Plaignant
Slawomir
Poplawski
Mis en cause
The
McGill Reporter (
Maeve Haldane,
rédactrice en chef)
Résumé de la plainte
M. Slawomir Poplawski porte plainte contre
The McGill Reporter
pour avoir censuré, sans raison ou sans explication, trois textes expédiés
au journal pour publication. Les textes ont été envoyés respectivement en avril
2002, août 2002 et novembre 2002.
Griefs du plaignant
La plainte de M.
Poplawski concerne un article d’opinion et deux lettres ouvertes qu’il a tenté
de faire publier et qui mettaient en cause de nouvelles pratiques à
l’Université McGill qu’il considérait « très étranges et non démocratiques ».
Mais ses textes ont fait l’objet de censure, sans raison ni explication, selon
lui. Ce qui indiquerait que la rédactrice en chef, Maeve Haldane, et l’ancien
recteur, Bernard Shapiro, ont bloqué la publication, dans The McGill
Reporter, de tout ce qui aurait pu gêner la direction de
l’Université. Le journal, selon le
plaignant, ne devrait pas être traité
comme un pion de la direction qui offre à des journalistes des emplois
lucratifs dans un marché restreint en échange d’une loyauté à toute épreuve.
Mme Haldane, qui a une expérience journalistique très restreinte, a été nommée
rédactrice en chef juste avant que le texte du plaignant ne lui parvienne.
Selon M.
Poplawski, l’Université McGill n’est pas une compagnie privée imprimant son
propre bulletin de liaison interne, mais une institution publique financée à 80
% par les contribuables. En outre, elle est censée être un modèle de comportement
pour la société tout entière. Si on tolère dans les universités des valeurs
autoritaires et l’existence de cliques
(dictatorial values and the existence of cliques), la société ne pourra
pas lutter contre la corruption dans les gouvernements, les partis politiques
et dans plusieurs institutions financées publiquement.
Le plaignant
explique ensuite le contenu de ses envois au journal. Sa première lettre visait
à questionner le côté « totalitaire » (
totalitarian side
) de M. Shapiro qui aurait encouragé l’utilisation de lettres
anonymes en milieu universitaire. La seconde tirait des conclusions générales
sur l’état de la situation à l’Université McGill. Même si, selon le plaignant,
ce type de texte d’opinion provenant des membres de la communauté est
soi-disant bienvenu, dans les deux cas ses textes n’ont pas été publiés. Après
sa troisième lettre, qui était une plainte sous forme de lettre ouverte, non
seulement ses textes n’ont toujours pas été publiés sans explication, mais la
réponse de Mme Haldane se réduisait à quelques généralités sur son texte qui
devait être abrégé, sans préciser d’exigence quant au format. Un autre exemple
donc, selon M. Poplawski, des nouveaux comportements étranges au journal, alors
que sa dernière lettre traitait justement de la servilité de la haute direction
de l’Université McGill. Il s’agit d’un exemple typique de «manipulation »
(social manipulations) exercée par les gens de haute direction. Le
plaignant élabore ensuite sur la pratique qu’il dénonce, celle de la manipulation
des personnes occupant des postes de pouvoir.
Le plaignant
annexe 16 pages d’échange de correspondance entre lui, la direction du journal
et celle de l’Université McGill.
Quelques jours après le dépôt de sa
plainte, soit le 3 février 2003, M. Poplawski expédie au Conseil, en
information complémentaire, une télécopie annotée d’une de ses lettres qui
vient d’être publiée par le journal étudiant de l’Université McGill, The
McGill Tribune. Il réitère l’importance de son exposé qui ne devrait pas être
ignoré, exposé sur la « servilité » qu’il considère comme anti-démocratique.
Commentaires du mis en cause
Mme Haldane
répond que The
McGill Reporter est financé par
l’Université McGill, qu’il est destiné à la communauté universitaire et qu’il
ne fait pas partie, selon elle, des médias ou de la presse en général.
La rédactrice en
chef ajoute que si elle accueille des lettres de la communauté qu’elle dessert,
elle se réserve le droit de ne pas publier certaines lettres à cause de l’espace
disponible ou de leur à- propos. Les lettres de M. Poplawski étaient, selon
elle, extraordinairement longues et incohérentes (
rambling) et auraient
demandé un travail d’édition considérable. Elles étaient également près de la
diffamation et elle les jugeait de peu d’intérêt pour son lectorat.
Mme Haldane
précise que, contrairement à ce qu’allègue le plaignant, ni le recteur Shapiro,
ni la rectrice Munroe-Blum ne sont consultés sur ce qui est publié dans son
journal.
The McGill Reporter a
déjà publié des lettres critiques à l’égard de l’Université et du journal The
McGill Reporter. Il a déjà publié également des lettres de M. Poplawski par
le passé et elle inclut des exemples. Toutefois, elle estime ne pas avoir à
publier celles qui lui semblent complètement non fondées en faits et dont
l’intérêt n’est autre que la calomnie pour la calomnie.
En ce qui a
trait à l’opinion de M. Poplawski concernant son embauche, il n’a jamais
demandé à vérifier ses qualifications, pourtant bien réelles.
Mme Haldane annexe 16 pages d’échange
de correspondance entre elle, et M.
Poplawski ainsi qu’entre ce dernier et la direction de l’Université. Elle
annexe également deux pages du McGill Reporter où l’on trouve un texte
de M. Poplawski.
Réplique du plaignant
Le 14 mars 2003, M. Poplawski
adresse au Conseil copie d’un courriel envoyé à Mme Haldane lui demandant de
publier une longue lettre ouverte adressée à la nouvelle rectrice.
Le 27 mars, M. Poplawski formule sa
réplique où il indique qu’il n’est pas sûr que Mme Haldane a bien compris ses
propos puisque dans ses commentaires elle ne répond pas à la plupart des
questions soulevées.
Il s’arrête d’abord à la remise en
question par la rédactrice en chef de la recevabilité du dossier, ce qu’il
considère comme une tentative de diversion des motifs principaux de la plainte.
Celle-ci visait l’existence, au journal The McGill Reporter, de règles
de fonctionnement contraires à la démocratie et à l’éthique. Plus encore, il
lui semblait que la rédactrice en chef avait reçu des instructions strictes
d’agir ainsi afin de cacher au public la situation véritable à l’Université
McGill. Pour le plaignant, il est difficile de croire qu’une telle personne,
jeune et débutant à l’Université puisse être aussi provocante, rabaissant les
autres et refusant de répondre aux lettres adressées au comité éditorial.
M. Poplawski rappelle ensuite les
événements qui ont conduit à ce que ses lettres ne soient plus publiées,
notamment une intervention brutale (brutal intervention) contre lui et dans son
département de la part du vice-recteur, intervention complètement passée sous
silence.
Le recteur aurait également fait une
tentative pour rendre acceptable (attempt of introducing a dictatorial
recognition) l’utilisation des lettres anonymes à l’Université McGill tandis
que Mme Haldane le protégerait en ne publiant pas les commentaires critiques à
son sujet. Le plaignant donne des exemples, critiquant au passage
l’installation en poste de la nouvelle rectrice, la publication en couleurs du McGill
Reporter et les revenus de la rédactrice en chef dont le salaire plus élevé
et une prime importante auraient été attribués derrière des portes closes.
Pour le plaignant, la conduite de Mme
Haldane représente un modèle parfait pour une analyse en milieu réel du
comportement typique de quelqu’un qui, doté d’un opportunisme sans limite, en
vient à créer autant d’axes du mal (are creating so many axes of evil) dans
notre monde moderne. En élaborant sur cet exemple, il fait la relation avec les
« dangereux mécanismes du comportement humain et des attitudes qui causent la
dégénérescence d’accomplissements démocratiques et qui permettent de mieux
comprendre pourquoi en Irak, par exemple, certaines personnes en viennent à «
aimer » leurs leaders. Il poursuit sa démonstration en écrivant que si son
hypothèse peut expliquer jusqu’à présent très adéquatement la réalité, les
chances sont minces de la vérifier sans que ne soient exposés publiquement les
changements étranges qui se produisent à l’Université McGill. C’est ce qu’il
tentait de faire dans les trois lettres qui ont été refusées.
M. Poplawski termine son exposé sur les
problèmes engendrés par les comportements qu’il dénonce et qui pourraient avoir
un impact sur le développement de la société dans laquelle nous vivons. Le
plaignant annexe à sa réplique 11 pages comprenant cinq textes parus sous sa
signature dans The McGill Reporter et deux dans The McGill Tribune,
ainsi qu’un texte paru sous la plume de Mme Maeve Haldane dans The McGill
Reporter.
Analyse
Le Conseil de presse tient à rappeler le principe maintes fois énoncé que nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal ou aux ondes des stations de radio et de télévision.
Sur la base de ce principe, même si les médias et les professionnels de l’information ont le devoir d’en favoriser l’accès au public, c’est également leur droit de refuser la publication d’articles ou de lettres de lecteurs pour les raisons qu’ils jugent à propos et qui correspondent à la politique énoncée par le journal en cette matière.
Ainsi, The McGill Reporter pouvait légitimement refuser la publication des lettres et des articles du plaignant dans ses pages.
Par ailleurs, le plaignant invoquait que la raison pour laquelle ses lettres n’étaient pas publiées était le fait d’une censure exercée par la rédactrice en chef du journal, Maeve Haldane, et l’ancien recteur de l’Université McGill, Bernard Shapiro.
Après examen des documents soumis à son attention, le Conseil de presse du Québec considère que sur cet aspect, le plaignant n’a pas démontré l’existence d’une telle interférence de la part de la direction de l’Université dans la conduite de la rédaction, non plus que de signes de censure.
Au contraire, l’examen démontre qu’au cours des dernières années, les textes de M. Poplawski ont été publiés régulièrement dans The McGill Reporter. En conséquence, tirer une telle conclusion équivaudrait, aux yeux du Conseil, à commettre un procès d’intention aux mis-en-cause.
Par conséquent, et pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Poplawski contre The McGill Reporter et sa rédactrice en chef, Maeve Haldane.
Analyse de la décision
- C06D Ingérence extérieure dans la rédaction
- C08A Choix des textes
Date de l’appel
8 October 2003
Décision en appel
Les membres de la Commission ont conclu à l’unanimité
de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
M. Slawomir Poplawski