes, publiée
par le journal pendant les élections. Le plaignant qualifie cette mise au
point comme étant «nébuleuse et
non clairement définie». Il déplore le fait que M. Laroche, «bras
droit de M. Bossé», maire de Verdun, fasse partie de la rédaction du
Messager de Verdun.
Selon lui, la seule personne qui pouvait être
critiquée lors de ces élections était le maire «puisque la population
méconnaissait l’administration de l’équipe Bourque», autre candidat aux
élections.
Outre les deux articles mis en cause et les
différentes lettres, le plaignant joint des photographies montrant l’état des
commerces de la rue Wellington.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Pierre Lussier, rédacteur en
chef du Messager de Verdu et de Marc-Noël Ouellette, vice-président et
directeur général, journaux hebdomadaires,
Hebdos Transcontinental
:
MM. Lussier et
Ouellette ont obtenu l’appui de deux dirigeants de la presse pour soutenir leur
réponse à la plainte: M. Louis Mercier, directeur régional et M. Pierre
Vigneault, rédacteur en chef du Magazine de l’Île des Sœurs.
Les participants
aux commentaires de la plainte ont répondu à chacun des paragraphes de la
lettre du plaignant. Pour alléger le contenu de la réponse, ils ont numéroté
les différents points évoqués par le plaignant. Ainsi, les commentaires se
divisent en 14 points.
Le premier point
concerne l’accusation de véhiculer une philosophie utopique et mensongère, le
mis-en-cause avance qu’aucun exemple précis n’est avancé pour étayer ces
allégations. Il ajoute que Le Messager de
Verdun a une réputation irréprochable et qu’il se réserve le droit de
poursuivre le plaignant pour l’atteinte qu’il fait à sa réputation.
L’absence de
signature constitue le deuxième point. M. Lussier mentionne qu’il arrive
parfois que certains articles ne soient pas signés et que, dans ces cas, c’est
le rédacteur en chef qui assume la responsabilité du contenu de l’article. Il
indique que le nom de ce dernier est inscrit dans la cartouche publiée en page
4 du journal.
Quant au grief
sur le caractère insipide des articles, le mis-en-cause précise que
Le Messager n’est pas un journal engagé.
Les pages du journal sont ouvertes aux lettres de lecteurs mais que les
opinions de ceux-ci contestant les informations publiées ne sont pas forcément
endossées.
Ensuite, M.
Lussier précise que M. Laroche n’est pas un salarié de l’arrondissement de
Verdun mais a un contrat en sous-traitance avec celui-ci, en tant que
commissaire au développement local. M. Laroche est un collaborateur du
Messager à titre de chroniqueur.
Sur la mise au point, il est dit que la
publication d’une mise au point concernant les lettres ouvertes est une
pratique répandue en période électorale. Cette position est justifiée par
l’argument que, en cette période politique d’importance, les partisans et les
opposants de partis politiques se servent des tribunes aux lecteurs comme
terrains d’affrontement.
Le cinquième
point concerne l’article intitulé «Deux distinctions attribuées à des
édifices de Verdun». Le mis-en-cause déclare que la rédaction assume la
responsabilité du texte et que M. Boucher est le seul lecteur qui ait commenté
l’information diffusée dans cet article. Les informations publiées ont été
vérifiées auprès des sources officielles, telles le site Internet de l’Office
du Patrimoine ou des informations diffusées par la directrice des
communications de l’arrondissement de Verdun. Le mis-en-cause fournit une copie
de l’allocution prononcée par le président du conseil d’arrondissement, George
Bossé, pour rendre hommage aux lauréats des prix. Ce texte témoigne, selon lui,
de l’exactitude des faits présentés dans l’article.
Concernant la
réponse d’un lecteur, M. Lussier indique que la lettre citée par le plaignant
ne démontre en aucune façon les prétendues erreurs relevées et que, au
contraire, cette lettre démontre la volonté du journal d’ouvrir ses pages aux
opinions diverses. Il affirme qu’il n’y a aucune censure ni discrimination dans
le choix des lettres des lecteurs.
Le septième
point traite des statistiques énoncées par le plaignant. Selon le mis-en-cause,
les statistiques concernant l’achat local sont fantaisistes. Celles sur la
criminalité à Verdun sont à relativiser. Le dénigrement de la rue Wellington
est injustifié et le mis-en-cause avance des exemples de commerces florissants,
des chiffres provenant du PLACÉE (Plan local d’action concertée pour l’économie
et l’emploi): sur le taux de vacances des espaces commerciaux (celui-ci a
diminué), sur le niveau de scolarité des Verdunois qui reste bas et enfin sur
les revenus des ménages.
Au sujet du prix
de l’Association de la construction du Québec, après vérification, M. Lussier
affirme que c’est cette dernière qui présente les prix pour les immeubles
commerciaux tel qu’il a été fait mention dans l’article.
M. Lussier note
ensuite l’incapacité des journalistes à se prononcer sur des critères
architecturaux et renvoie à l’allocution de M. Bossé pour des précisions sur
les motifs pour lesquels le jury a attribué ces prix.
Selon Pierre
Lussier, la lettre adressée à Alain Roche ne concerne pas
Le Messager.
Le plaignant dit
s’être entretenu avec un consultant de la Ville de Montréal mais, selon le
mis-en-cause, celui-ci ne devait pas être au courant de l’Opération Patrimoine.
Le journal a vérifié les informations diffusées auprès des sources officielles,
celles-ci se sont avérées «rigoureusement exactes».
En dernier point, la rédaction dément agir
avec complaisance dans les dossiers touchant Georges Bossé pour la raison que
l’arrondissement de Verdun est annonceur du journal et note que, en avançant
cela, le plaignant fait un procès d’intention au
Messager.
Réplique du plaignant
Le plaignant amorce sa réplique en déclarant que les réponses
remises par Le Messager de Verdun
n’amènent aucun éclairage nouveau au dossier. Selon lui, les réponses sont
«mensongères, distortionnées et ne font qu’aggraver et confirmer [ses]
allégations sur l’utopie des informations véhiculées par le
Messager».
Il reprend en
les commentant les points mis en valeur par les mis-en-cause.
Sylvain Boucher
indique qu’il ne peut soutenir ses allégations faute de preuve et dit avoir
cherché les deux articles en question sur le site Internet du journal mais que,
celui-ci n’étant pas en fonctionnement, sa recherche n’a pu aboutir.
Faute de ces
preuves, d’autres pièces viennent appuyer ses dires selon lesquels l’artère
commerciale de Verdun est de «piètre qualité»: photographies
et rapport PLACÉE.
Il invoque
ensuite la Convention du droit d’auteur publiée par la CSN selon laquelle tous
les articles doivent être signés.
Le plaignant dénonce
les propos de Pierre Lussier concernant le nombre de locaux vacants: ce
dernier avance le chiffre de 6 ou 7 locaux alors que le plaignant, preuve à
l’appui, en a dénombré 23. Il déplore le manque de rigueur et d’exactitude des
réponses du rédacteur en chef.
Invoquant le
rapport PLACÉE, la recherche de la sociologue A.-M. Grenier et l’article de Me
Fortin, Sylvain Boucher réaffirme ses propos sur les biens d’utilité courante
et les magasins bas de gamme et fait part de son impression quant au fait que
la rédaction tendrait à vouloir masquer l’incompétence du développement local.
Dans un autre
paragraphe, le plaignant fait remarquer qu’Alain Laroche est présent dans
nombre d’organismes en relation avec le développement local et qu’il fait
partie, indifféremment, de l’équipe rédactionnelle du journal.
Le plaignant,
dans un quatrième point, juge la mise au point du journal dissuasive. Selon
lui, le journal devrait justement favoriser le débat entre les opposants à une
élection et donc ouvrir ses pages. La réponse de la rédaction est «tout
sauf de la politique et de la démocratie».
Sylvain Boucher
justifie ensuite le fait qu’il ait commenté un article paru dans
Le Messager par l’argument que cet
article le concernait directement. En effet, l’un des bâtiments récompensé est
une des réalisations du plaignant. Ainsi, il se dit dans son droit quand il
demande plus d’informations sur le fait qu’une autre personne ait reçu le prix.
Dans un point
suivant, le plaignant entreprend de prouver, à l’aide de rapports, que la
réponse du mis-en-cause est «irrecevable, mensongère et sans
fondement». Il cite le rapport PLACÉE, fourni en annexe à sa plainte,
selon lequel «Verdun est perçue comme une ville dangereuse par les
habitants de Montréal à 43 %». Il regrette ensuite que la rue Wellington
ne soit plus une des artères les plus prestigieuses du grand Montréal. Sylvain
Boucher fait appel aux photographies qu’il a prises montrant la vacance de plus
de 23 locaux et la mauvaise qualité des commerces à Verdun.
Selon le
plaignant, M. Couillard, porte-parole de l’Association de la construction du
Québec, n’a jamais remis de prix. Son rôle a été celui de commanditaire.
Pour finir, il s’inquiète de «la
fermeture d’esprit et de la complaisance avec laquelle [la rédaction] se replie
sur elle-même». Dans ses conclusions, il indique que
«l’improvisation qui se dégage des réponses [de M. Lussier] démontrent
une culture journalistique déficiente et qu’en conséquence elle ne fera que
maintenir cet arrondissement dans une pauvreté d’informations».
Analyse
Le rôle du Conseil de presse du Québec est non seulement de promouvoir le droit du public à l’information et l’accès des citoyens aux médias, mais également de veiller à la liberté de la presse. Dans le présent cas, il est question à la fois de la liberté et de la responsabilité d’informer.
L’un des griefs exprimés par le plaignant visait l’absence de signature de textes. Or, les journalistes sont libres de signer ou non les textes qu’ils produisent. Le fait de ne pas signer certains textes n’élude toutefois pas la responsabilité des auteurs à l’égard de leur production, ni celle des médias face à ce qu’ils publient.
L’attention que les médias décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, dans le respect des règles journalistiques, leur appartiennent en propre et relèvent de leur discrétion rédactionnelle. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information. Le second grief conteste la décision du journal de ne pas publier pendant la période électorale les lettres ouvertes des lecteurs. De l’analyse de ce grief, il appert que la rédaction du journal a exercé ici son droit légitime de disposer librement de ses pages.
Quant au manquement en regard de l’exactitude de l’information, le Conseil de presse n’a relevé aucune inexactitude si ce n’est dans les commentaires du mis-en-cause concernant le nombre de locaux vacants de la rue Wellington à Verdun. Ce nombre (6 ou 7) est largement sous-estimé, ce qui est démontré avec justesse par le plaignant (25), et pourrait contribuer à donner de la rue une image biaisée du développement commercial de la rue.
L’engagement contractuel auprès de l’arrondissement de Verdun et la fonction de chroniqueur de M. Laroche au journal sont incompatibles. La déontologie demande d’éviter l’exercice simultané de ces deux activités afin de protéger l’image d’intégrité de la profession.
Après considération de l’ensemble des éléments soumis à son attention, le Conseil ne retient que partiellement la plainte à l’encontre du Messager de Verdun au titre du manquement en regard du conflit d’intérêts.
Analyse de la décision
- C04A Article non signé
- C08A Choix des textes
- C08F Tribune réservée aux lecteurs
- C11B Information inexacte
- C19A Absence/refus de rectification
- C22B Engagement politique
- C22E Travail extérieur incompatible